20.03.2015 • Énergies fossiles

Un Péruvien veut faire payer le plus gros pollueur d’Europe pour protéger sa ville de la fonte des glaces

Et si les habitants du Vanuatu, l’archipel dévasté par le cyclone Pam, se retournaient bientôt contre les plus grosses entreprises émettrices de CO2 pour exiger d’elles qu’elles contribuent à la reconstruction du pays ? Impensable ? Un Péruvien vient pourtant d’engager une procédure juridique pour réclamer au groupe énergétique RWE, gros émetteur de gaz à effet de serre, qu’il finance la protection de sa ville contre les risques liés au changement climatique, en l’occurrence, la fonte des glaciers andins.

Publié le 20 mars 2015 , par Rachel Knaebel

Saúl Luciano Lliuya habite la petite ville de Huaraz, au Pérou. La cité se trouve en contrebas d’un lac alimenté par les glaciers des Andes. Avec la fonte des glaces consécutive au réchauffement climatique, le lac a quadruplé de volume depuis 2003. Il suffirait que des blocs de glace de grande taille se détachent du glacier et tombent dans le lac pour que la maison du Péruvien et le reste de sa ville de 55 000 habitants se retrouvent sous les eaux. Les autorités d’Huaraz déclarent d’ailleurs régulièrement l’état d’urgence face au risque d’inondations. Mais il n’existe sur place ni système d’alerte précoce, ni système de pompage des eaux du lac. Pour installer tout cela, et pour renforcer le système de digues, il faut de l’argent. Le Péruvien a donc décidé de s’adresser aux entreprises directement responsables du changement climatique. Avec une avocate allemande spécialisée dans les questions environnementales, Roda Verheyen, et le soutien de l’ONG allemande Germanwatch, il réclame ainsi au groupe allemand RWE de participer aux coûts.

Car le géant énergétique allemand RWE, et sa douzaine de centrales à charbon exploitées en Allemagne et en Europe, est selon une étude de 2013 [1] le plus gros émetteur de gaz à effet de serre en Europe. Ainsi, il serait responsable de 0,5 % des émissions de gaz à effet de serre rejetées dans l’atmosphère depuis le début de l’industrialisation, au XVIIIe siècle (lire 90 entreprises responsables de deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre) [2]. Saúl Luciano Lliuya réclame donc au groupe allemand qu’il finance 0,5 % des coûts des installations de protection de sa ville, soit la modeste somme de 20 000 euros.

Si l’entreprise refuse, Saúl Luciano Lliuya et son avocate sont bien décidés à porter l’affaire devant un tribunal civil allemand. « Une telle initiative est inédite en Europe, signale Christoph Bas, directeur de l’ONG Germanwatch. « Il y a dans le monde toujours plus de personnes dont l’existence est menacée par le réchauffement climatique alors qu’ils sont parmi ceux qui y ont le moins contribué. Il faut une solution politique à ce scandale. Une solution qui mette les émetteurs de CO2 devant leurs responsabilités. Le prochain accord sur le climat qui doit être signé à Paris en décembre 2015 donne l’occasion d’avancer d’un pas décisif sur cette question. »

Rachel Knaebel

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Photo : Germanwatch

Notes

[1Voir ici, p 7.

[2Et selon le Carbon Tracker Index, l’entreprise allemande détient aussi plus de deux milliards de tonnes de CO2 encore dans le sol, dans des réserves de charbon, gaz et pétrole qu’elle prévoit d’exploiter dans les décennies à venir.

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