Cette agence de contrôle, gendarme du secteur bancaire, doit s’assurer du bon fonctionnement des marchés financiers et des banques, du respect des lois et règlements. Elle prononce des sanctions et est en charge de la lutte contre le blanchiment d’argent [1].
Peut-elle remplir son rôle en toute indépendance si elle est dirigée par un ancien banquier d’UBS ? La nomination de Mark Branson fait grincer des dents. C’est que le banquier a un lourd passé. Il entre en 1998 à UBS pour y passer une grande partie de sa carrière. De 2006 à 2008, il est responsable de la banque d’affaires d’UBS Japon, au moment où celle-ci est impliquée dans le scandale de la manipulation du taux interbancaire Libor. Aucun preuve n’a été établie que Mark Branson avait connaissance des actions de manipulation réalisées par les employés de la banque, a déclaré un porte-parole de la Finma. Dans un rapport sur ce scandale, la Finma reproche cependant à la direction d’UBS de ne pas avoir supervisé de manière adéquate ses employés, rapporte le Wall Street Journal. En 2012, UBS Japon a plaidé coupable concernant cette fraude. La banque a accepté de payer 1,5 milliard de dollars pour régler cette affaire, auprès des autorités suisses, britanniques et états-uniennes.
Mark Branson est ensuite devenu directeur financier et responsable « contrôle du risque et conformité » au siège de la banque, à Zurich. En 2009, il est amené à témoigner devant le Sénat états-unien et à présenter les excuses d’UBS, pour le rôle que la banque a joué dans l’aide à l’évasion fiscale de milliers de contribuables américains. Lors de son audition, Mark Branson critique au passage les efforts des États-Unis pour lutter contre la fraude fiscale, affirmant qu’ils entravent les « traditionnelles pratiques bancaires suisses »...
La Finma gère les faillites et les recapitalisations des banques
Peut-être lassé de tous ces déboires judiciaires, Mark Branson quitte UBS en 2010 pour être nommé chef de la division Banques au sein de la Finma. Il assure depuis février l’intérim à la tête de l’agence, après la démission impromptue de son prédécesseur – pour motifs personnels. Malgré sa nationalité britannique, il fait alors figure de favori pour être nommé directeur de manière permanente, pour des raisons de « continuité stratégique ». La Finma et la Banque nationale suisse (BNS) ont prévu prochainement une révision des lois concernant les banques systémiques, « trop grandes pour faire faillite », qui sont à la fois banques de dépôt pour les épargnants et banques d’affaires (cette définition concerne en Suisse deux banques : UBS et Crédit suisse). Le lobby bancaire, l’Association suisse des banquiers (dont le vice-président est un haut dirigeant d’UBS), a déclaré « attendre du nouveau PDG (de la Finma) qu’il rétablisse le climat de confiance et de coopération entre l’industrie bancaire et les instances de régulation ». Avec une telle proximité entre les banques et ceux chargés de les contrôler, le climat de confiance devrait être au beau fixe.
La position de Mark Branson à des postes stratégiques de la banque ont entrainé de nombreuses critiques sur cette nomination, et sur les liens incestueux entre banques et instances de contrôle. Car c’est la Finma qui serait amenée à décider du sort d’UBS en cas de grave crise bancaire ou de faillite. C’est également elle qui a supervisé la recapitalisation d’UBS pendant la crise financière de 2008, alors que la banque avait perdu près de 50 milliards de dollars dans le naufrage des subprimes.
En France, UBS fait l’objet d’une enquête judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale. La banque a été mise en examen pour démarchage illicite de clients français [2] et a également été condamnée en 2013 par les autorité de surveillance à une amende de 10 millions d’euros, pour « laxisme » dans le contrôle de pratiques commerciales susceptibles de relever du blanchiment de fraude fiscale. Ce qui n’a pas empêché la France – et son ministre des Finances Pierre Moscovici – d’être aussi inspirée que la Suisse en décembre dernier, en nommant l’ancienne directrice de la conformité d’UBS France, Françoise Bonfante, à la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers, le gendarme de la bourse (lire notre article). Cette décision ayant été vivement critiquée, le ministre Pierre Moscovici a finalement demandé à Françoise Bonfante de démissionner. Les Suisses seront-ils aussi vigilants ?
Agnès Rousseaux
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