La décision du tribunal administratif de Poitiers est tombée le 12 janvier dernier. Elle signe l’expulsion « sans délai » des occupants du site de l’incinérateur d’Échillais en Charente Maritime, installés sur le lieu depuis le 31 décembre. La plainte a été déposée par le Syndicat intercommunautaire du littoral (SIL), qui regroupe cinq communautés d’agglomérations, « au nom des risques que font courir aux occupants les émanations de méthane de la déchetterie verte située à proximité » et pour des questions de « sécurité », rapporte Sud Ouest.
Ce qui suscite la mobilisation sur place, c’est le projet du SIL de remplacer deux incinérateurs, celui d’Échillais construit en 1990 et un autre à Oléron datant de 1975, par un hyper-incinérateur. Ce dernier pourrait brûler 75 000 tonnes de déchets par an, et sera associé à du tri-mécano-biologique (TMB), un procédé controversé [1]. La construction est confiée au groupe de BTP Vinci, impliqué dans des projets très critiqués comme celui de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou du stade OL Land.
De la contestation à l’occupation
« Nous arrêtons ces deux incinérateurs (...) pour construire un centre multi-filières qui va valoriser jusqu’à 94 % des déchets entrants », explique Vincent Barraud, président du SIL auprès de France 3 Poitou Charentes. Mais le projet n’est pas du goût de tous les habitants. Alors que les travaux doivent commencer début 2015, quatre jeunes du département s’installent sur le site d’Échillais le 31 décembre, avec l’aide de militants de l’association Pays Rochefortais Alert’ (PRA), qui mène depuis 2013 la lutte contre le projet d’hyperincinérateur, et des élus [2].
L’association PRA dénonce en particulier « l’opacité » d’un projet « ruineux pour la collectivité », dont elle estime le coût pour le contribuable à 100 millions d’euros. Outre les impacts écologiques, une centaine de médecins du Pays Rochefortais ont également exprimé leur inquiétude quant aux conséquences sanitaires d’un tel projet. Les observations défavorables émises lors de l’enquête publique de février 2014 l’ont largement emportées (810, contre 6 observations favorables), sans que cela ait un impact sur les suites données. Le 18 décembre dernier, la Communauté d’agglomération Rochefort Océan a voté à la quasi unanimité [3] une motion réclamant un moratoire. Sans suite, là encore.
Une politique zéro déchet comme alternative
Interpellée sur France Inter par l’association PRA en juin 2014, la ministre de l’Écologie Ségolène Royal a déclaré être hostile au projet d’Échillais, considérant que les incinérateurs étaient « une technologie complètement dépassée ». Le 22 août, la ministre a réuni les élus concernés pour proposer un projet modifié, avec une diminution de 30 % du tonnage incinéré, l’arrêt du tri-mécano-biologique et la mise en place dans les cinq communautés de communes d’une politique « Zéro déchet, Zéro gaspillage ». La préfète de Charente Maritime valide finalement le projet d’incinérateur le 4 septembre « avec des modifications minimes », selon les opposants. Dans une lettre en date du 23 décembre, la ministre de l’Écologie demande au SIL, porteur du projet, « la remise à plat du projet d’incinérateur à Échillais, qui soulève des contestations à la fois d’élus et d’associations de riverains ».
Quid des alternatives au projet d’incinérateur ? Les associations, citoyens et élus opposés plaident pour la mise en place d’une politique zéro déchets, qui « rendrait l’incinérateur actuel suffisant », affirme Roland Lopez, de l’association PRA. Ils s’appuient sur les résultat des politiques de tri ambitieuses mises en place dans de nombreuses villes et régions (lire notre enquête sur les politiques « zéro déchet », de Milan à San Francisco, en passant par Lorient).
Dans l’immédiat, la décision d’expulsion du tribunal administratif a amené une vingtaine d’habitants, selon Sud Ouest, à faire « le choix de dormir sur place pour éviter aux zadistes de se faire éventuellement déloger ».
Sophie Chapelle