« Allô ? Je te laisse un message pour te dire que ce n’est pas la peine de venir au travail demain. » Jeudi dernier, quatorze salariés des services informatique et de vente de Luminus, une filiale belge d’EDF, ont été informés de leur licenciement. Problème : pour au moins cinq d’entre eux, la direction de cette entreprise de 900 personnes, spécialisée dans la production d’électricité, a estimé qu’un simple coup de fil ferait l’affaire. (...) « Ce jour-là, je ne travaillais pas, raconte l’un d’eux. J’étais chez moi quand j’ai vu que mon chef m’avait laissé un message. Je n’en suis pas revenu. Il m’expliquait de façon très mécanique, comme s’il lisait un texte, que mon contrat prenait fin ce jour pour raisons économiques. » Le lendemain, une lettre recommandée lui confirme la nouvelle. « Je n’en veux pas à mon chef, reprend-il. Je sais qu’on l’a forcé à procéder de la sorte. Mais, pour certains de mes collègues, ça a été beaucoup plus rude. Après le coup de fil, ils ont carrément retrouvé leurs affaires dans un carton déposé à l’accueil alors que leur casier était censé être fermé à clé. »
L’un des principaux syndicats du secteur, Gazelco, parle, lui, de « terrorisme social ». « Nous redoutons que ce ne soit qu’un galop d’essai, estime pour sa part Antonio Murillo Calvo, de la branche Bâtiment industrie énergie (BIE) du syndicat CSC. Avant de généraliser cette méthode à d’autres licenciements dans l’entreprise. » A quelques centaines de kilomètres de là, la direction du groupe, avenue de Wagram à Paris (VIIIe), que nous avons jointe ce mercredi, a finalement reconnu des « maladresses », après avoir démenti que des salariés aient pu être informés de leur licenciement par téléphone.
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À qui profite le secteur de l’énergie belge ?
Sous pression des syndicats belges, français et internationaux et de sa maison mère, la direction de Luminus a fini par présenter des excuses, sans revenir sur les 14 licenciements. Pour justifier ces derniers, Luminus évoque un contexte économique difficile, mais la filiale d’EDF a tout de même décidé de distribuer 35 millions d’euros de dividendes cette année, sur un résultat net de 55 millions. Les deux tiers iront directement dans les proches du groupe EDF.
Luminus est actuellement mêlée au scandale Publifin qui secoue la Belgique depuis plusieurs mois. De nombreux élus - notamment du Parti socialiste belge - ont reçu pendant des années des rémunérations mirobolantes pour des positions d’administrateurs et des réunions fictives dans de nombreuses sociétés publiques ou parapubliques, ainsi que certaines sociétés comptant des collectivités locales dans leurs actionnaires, comme Luminus.
Le secteur de l’énergie en Belgique est désormais sous l’emprise quasi totale des trois géants français de l’énergie, puisqu’Electrabel, l’opérateur historique en charge notamment des deux centrales nucléaires du pays, est une filiale d’Engie, Luminus une filiale d’EDF et Lampiris de Total depuis 2016.
Et en France ?
Alors que se discute au Parlement français la nouvelle réforme du code du travail voulue par Emmanuel Macron, la question se pose de savoir si de telles pratiques pourraient voir le jour en France. Réponse du Figaro :
« Un licenciement par téléphone ne pourrait jamais arriver en France car la consultation préalable des représentants du personnel est obligatoire », explique [Déborah David, avocate en droit du travail]. Avant de poursuivre : « La Cour de cassation a déjà condamné un employeur qui avait annoncé un licenciement par téléphone ». L’avocate souligne cependant que la Belgique - les salariés licenciés par Luminus relèvent en effet du droit belge - contrairement à la France, n’a pas ratifié la convention OIT numéro 158 qui encadre le licenciement.
Dans l’Hexagone, des cas litigieux ont récemment été soulevés concernant l’usage du SMS dans une procédure de licenciement. Même si la démarche peut évidemment sembler brutale, l’illégalité du texto - pour la convocation à un entretien préalable au licenciement - n’est pas stipulée par la jurisprudence. Encore faut-il la preuve que le salarié ait bien été informé de ce sms. Ironie du sort, une autre filiale d’EDF avait déjà dû faire face à la polémique : en novembre 2010, dix salariés d’un sous-traitant d’ERDF (filiale à 100% d’EDF) avaient en effet reçu ce court SMS préalable à leur licenciement : « RDV demain, 16 heures, à l’entrepôt ».
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Photo : Martine Moreau CC via Wikimedia Commons