À l’origine de cette affaire : l’interdiction votée par le Parlement italien en janvier 2016 de toute nouvelle activité d’exploration et de production à moins de 12 mille marins de la côte, soit une vingtaine de kilomètres [1]. (À propos de l’exploitation pétrolière offshore en Italie, et du rôle de Total et EDF, voir notre article évoquant un référendum visant à mettre fin prématurément également aux concessions déjà existantes dans la zone de 12 milles.)
Or, Rockhopper avait obtenu en 2015 les autorisations techniques et environnementales nécessaires pour exploiter un gisement sous-marin, situé dans l’Adriatique à environ dix kilomètres au large de la côte des Abruzzes. Le gisement est estimé à 40 millions de barils de pétrole et 184 millions de m3 de gaz. Après s’être vu refusé la concession en février 2016, suite à l’interdiction votée par le Parlement italien, Rockhopper fait aujourd’hui valoir que cette décision viole le traité de la Charte européenne de l’énergie de 1998 censé « fournir une plateforme stable pour les investissements dans le secteur de l’énergie » [2]. La multinationale a déclaré poursuivre l’Italie devant un tribunal d’arbitrage international pour « des dommages financiers très importants » sur la base de ses potentiels futurs profits et non des investissements passés [3].
Ce type de demandes de compensation de la part de multinationales se multiplient, en particulier sur le pétrole, le gaz ou l’exploitation minière, des secteurs que tentent d’encadrer les législations environnementales et de protection des travailleurs. En Europe, le géant suédois de l’énergie Vattenfall réclame plus de 3,7 milliards d’euros à l’Allemagne en compensation de sa décision de sortir du nucléaire. La compagnie canadienne Lone Pine Ressources réclame également 250 millions de dollars au Canada, suite au moratoire sur la fracturation hydraulique mis en œuvre par le Québec dans la vallée du Saint-Laurent. La société civile s’inquiète de voir le Ceta, l’accord de libre échange entre le Canada et l’Union européenne soutenu par François Hollande, occasionner de nouvelles mises en cause des règlementations environnementales dans les années à venir.
Sophie Chapelle
À lire sur le sujet :
– Les hommes derrière l’ISDS et leur vision du monde
– Notre dossier Accords de commerce et d’investissement
Cet article a été publié initialement sur le site Basta !, animé par la même équipe de journalistes que l’Observatoire des multinationales. Voir ici les bonnes pratiques de réutilisation et republication de nos articles.
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Photo : Enrico Strocchi CC