Une soixantaine de pays ont désormais ratifié l’Accord sur le climat de Paris, qui vise à maintenir la hausse des températures mondiales « bien en-deçà » des 2°C, et de s’efforcer de la limiter à 1,5°C. En pratique, qu’est-ce que cet objectif implique ? La conclusion d’un nouveau rapport du groupe de recherche « Oil Change International » est claire : si le monde veut parvenir à contrôler le dérèglement du climat, il ne suffit pas de cesser d’investir dans les énergies fossiles ; il faut aussi écourter la durée de vie des gisements de pétrole, gaz et charbon déjà en exploitation [1].
Le rapport utilise les données industrielles de Rystad Energy, leader du conseil dans les secteurs pétrolier et gazier, et les compare au « budget carbone » mondial, c’est-à-dire à la quantité maximale d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser. Verdict sans appel : la production attendue des puits de pétrole et de gaz et des mines de charbon déjà creusés, ainsi que des pipeline en exploitation, représente sur toute leur durée de vie restante un potentiel d’émissions de gaz à effet de serre qui explose la limite des 2°C de réchauffement que la communauté internationale s’est fixée. « Si le monde veut vraiment tenir les objectifs fixés à Paris, les gouvernements doivent mettre un terme à l’expansion de l’industrie des énergies fossiles », précise Stephen Kretzmann, le directeur d’Oil Change International.
Éviter un choc brutal
La première et la plus importante étape, note le rapport, est d’arrêter toute nouvelle construction d’infrastructure extractive. Or, pour les vingt prochaines années, les projets d’investissements dans de nouveaux sites, mines et infrastructures de transports (telles que des oléoducs, gazoducs ou terminaux méthaniers) s’élève à 14 000 milliards de dollars... L’Union européenne elle-même s’est lancée dans un vaste programme de construction de telles infrastructures, en contradiction directe avec ses prétentions en matière climatique (lire notre enquête sur « l’Europe du gaz »).
Autre recommandation : anticiper la mise à la retraite des champs pétroliers ou gaziers et des mines de charbon en activité. Il s’agit de les fermer progressivement avant même que l’exploitation de leurs réserves n’arrive à son terme. « À ce stade, cette sortie de l’ère des combustible fossile peut encore s’envisager de manière relativement progressive, mais plus nous repoussons le moment où nous l’engagerons réellement, plus la sortie qui s’imposera à nous sera brutale », souligne Nicolas Haeringer de l’ONG 350.org. « Outre le risque climatique, ce qui est ici en jeu, c’est la capacité qu’ont les acteurs, privés comme publics, à anticiper un changement de modèle économique et financier. » Et éviter ainsi que le choc ne soit trop brutal d’un point de vue climatique, mais aussi économiquement et socialement. Le rapport cite à ce propos l’exemple du Danemark, où 40 % de l’électricité est issue des énergies renouvelables, et qui vise les 100 % d’ici 2035.
Sophie Chapelle