La justice brésilienne a annoncé, le 7 novembre dernier, le blocage des biens d’Alstom au Brésil. L’entreprise française est accusée d’avoir versée des pots-de-vin à des personnalités politiques et des dirigeants d’entreprises publiques pour obtenir des marchés en lien les métros de São Paulo et de Brasilia. La justice brésilienne soupçonne Alstom de s’être entendu avec ses concurrents (Siemens, Bombardier, Mitsui) pour se partager ces marchés, ainsi que celui de la ligne de train à grande vitesse entre Rio et São Paulo. Siemens aurait révélé les faits en échange de son impunité judiciaire. À ces occasions, des millions dollars de pots-de-vin auraient également été à des politiciens [1], via des filiales offshore.
La justice suisse est associée à l’enquête sur Alstom, et semble d’ailleurs avoir joué un rôle critique pour que l’affaire ne soit pas enterrée et pour pousser la police fédérale brésilienne à bloquer les biens de l’entreprise française. Un premier accord de coopération judiciaire, signé en 2011, était resté lettre morte, mais vient d’être renouvelé sous la pression suisse. Ce n’est en effet pas la première fois que le groupe français se retrouve impliqué dans un scandale de corruption au Brésil. En 2008, une première enquête conjointe du Brésil et des autorités fiscales francaises et suisses portait - déjà - sur des pots-de-vin allégués à São Paulo.
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Faites un donLe secteur des grands barrages également concerné
Alors qu’au Brésil, les scandales de corruption étaient cantonnés jusqu’à présent au domaine des transports, de nouvelles révélations viennent suggérer qu’un système similaire de corruption pourrait également exister dans le secteur de l’hydroélectrique. Alstom est en effet un acteur de poids dans le secteur des grands barrages au Brésil, impliqué dans la construction et la maintenance de tous les grands ouvrages du pays (lire Alstom : un groupe français au coeur de nombreux barrages controversés). Selon la presse brésilienne, un pot-de-vin aurait été versé à l’entreprise publique Eletronorte pour régler un contentieux commercial lié au mégabarrage de Tucurui, via des intermédiaires également chargés des relations entre Alstom et les autres entreprises hydroélectriques brésiliennes. Là encore, des personnalités politiques ou leurs proches paraissent directement impliquées.
En 2006, le nom d’Alstom avait déjà été cité dans une enquête de la police fédérale brésilienne sur des irrégularités financièresdans les contrats de plusieurs entreprises publiques d’hydroélectricité, dont Eletrosul, Itaipu Binacional et, déjà, Eletronorte.
Alstom, champion du monde de la corruption ?
Au-delà du Brésil, le groupe français apparaît comme un des champions mondiaux de la corruption, avec des affaires en cours aux quatre coins de la planète. Début 2013, l’entreprise avait même été nominée à ce titre aux Public Eye Awards, le prix européen de la pire entreprise, sur proposition de l’association Sherpa [2]. Des filiales d’Alstom ont été mises à l’index pour faits de corruption par la Banque mondiale et par les autorités de divers pays.
Certes, le groupe français opère dans des secteurs économiques qui reposent sur les marchés publics, et sont davantage vulnérables aux pratiques de corruption. Mais la multiplication des affaires un peu partout dans le monde, alors même que les dirigeants d’Alstom prétendent avoir mis en place un dispositif exemplaire de prévention de la corruption, soulève bien des questions. Le groupe français parraine ainsi le master droit et éthique des affaires à l’université de Cergy-Pontoise et ses codes de conduite internes accumulent les labels. En fait, le groupe français est surtout passé maître dans l’art de diluer les responsabilités entre ses diverses filiales, ou de passer des arrangements financiers avec la justice pour éviter des condamnations. Et parfois, il semble y avoir le cynisme pur et simple. Interrogé par le quotidien suisse Le Temps au sujet des sanctions de la Banque mondiale, un cadre d’Alstom remarquait ainsi froidement : « Nous pouvons participer aux appels d’offres par le biais d’autres filiales. »
Olivier Petitjean
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Photo : Luis F. Gallo cc