François Hollande a inauguré le 28 février dernier la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, qui ouvrira au public le 2 juillet 2017. C’est la première ligne TGV privée en France, puisqu’elle a été construite par le groupe de BTP Vinci, leader du consortium Lisea, dans le cadre d’un partenariat public privé (PPP). Celui-ci assurera l’exploitation de la ligne, qui permettra de relier Paris à Bordeaux en deux heures, jusqu’en 2061.
Vinci est associée au sein du consortium Lisea à la Caisse des dépôts et à deux fonds privés : Meridiam (fonds d’investissement dans les infrastructures fondé par un ancien de la Caisse des dépôts) et Ardian (ex Axa Private Equity). L’État a apporté 4 milliards d’euros sur les 7,8 milliards de budget total, à quoi s’ajoute une garantie sur l’emprunt de 3 milliards contracté par Lisea. Les fonds propres apportés par les partenaires privés ne représentent qu’un peu plus de 700 millions d’euros.
Face aux critiques de cette opération, Vinci se défend en soulignant que ce partenariat public-privé est le premier qui fasse assumer le risque commercial au concessionnaire et non à l’État. Autrement dit, si la ligne n’est pas rentable, c’est l’opérateur qui est censé en assumer les conséquences financières. L’expérience prouve cependant que si la ligne se retrouve en état de faillite, faute de revenus suffisants, les pouvoirs publics risquent fort de payer les pots cassés. C’est ce qui est arrivé il y a quelques mois pour la ligne Perpignan-Figueiras, confiée au groupement TP Ferro (filiale commune d’Eiffage et du groupe espagnol de BTP ACS). Ce dernier ayant été mis en faillite en raison de son endettement, ce sont la SNCF et son homologue espagnole qui ont dû reprendre la ligne.
Un partenariat déséquilibré
En l’occurrence, le consortium Lisea table sur des chiffres de fréquentation très ambitieux, avec un doublement de la fréquentation actuelle des trains Tours-Bordeaux, malgré l’augmentation prévisible du prix des billets. Les derniers mois du chantier ont été marqués par un bras de fer entre Vinci, la SNCF et l’État sur le nombre de trains devant circuler chaque jour, ainsi que sur le montant des péages qui devront être acquitté par la SNCF, seul « client » du consortium Lisea, pour y faire passer les trains. Les dirigeants de Vinci ne s’étaient pas privé de brandir la menace d’une mise en faillite pour peser dans ces négociations.
Le fait que le chantier ait été livré dans les temps a déjà permis à Vinci de s’arroger des bénéfices confortables. On rappellera que les travaux ont pourtant occasionné toute une série de dégâts écologiques (lire notre article). Le contrat de concession signé en 2011 prévoit expressément que la responsabilité financière de Vinci en cas de faillite sera limitée à 350 millions d’euros. Si la LGV génère des profits à court ou à long terme, en revanche, ils iront dans leur totalité aux partenaires du consortium privé. Bref, dans un cas, c’est Vinci qui gagne ; dans l’autre cas, c’est l’État qui perd.
Olivier Petitjean
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Photo : Adrien Sifre CC