Les années se suivent et se ressemblent. Chaque printemps, lors de la saison des assemblées générales d’actionnaires, la presse fait ses gros titres sur les milliards d’euros de dividendes versés par le CAC40. Plutôt que d’égrainer les chiffres à neuf zéros, qui finissent par ne plus dire grand chose, une autre manière de mettre en évidence l’addiction des grands groupes français aux dividendes est de considérer le dividende par action – autrement dit, la somme versée à un actionnaire pour chaque titre de l’entreprise qu’il détient.
De fait, une grande partie du CAC40 tend à augmenter automatiquement son dividende par action d’année en année. Même si les résultats et le chiffre d’affaires des entreprises baissent, et même en cas de pertes, le dividende poursuit son avancée inexorable. Il faut une véritable crise, comme celle du Covid-19 ou la menace d’effondrement financier de 2018, pour que cette mécanique bien huilée s’enraye quelque temps... avant de repartir de plus belle.
Le graphique ci-dessus détaille l’évolution du dividende par action depuis 2006 de quatre groupes du CAC40. Air Liquide, L’Oréal et Sanofi offrent des exemples d’augmentation continue d’année en année. BNP Paribas, au contraire, est un exemple de dynamique plus hachée, avec des baisses liées à la crise de 2008, à la crise de l’euro et enfin à l’interdiction des dividendes bancaires en 2020 sur fond de Covid, qui ne l’empêchent pas de reprendre à chaque fois sa marche vers le haut.
Imaginons un ou une petit.e actionnaire qui détiendrait une seule action de chacun des groupes du CAC40 dans sa composition actuelle. Il aurait touché 53,41 euros de dividendes au titre de l’année 2006. Au titre de l’année 2021, il toucherait 93,76 euros.
Ce second graphique montre l’évolution du dividende cumulé des 40 groupes du CAC depuis 2006. La légère chute due à la crise de 2008 et la chute plus conséquente de 2020 sont bien visibles, de même que la tendance à repartir immédiatement à la hausse. Pour encore mieux illustrer cette tendance, nous montrons aussi l’évolution des dividendes par action du CAC40 sans Renault et Unibail-Rodamco-Westfield (« CAC38 »), qui n’ont pas distribué de dividendes au titre de l’année 2021 et qui ont historiquement des dividendes par action très élevés (pas moins de 10,80 euros par action lors des dernières distributions d’Unibail, qui a un plus petit nombre de titres en circulation).
Tant que le CAC40 continuera à considérer que ses actionnaires ont un droit sacré non seulement à toucher un dividende, mais encore à toucher un dividende toujours supérieur à celui de l’année précédente, on peut s’attendre à ce que les milliards d’euros continuent de pleuvoir.