Fuites d’uranium en Australie et en Namibie, « lock-out » de travailleurs syndicalisés au Canada et aux États-Unis, déplacements de paysans au Mozambique et en Mongolie, catastrophe minière meurtrière en Indonésie, destruction environnementale en Papouasie Nouvelle-Guinée, chantage auprès des communautés locales au Zimbabwe et en Australie, répression syndicale et menaces de suppressions d’emploi un peu partout.... C’est une image peu reluisante de Rio Tinto que la confédération syndicale internationale IndustriALL dresse dans le rapport Pas durable : l’autre vérité sur Rio Tinto (version plus complète en anglais ici).
Cette publication prend le contrepied de la communication officielle de l’entreprise, qui se plaît comme beaucoup de ses consoeurs à vanter sa « durabilité » et sa « responsabilité » dans des brochures sur papier glacé, malheureusement souvent à des années-lumières de la réalité du terrain.
Rôle stratégique
Cette communication « durable » a néanmoins une importance stratégique pour Rio Tinto, comme l’explique Kemal Özken, secrétaire général adjoint d’IndustriALL. « Rio Tinto aime publier des rapports sur sa ’durabilité’. La raison de cet engouement est bien résumée dans le titre de son rapport développement durable 2013 : ’Soutenir notre license d’opérer’. De fait, Rio Tinto utilise sa communication durable pour renforcer l’argumentation selon laquelle elle serait une compagnie responsable, qui mériterait donc une license sociale d’opérer. Si l’entreprise n’est pas perçue comme digne de confiance, les autorités seront réticentes à lui accorder des droits d’exploitation miniers. »
D’où le choix de la confédération syndicale de produire un véritable « contre-rapport », révélant la « face laide » de l’entreprise, celle qui est volontairement travestie ou omise dans le rapport officiel. Une analyse effectuée par l’organisation australienne Catalyst a d’ailleurs révélé que seulement 60% des affirmations de Rio Tinto dans son rapport développement durable 2013 étaient fondées dans les faits.
En France, Rio Tinto est implantée principalement dans le secteur de l’aluminium, depuis que le géant des mines et des métaux a pris en 2007 le contrôle du groupe canadien Alcan, qui avait lui-même racheté le français Pechiney quelques années auparavant. La multinationale minière y possède encore notamment une importante usine à Dunkerque, où elle a supprimé un grand nombre d’emplois ces dernières années. En revanche, Rio Tinto s’est désinvesti de son usine de Gardanne (rachetée par Alteo, et qui a encore récemment défrayé la chronique en raison de son impact environnemental) et de ses unités de production de Saint-Jean-de-Maurienne et de Castelsarrasin, acquises par un consortium composé par l’allemand Trimet et EDF.
Une démarche globale qui reste rare
La journée d’action contre Rio Tinto coïncide avec la Journée mondiale pour le travail décent, temps de mobilisation syndicale contre la précarité. Pour en savoir plus, voir le site de la confédération syndicale ou le groupe Facebook. Sont notamment prévues des manifestations, publications de rapport, réunions et piquets de grève.
Ce type de campagne coordonnée au niveau international contre une grande entreprise implantée dans plusieurs pays reste relativement rare. Le monde syndical a pris du retard dans l’adaptation de ses modes d’action à la réalité des entreprises transnationales.
D’autre part, la campagne initiée par IndustriALL contre Rio Tinto va au-delà des sujets syndicaux traditionnels que sont la défense des libertés syndicales, les salaires ou encore la santé et la sécurité au travail. Elle cible aussi l’impact environnemental des activités du géant minier. Les mauvaises pratiques sociales et environnementales de Rio Tinto un peu partout dans le monde sont replacées dans leur même contexte, celui d’une stratégie globale de recherche de profits et de minimisation des coûts, quels qu’ils soient.
D’où, pour Kemal Özkan, l’importance de construire des alliances entre syndicalistes, écologistes ou encore défenseurs des droits humains. « Notre objectif est que Rio Tinto décide que son intérêt bien compris est de mettre en application ses prétentions à la durabilité. Ce ne sera pas un objectif facile à atteindre. Cela nécessitera de conjuguer les efforts d’une coalition diverse et globale sur la durée. »
Olivier Petitjean
—
Photo : IndustriALL
Soutenez l’Observatoire
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com’ du CAC 40.
Faites un don