18.10.2016 • Privatisation

Les multinationales de l’eau tentent de faire payer les collectivités pour l’interdiction des coupures

En France, les coupures d’eau sont interdites par la loi depuis 2013. Un changement qui n’a jamais été accepté par Veolia, Suez et la Saur, qui se partagent le marché de la gestion privée de l’eau dans notre pays. Elles ont d’abord tenté de faire changer la loi, puis de ne pas l’appliquer. Rappelées à l’ordre par plusieurs décisions de justice, elles ont trouvé un autre parade : demander aux collectivités locales de payer pour ces coupures... par avance !

Publié le 18 octobre 2016 , par Olivier Petitjean

Depuis l’interdiction légale des coupures d’eau pour impayé dans les résidences principales en France, deux organisations de la société civile - France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France - ont initié plusieurs poursuites judiciaires pour faire condamner les services d’eau publics ou (dans l’immense majorité des cas) privés qui refusaient de respecter la loi (lire notre enquête). Treize jugements ont été rendus, à chaque fois en défaveur des prestataires, confirmant l’interdiction non seulement des coupures mais aussi des restrictions de débit d’eau.

Dernière invention en date des grandes entreprises de l’eau pour contourner une interdiction qu’elles n’ont apparemment jamais digérée : demander aux collectivités locales qui ont fait appel à leurs services de signer un avenant à leur contrat de délégation de service public. Parmi les nouvelles clauses souhaitées par les firmes privées : la prise en charge par la collectivité des impayés, l’augmentation de la part fixe des factures, et l’éventualité d’une hausse du prix de l’eau en cas d’augmentation supplémentaire des impayés. Ce sont des élus locaux qui ont alerté France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France, lesquelles dénoncent un « nouveau racket des multinationales de l’eau » qui veulent veulent « le beurre, l’argent du beurre et le budget de nos collectivités » en transférant « leur risque vers les élus alors que celui-ci fait partie de leur contrat ».

Les entreprises de l’eau invoquent en effet une augmentation des impayés depuis l’interdiction des coupures d’eau. La loi « a pour conséquence une hausse des impayés, donc il faut la répartir sur l’ensemble des facturations », s’est défendu Antoine Frérot, le PDG de Veolia, à l’AFP. « Nous demandons une adaptation du prix de l’eau, tenant compte de l’évolution des impayés. » Cependant, selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), l’augmentation des impayés aurait commencé plus tôt, vers 2010, ce qui suggère qu’elle serait davantage due à la crise. Élus et associations dénoncent également l’absence de données précises sur ces prétendues hausses des impayés, alors même que les prestataires tentent de les imposer à leurs clients « au culot », et sans hésiter à brandir la menace de poursuites. Pour France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France, c’est une nouvelle raison pour eux de « repasser en régie publique ».

Olivier Petitjean

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Photo : « м Ħ ж » CC

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