L’entreprise est fondée en 1962 par Sam Walton, à Bentonville dans l’Arkansas, un des Etats les plus pauvres des Etats-Unis. En 10 ans, l’entreprise se développe et acquière 9 magasins (appelé à cette époque « Walton’s stores »). C’est un des assistants qui propose cette même année de changer de nom pour « Wal-Mart ». En 1968, l’entreprise élargit son horizon et ouvre son premier magasin en dehors de l’état d’Arkansas. En 1972, alors qu’elle entre en bourse, l’entreprise est présente dans 5 États américains.
Après l’expansion nationale, Wal-Mart vise l’international : 29 ans après l’achat de son premier magasin, Sam Walton ouvre son premier supermarché à l’étranger, à Mexico. Un an après, en 1992, il prend sa retraite et laisse des affaires florissantes à son fils aîné. Le Président des États-Unis de l’époque déclare : « Le succès de Wal-Mart est le succès de l’Amérique. ».
Et ce succès ne s’est pas démenti
En 2002, Wal-Mart fait son entrée au classement du Fortune Global 500 qui recense les plus grandes entreprises mondiales. D’après le classement publié en 2010 par le magazine Fortune, Wal-Mart est la 3e entreprise mondiale, juste derrière Shell et Exxon.
Son chiffre d’affaires en 2009 s’élève à 408 milliards de dollars pour un résultat net de 14,4 milliards. Un tel chiffre d’affaires représente celui de Ford, IBM, Boeing et Microsoft réunis. Il est lié à sa clientèle et au nombre de magasins aux Etats-Unis et à travers le monde : 200 millions de clients dans le monde en 2009 sont venus faire leurs courses dans les 6 600 magasins du distributeur. Wal-Mart compte des magasins partout à travers le monde, en Chine, au Brésil, en Argentine, au Canada, au Royaume Uni…
Les « recettes » du succès
Le cœur de la stratégie du fondateur de Wal-Mart repose sur le principe du volume : plutôt que de conserver une marge importante sur le prix offert par le fournisseur, il décide de réduire cette marge, afin de vendre à un prix le plus bas possible. Le prix étant attractif pour le consommateur, Wal-Mart se rattrape sur les volumes vendus. Sam Walton a ainsi construit son succès sur une légende : celle de vouloir offrir aux consommateurs les prix les plus bas et une vie meilleure.
Mais derrière cette légende se cachent d’autres stratégies mises en œuvre par l’entreprise. Sam Walton a en effet forgé sa réussite en s’appuyant sur les bas salaires de ses employés. Il explique ainsi que « dans le business de la grande distribution, quoi que vous fassiez, les salaires représentent l’une des parts les plus importantes des frais généraux, et les frais généraux sont l’une des choses principales contre lesquelles vous devez vous battre si vous souhaitez maintenir votre marge de profit ».
C’est sans nul doute là que réside la raison de son combat acharné contre toute forme de syndicalisme et l’imposition aux salariés de rythmes de travail intenses.
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Faites un donUne lutte acharnée contre les syndicats
Dès les années 60, quand Sam Walton est confronté aux premières tentatives de création de syndicats, il s’y oppose et fait alors appel à un avocat pour arrêter le processus. Quarante ans plus tard, ce combat est toujours d’actualité pour Wal-Mart, ce qui explique que pas un seul de ses 1,5 million de salariés sur le sol américain ne soit syndiqué. Les mêmes procédés et tactiques sont toujours à l’œuvre, comme le révèle dans un rapport publié en 2007 l’ONG Human Rights Watch.
Dans ce rapport intitulé « Droits au rabais : Wal-Mart bafoue le droit des travailleurs américains à la liberté syndicale », l’ONG réunit les témoignages d’employés de Wal-Mart qui décrivent les méthodes utilisées par l’entreprise.
Dans certains cas, Wal-Mart ne fait que profiter du droit américain relativement faible en matière de liberté syndicale et en contradiction avec certains des instruments internationaux produits par l’Organisation Internationale du Travail (OIT). L’entreprise peut ainsi former et informer ses salariés sur la « réalité » du syndicalisme, donner des recommandations explicites à ses responsables de magasins et leur fournir un guide qui se présente comme « la façon de rester sans syndicat dans l’éventualité où des syndicalistes choisissent votre magasin comme prochaine cible ».
Dans d’autres cas, il est question de méthodes illégales et sophistiquées qui vise à écraser tout prémice d’activité syndicale. Intimidations, licenciements abusifs, surveillance des salariés sont les tactiques habituelles. Comme le souligne le rapport, même proportionnellement à sa taille, Wal-Mart se distingue par le nombre de violations de la législation américaine du travail.
Cette stratégie s’étend bien au-delà du sol américain. Les employés de Wal-Mart à la Jonquière, au Québec, sont les premiers a avoir créé un syndicat, malgré les pressions fortes exercées contre eux.
5 mois plus tard, Wal-Mart ferme ce magasin sur décision du Conseil d’administration pour situation financière précaire… sans pour autant accepter de publier les chiffres relatifs à cette succursale. La même année, toujours au Québec, un autre magasin se syndicalise. En 2009, après de longues négociations, la succursale adopte une convention collective et devient la seule succursale syndiquée d’Amérique du Nord.
Une machine à fabriquer des travailleurs pauvres
Avec 2,1 millions de salariés à travers le monde, dont près de 1,5 million aux États-Unis en 2009, une « walmartisation » des États-Unis est-elle à l’œuvre ? Pour les deux tiers des Américains, Wal-Mart est le premier employeur de leur État.
Ce modèle, mis en place depuis plus de 40 ans par le plus gros employeur privé actuel du monde et reposant sur des bas salaires et l’opposition systématique à la liberté syndicale, est-il si avantageux pour les consommateurs ?
Selon Gilles Biassette, co-auteur de Travailler plus pour gagner moins : la menace Wal-Mart [1], cette entreprise est une machine à fabriquer des travailleurs pauvres. En effet, si Wal-Mart crée des emplois, il ne s’agit en très grande majorité que d’emplois faiblement rémunérés (en moyenne autour de 10 dollars avec avantages sociaux a minima).
Par ailleurs, en mettant la pression sur ses 61 000 fournisseurs afin d’obtenir les prix les plus bas, Wal-Mart exerce aussi une pression qui compresse les salaires vers le bas chez les fournisseurs, voire pousse à la délocalisation.
En 2008, le fabricant textile Hanes a annoncé la fermeture de 9 usines aux États-Unis et en Amérique centrale car les coûts de production ne permettaient pas de répondre aux exigences de Wal-Mart.
Jusqu’où ira la machine à écraser les prix ?
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Photo : Mike Mozart cc-by