Le 10 octobre dernier, l’ONG écologiste Greenpeace rendait publiques les principales conclusions d’une étude commandée à sept experts internationaux sur la vulnérabilité des centrales nucléaires françaises face à des attaques terroristes. Leur constat est alarmant : conçues avant tout pour contenir des incidents qui pourraient survenir à l’intérieur, avec des mesures de sécurité centrées sur les réacteurs eux-mêmes, les centrales sont relativement mal protégées face aux menaces en provenance de l’extérieur et qui toucheraient des parties a priori périphériques des centrales. C’est l’une des leçons de la catastrophe de Fukushima.
Principal point de vulnérabilité mis en avant par Greenpeace : les piscines de refroidissement des combustibles usés, nettement moins protégées que les réacteurs. Les piscines des centrales nucléaires françaises contiennent, selon les derniers chiffres disponibles, presque 10 000 tonnes de combustibles usés, et on en trouve à peu près la même quantité dans les piscines de l’usine de retraitement de La Hague, particulièrement vulnérable aux attaques selon Greenpeace.
Le rapport de l’organisation écologiste n’a d’ailleurs pas été publié dans son intégralité, pour ne pas livrer trop d’informations sensibles. Seuls quelques exemplaires ont été adressés aux autorités compétentes, les médias et le grand public ne recevant qu’une version abrégée. Suite à sa publication, les militants de Greenpeace ont multiplié les actions pour alerter l’opinion publique : ils ont pénétré sur le site de la centrale nucléaire de Cattenom pour y tirer un feu d’artifice symbolique, et installé des piscines en carton dans une vingtaine de villes françaises au cours du week-end.
La sécurisation des centrales, à quel prix ?
Si cette vulnérabilité des piscines était sans doute déjà connue, les problèmes soulevés par Greenpeace posent une nouvelle fois la question du coût de la mise à niveau des centrales nucléaires françaises en termes de sécurité. Et ce dans un contexte où EDF et l’Autorité de sûreté nucléaire négocient les conditions - y compris financières - dans lesquelles leur durée de vie pourrait être prolongée, comme le rappelle le Journal de l’environnement :
Les autorités connaissent parfaitement les risques posés par le dénoyage des combustibles usés. Plusieurs éléments en témoignent. Quelques semaines après les attentats du 11 septembre 2001, l’armée a déployé des batteries de missiles sol-air Crotale autour de plusieurs sites sensibles, dont les piscines de l’usine de retraitement de La Hague. Depuis, le front s’est déplacé sous d’autres cieux : Irak, Syrie, Liban, Centrafrique, Mali, Mauritanie, Burkina-Faso, Niger, Estonie. Et les missiles ont suivi. Pour renforcer la résistance de ces installations d’entreposage, Areva a installé la piscine de ses EPR (Olkiluoto, Taïshan 1 et 2, Flamanville) sous une enceinte de béton renforcée. Semblable à celle qui protège le réacteur, cette ‘coque avion’ est censée résister à l’impact d’un avion de ligne.
La nouveauté est donc ailleurs. Dans le cadre d’une possible modernisation du parc nucléaire tricolore (le fameux Grand Carénage), EDF et l’autorité de sûreté négocient âprement. Pour l’ASN, l’hypothétique poursuite du fonctionnement des 34 réacteurs de 900 mégawatts (MW) au-delà de 40 ans impose de respecter un principe fondamental : que la sûreté des installations soit portée au plus haut niveau possible. En clair, que des réacteurs construits dans les années 1980 (donc avec un design datant des années 1960) soient aussi résilients que des centrales qui entreront en service près de 4 décennies plus tard. Les vieilles piscines auront du mal à être mises à niveau.
Lire l’intégralité de l’article sur le site du Journal de l’environnement.
Celui-ci liste les solutions techniques envisageables - stockage à sec dans des mégabunkers comme aux États-Unis, super-piscine centralisée comme semble l’envisager EDF - et leurs limites. Ce que l’on sait déjà, c’est qu’elles coûteront très cher.
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Photo : © Nicolas Chauveau / Greenpeace