11.04.2016 • France

Privatisation des aéroports de Toulouse, Nice et Lyon : de bien étranges candidats

Après l’aéroport de Toulouse l’année dernière, dont l’État a cédé 50% à un investisseur chinois dans des conditions controversées, c’est maintenant ceux de Nice et de Lyon qui doivent être privatisés. Avec les mêmes interrogations sur les conditions de l’opération et les repreneurs potentiels. La Tribune révèle en effet que l’un des candidats à la reprise de l’aéroport de Nice n’est autre que le groupe italien Atlantia (partie prenante du désastreux contrat Ecomouv), dont l’un des actionnaires n’est autre que Mediobanca, banque-conseil de l’État français sur cette privatisation ! Un beau cas de conflit d’intérêts qui cache beaucoup d’autres questions.

Publié le 11 avril 2016

Les aéroports de Nice et de Lyon, troisième et quatrième aéroports français après ceux de Paris, doivent être privatisés cette année, à la suite de celui de Toulouse en 2015. Plusieurs repreneurs potentiels se sont déjà déclarés, et doivent faire connaître leur offre dans les semaines à venir. L’État, qui détient 60% des parts de ces deux aéroports, en attend entre 2 et 3 milliards d’euros pour les caisses publiques. Le reste des parts appartient aux collectivités locales et aux Chambres de commerce et d’industrie.

Parmi ces repreneurs potentiels, on retrouve surtout des opérateurs aéroportuaires et des fonds d’investissement spécialisés dans les infrastructures. On trouve aussi, de manière typique des bizarreries françaises, plusieurs firmes ou institutions financières qui sont entièrement ou partiellement la propriété... de l’État. C’est le cas de la Caisse des dépôts, allié en l’occurrence à Vinci et à Predica, filiale du Crédit agricole, ainsi que d’Aéroports de Paris (ADP), qui ne candidate que pour Nice. C’est aussi le cas, de manière encore plus étrange, pour EDF Invest, la filiale d’EDF chargée de « placer » les fonds provisionnés en vue du démantèlement des centrales françaises !

En l’occurrence, EDF Invest est alliée à une autre firme, dont la candidature fait couler beaucoup d’encre : la firme italienne Atlantia, gestionnaire d’autoroutes transalpines et de l’aéroport de Rome Fiumicino. Atlantia est connue en France pour avoir été associée au consortium Ecomouv (avec Steria, Thales et la SNCF), détenteur du contrat avorté de la collecte de l’écotaxe, auquel l’État a accepté de verser 800 millions d’euros d’indemnités. Mais c’est un autre aspect de sa candidature qui fait problème : l’un de ses principaux actionnaires conseille par ailleurs l’État francais sur cette opération, comme le relève la Tribune :

Atlantia a en effet des liens avec la banque italienne Mediobanca, laquelle a été choisie par l’État français comme banque-conseil pour la vente de ses parts dans les deux aéroports français. Mediobanca est notamment actionnaire d’Altantia à hauteur de 2,71%. Atlantia a par ailleurs comme principal actionnaire Sintonia (à hauteur de plus de 30%), une société du groupe Edizione détenue par la famille Benetton, présidée par Gilbert Benetton. Ce dernier est administrateur d’Atlantia mais aussi administrateur de la banque Mediobanca.

Lire l’intégralité de l’article sur le site de La Tribune.

Comme l’a rappelé un rapport récent du Transnational Institute (lire notre article), ce genre de conflit d’intérêts semble particulièrement fréquent dans la vague de privatisations qu’ont connu les pays européens depuis la crise financière de 2008. La France ne fait pas exception à cet égard. Et ce n’est pas tout, rappelle la Tribune :

Atlantia était associé dans Ecomouv avec Thales du temps où le groupe aéronautique de défense était piloté par Jean-Bernard Levy, aujourd’hui PDG d’EDF. Atlantia est aujourd’hui partenaire d’EDF Invest, la filiale EDF dans le dossier de la privatisation des aéroports de Nice. Pour l’aéroport du sud de la France, Atlantia est conseillé par Bank of America dont le vice-président de la banque de financement et d’investissement pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique est depuis 2014 David Azéma, l’ancien directeur de l’Agence des participations de l’État (APE). David Azéma est également président des activités de la banque dans les infrastructures.

La privatisation de l’aéroport de Toulouse, au profit d’un consortium formés par des investisseurs chinois et la firme canadienne SNC Lavalin, avait suscité la controverse. Les repreneurs chinois sont en effet immatriculés dans des paradis fiscaux, tandis que SNC Lavalin a été mise sur la liste noire de la Banque mondiale pour des affaires de corruption. Les conditions de la privatisation leur assurent le contrôle total de la gestion de l’aéroport, bien que l’État et les autres actionnaires (collectivités et CCI) détiennent encore 50,1% des parts. Mais le gouvernement français, à travers la personne du ministre de l’Économie Emmanuel Macron, a tout fait pour pousser cette privatisation, dans laquelle il voyait une preuve de l’ouverture de la France aux investisseurs (lire les articles de Mediapart ici et ). Vinci, la Caisse des dépôts, EDF Invest et ADP étaient déjà alors sur les rangs.

OP

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Photo : m-louis CC

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