Reconnus coupables de négligences et de fautes caractérisées ayant rendu la catastrophe possible, la filiale de Total et son directeur devront publier le résultat du jugement dans quatre journaux à grand tirage. « Ce dernier point est important, souligne Philippe Saunier de la fédération chimie de la CGT (partie civile au procès). Parce que depuis 2001, Total n’a cessé d’alimenter de fausses pistes pour faire croire au public qu’il s’agissait d’autre chose qu’un accident industriel. Ils ont évoqué une attaque terroriste, des essais militaires secrets, j’en passe de meilleures… Le jugement remet les pendules à l’heure. Et l’obligation de publier doit permettre au grand public de connaître la vérité. »
Les juges ont clairement défini l’origine de l’explosion du 21 septembre 2001 qui avait entraîné la mort de 31 personnes et blessé plusieurs milliers d’autres : c’est la rencontre et le mélange de produits incompatibles - nitrates et dérivés chlorés, manipulés par des salariés sous-traitants ignorant tout des risques encourus [1]. Le jugement rendu ce mardi 31 octobre par la cour d’appel, tout comme celui qui avait été rendu en 2012 lors d’un précédent procès, met clairement en cause l’organisation du travail, évoquant une sous-traitance excessive et un manque de formation des salariés sous-traitants.« C’est essentiel, dit Philippe Saunier. Cela fait des années que nous dénonçons la sous-traitance, et le dumping social sur nos sites industriels, qui entraîne peu à peu la perte de la maîtrise de nos outils de travail. »
« La déréglementation du travail doit cesser »
La décision pourra-t-elle faire jurisprudence ? « Nous l’espérons bien sûr. La déréglementation du travail doit cesser. Malheureusement, on n’en prend pas du tout le chemin. Depuis 2001, la situation a largement empiré. Et les ordonnances modifiant le code du travail vont encore aggravé la situation. » Les résultats de l’enquête CHSCT qui avait été menée juste après l’accident de 2001, et qui serait actuellement impossible à réaliser à cause de la suppression des CHSCT signée par Emmanuel Macron, ont été cités à plusieurs reprises au cours du procès.
Serge Biechlin et la société Grande Paroisse ont annoncé leur volonté de se pourvoir en cassation. S’ils obtenaient satisfaction, cela pourrait entraîner la tenue d’un quatrième procès. Le premier procès, en 2009, s’était soldé par une relaxe des accusés. Le Parquet avait immédiatement fait appel. Et le second procès avait conclu à la culpabilité de Serge Biechlin et Grande Paroisse. Le jugement avait été annulé en 2015 par la cour de cassation, ce qui avait entraîné la tenue d’un troisième procès, début 2017.
Nolwenn Weiler