Guatemala, Équateur, Pérou, Colombie, Tunisie, RDC… partout où Perenco s’implante, les controverses ne tardent pas à suivre. Avec à chaque fois les mêmes accusations : pratiques peu précautionneuses entrainant pollutions et dégradations environnementales, manque de respect pour les communautés locales et répression des voix critiques, et absence totale de transparence financière.
Perenco, qui se présente encore volontiers comme une « junior » pétrolière de peu d’envergure, a énormément développé ses activités ces dernières années. Jusqu’à présent, elle a su jouer de sa structuration opaque, de ses relations haut placées, et de son siège social aux Bahamas pour se dérober aux accusations [1]. Si l’on ne connaît pas le lien formel ou la nature des flux financiers entre la société mère Perenco et ses filiales, impossible de mettre en cause sa responsabilité pour des atteintes aux droits humains ou à l’environnement, et impossible de savoir comment l’entreprise s’acquitte de ses obligations fiscales, ni où vont ses profits.
C’est ce qu’illustre encore l’exemple de ses opérations à Moanda, dans la région du Bas-Congo en RDC. L’ONG française CCFD-Terre Solidaire, avec des partenaires congolais, a publié il y a quelques mois un rapport, que l’Observatoire des multinationales avait présenté en détail, sur l’impact des activités de Perenco du point de vue environnemental, social, fiscal et sur les droits humains. « Perenco y a repris une concession de Chevron en 2000. Ses investissements dans la maintenance des installations ou le remplacement des équipements ont été minimaux. Résultat : des profits immédiats pour l’entreprise, mais d’importants problèmes de sécurité pour les ouvriers et de pollution pour les communautés environnantes », explique Samuel Pommeret du CCFD-Terre Solidaire. La dégradation de l’environnement qui en résulte affecte négativement les conditions de vie autour de Moanda, « cité pétrolière la plus pauvre du monde » au dire de ses habitants. Parallèlement, les environnementalistes s’inquiètent de forages offshore de Perenco à proximité du Parc marin des Mangroves, protégé dans le cadre de la convention internationale Ramsar. En revanche, les bénéfices allégués de l’activité pétrolière pour le « développement » restent quasi invisibles localement. Quant aux revenus fiscaux engendrés pour la RDC, on ne sait ni leur montant exact, ni comment ils sont calculés, ni leur usage.
Depuis la publication de ce rapport l’année dernière, rien n’a changé à Moanda. Le contrat liant Perenco et le gouvernement de la RDC n’a toujours pas été rendu public, en dépit de la loi. Et le projet de nouveau code des hydrocarbures porté par la société civile congolaise reste à l’état de projet. Bref, Perenco reste « indéboulonnable », regrette Samuel Pommeret. L’entreprise semble s’être fait une spécialité de cultiver des réseaux et des relations étroites avec les milieux dirigeants, aussi bien en France et en Grande-Bretagne sur dans les pays où elle investit. Car autant la structuration et les comptes de Perenco sont opaques, autant les propriétaires de l’entreprise, la famille Perrodo, 13e fortune française selon le dernier classement de Challenges, n’hésitent pas à s’afficher dans la « jet-set ».
Raison de plus, sans doute, pour faire jouer la pression citoyenne pour parvenir à mettre Perenco face à ses responsabilités. C’est le pari qu’ont fait les ONG Sherpa et le CCFD-Terre Solidaire en proposant la nomination de l’entreprise au prix Pinocchio 2014 dans la catégorie « mais sales, poches pleines », visant « l’entreprise ayant mené la politique la plus opaque au niveau financier (corruption, évasion fiscale, etc.), en termes de lobbying, ou dans sa chaîne d’approvisionnement ». Les votes sont ouverts jusqu’au 17 novembre.
Olivier Petitjean
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Photo : Julien Gomba CC
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