La société Lyon-Turin ferroviaire (LTF) est une filiale commune de Réseau Ferré de France (RFF) [1], qui gère le réseau ferré national, et de son homologue italien Rete Ferroviaria. Basta ! a consacré de nombreux articles à ce projet et à la contestation qu’il suscite. Un tunnel d’une telle ampleur n’ira pas sans impacts environnementaux majeurs, pour des bienfaits contestables.
« Une ligne coûtant 100 millions du kilomètre »
Les critiques portent également sur le coût pharamineux de l’ouvrage, qui ne cesse d’augmenter. « De 3 milliards d’euros initialement, on est passé aujourd’hui à 30 milliards, observent les Amis de la terre. Le tout pour quoi ? Pour relier Paris à Milan en 4 heures et quart. ». Dans un courrier à l’association [2], la société LTF défend son projet, soulignant que le trajet entre Paris et Milan s’effectuera bien « en 4h au lieu de 7 aujourd’hui » - mais c’est sans tenir compte du fait que le trajet actuel en 7 heures comporte neuf arrêts en gare, qui seraient supprimés. Le coût de la section entre la France et l’Italie serait par ailleurs établi à 8,5 milliards d’euros. Des arguments que les Amis de la terre déconstruisent point par point sur leur site [3], en citant les derniers chiffres officiels cités par la direction du Trésor.
Le rapport de la Cour des comptes sur les lignes à grande vitesse publié le 23 octobre dernier n’épargne pas le projet Lyon Turin dont elle juge la rentabilité socio-économique « trop faible » [4]. « Rappelons que la ligne coûterait 100 millions du kilomètre selon les évaluations les plus basses et que selon les prévisions de LTF en valeur 2010, pour le seul tunnel de base de 57 km, le kilomètre coûterait plus de 149 millions d’euros ! » s’insurge Daniel Ibanez, fervent opposant au projet. « Comment justifier, au moment où le gouvernement recherche 50 milliards d’euros, un projet dont chaque kilomètre de tunnel est égal à la construction d’un hôpital de 60 000 m² », réagissent les eurodéputées écologistes Karima Delli et Michèle Rivasi. Le financement de la section transfrontalière à hauteur de 40 % par l’Union européenne ne serait par ailleurs toujours pas confirmé, selon Michael Cramer, président du Comité des transports du Parlement européen [5].
Risques d’infiltration mafieuse ?
Les Amis de la terre rappellent également que deux anciens responsables de LTF, le directeur général et le directeur des travaux, ont tous deux été condamnés à de la prison en première instance en Italie pour trucage d’appel d’offre [6]. Une procédure d’appel étant en cours, la société LTF se refuse à tout commentaire sur ce dossier. Lyon Turin Ferroviaire tient néanmoins à préciser qu’elle a signé un protocole visant à prévenir des infiltrations criminelles dans les marchés des travaux publics entre les pouvoirs publics italiens et les organisations syndicales du BTP. Elle s’est également engagée à respecter auprès du CIPE – Comité interministériel pour la programmation économique – des engagements antimafia dans l’attribution des marchés. En trois ans, l’autorité publique de contrôle (GITAV) aurait ainsi écarté 4 entreprises intervenant sur le chantier du Lyon-Turin.
Les Amis de la Terre observent toutefois que « des comptabilisations troublantes persistent dans les comptes de LTF ». A l’instar des 10,322 millions d’euros pour une galerie jamais creusée à Venaus, en Italie... Malgré les interpellations de l’association de lutte contre la corruption Anticor, LTF n’a pas donné de réponse à ce sujet.
Les Amis de la terre, aux côtés d’autres organisations, remettent en question la pertinence même du projet de ligne à grande vitesse. Et appellent à utiliser la ligne ferroviaire existante modernisée, « qui à elle seule pourrait transporter la totalité des marchandises circulant actuellement par les Alpes du Nord entre la France et l’Italie ». En attendant un éventuel revirement, les prix Pinocchio 2014 sont ouverts au vote des internautes jusqu’au 17 novembre.
Sophie Chapelle
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Photo : Stefano Bertolotti CC
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