Alerter. Informer. Rouvrir les possibles.
L’Observatoire a besoin du soutien de ses lecteurs !

0
1 039 €
30 000 €

Objectif 30000 € d’ici la fin de l’année.

Je fais un don !

02.10.2013 • Partenariat public privé

Pénurie d’eau à Dakar : la gestion purement financière de Finagestion en accusation

La capitale sénégalaise est privée d’eau depuis le 12 septembre 2013. En cause, une canalisation défectueuse que le gestionnaire du service, le fonds d’investissement Finagestion, ne parvient pas à réparer. Une pénurie qui prend des proportions de crise politique majeure à Dakar, et qui met aussi en lumière toutes les insuffisances d’un modèle exclusivement financier de gestion du service de l’eau.

Publié le 2 octobre 2013 , par Olivier Petitjean

La société en charge du service de l’eau de Dakar, la Sénégalaise des eaux (SDE), est une filiale de Finagestion. Cette firme peu connue, basée à Paris, est spécialisée dans les partenariats public privés (PPP) dans les pays africains, et plus particulièrement dans l’affermage des services publics (eau, électricité). Jusqu’en 2009, Finagestion dépendait du groupe Bouygues, qui reste actionnaire minoritaire. Aujourd’hui, elle est la propriété d’un fonds d’investissement dédié à l’Afrique, Emerging Capital Partners (ECP) [1].

Comme le rappelle l’agence Ecofin, historiquement, la gestion du service de l’eau de la ville avait été confiée à la SAUR (dépendant alors du groupe Bouygues) dans le cadre d’un contrat d’affermage. Un contrat que certains présentaient alors comme un modèle de « partenariat public privé », même si la réalité était loin d’être aussi rose. Après une période d’incertitude en 2009 sur le renouvellement du contrat avec la SAUR (qui avait quitté le giron du groupe Bouygues depuis 2005), le service a finalement été confié à Finagestion, dans le cadre de qui devait être, selon ses promoteurs, un « partenariat public-privé innovant et efficace ».

Finagestion s’est spécialisée dans la reprise des anciens contrats de la SAUR en Afrique, puisqu’elle est également en charge du service de l’eau en Côte d’Ivoire et à Kinshasa. La SAUR avait certes l’habitude de soigner les bénéfices de la maison mère Bouygues en facturant certains travaux à un prix très avantageux, mais au moins, comme le note encore Ecofin, Bouygues et la SAUR connaissaient le métier. Avec la Finagestion, le métier semble passer au second plan par rapport à l’exigence d’optimisation du retour sur investissement.

Depuis le début de la crise, le gouvernement sénégalais et le gestionnaire du service assure que la situation va revenir dans l’ordre très prochainement ... sans trop de succès à ce jour. Le manque d’eau commence à avoir des conséquences graves, notamment en termes sanitaires, et a déjà fait au moins une victime, noyée alors qu’elle allait puiser de l’eau dans un lac artificiel.

Pour réparer la canalisation endommagée qui prive d’eau la capitale sénégalaise, Finagestion a finalement dû appeler à la rescousse des prestataires extérieurs. On parle notamment de Chinois et d’une filiale de Veolia [2]. Le gouvernement français serait mobilisé jusqu’au plus haut niveau. Selon le magazine en ligne Enquête, les autorités sénégalaises auraient également adressé une mise en demeure à l’entreprise qui avait, en 2004, livré clé en main l’usine où se trouve la canalisation défectueuse - et qui n’est autre que Degrémont, filiale de Suez environnement.

Olivier Petitjean

— 
Photo : Serigne diagne cc by-sa

Notes

[1Sur les liens entre Bouygues et ECP, lire ce billet de Survie.

[2La coupure d’eau est intervenue au moment même où une délégation du MEDEF visitait Dakar pour promouvoir les entreprises françaises - EDF serait notamment sur les rangs pour apporter son "assistance" au service public sénégalais de l’électricité.

Les enquêtes de l’Observatoire

L’Observatoire est à votre écoute

  • Besoin d’éclaircissements ?
  • Une question ?
  • Une information à partager ?
Contactez-nous