Qui a dit que les épidémies n’étaient pas bonnes pour les affaires ? En tout cas, ce n’est certainement pas l’avis des dirigeants et actionnaires de groupes pharmaceutiques. Malgré son échec à développer rapidement un vaccin contre le coronavirus, le « champion français » Sanofi ne fait pas exception.
Au printemps 2020, alors que l’épidémie commençait à frapper de plein fouet la France et l’Europe, le groupe a choisi de maintenir la hausse prévue de son dividende (3,9 milliards d’euros au total). Bis repetita cette année : il propose à ses actionnaires le versement d’un dividende de 4 milliards, à quoi s’ajoutent plus de 800 millions d’euros de rachats d’actions au cours de l’année écoulée. Soit près de 5 milliards en tout, au deuxième rang du CAC40 après Total.
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L’année 2020 aura été très bonne pour le laboratoire, qui affiche un bénéfice record de 12 milliards d’euros - lié pour une grande partie (7,4 milliards) à la revente de ses parts dans Regeneron. Si l’on fait abstraction de cette opération ponctuelle, Sanofi reverse davantage à ses actionnaires qu’il n’a engrangé de profits en 2020 - une habitude désormais solidement ancrée au sein du groupe comme de la plupart de ses concurrents. Comme nous l’avions montré dans les « Pharma Papers », les multinationales du médicament reversent depuis 20 ans une part toujours plus importante de leurs profits à leurs actionnaires (jusqu’à 142% en 2017). Profits qui sont eux-mêmes de plus en plus considérables, puisque ces mêmes multinationales sont expertes dans l’art d’extorquer toujours plus d’argent aux pouvoirs publics et d’imposer des prix toujours plus élevés à leurs médicaments et vaccins. Et ce ne sont pas leurs comportements pendant l’épidémie de Covid-19 qui ont infléchi la tendance.
Cynisme
Ce qui frappe néanmoins dans le cas de Sanofi, c’est le cynisme avec lequel ses dirigeants pratiquent cette politique d’accaparement des profits et de socialisation (ou nationalisation) de leurs coûts. Le groupe enchaîne les plans de suppression d’emplois, notamment en France et notamment dans la recherche-développement, depuis une dizaine d’années. Ces suppressions expliquent en partie l’échec retentissant de son vaccin contre le coronavirus. Mais Sanofi n’en continue pas moins à réclamer toujours davantage aux pouvoirs publics.
Le patron du groupe Paul Hudson, avec une rémunération de pas moins de 11 millions d’euros en 2020, est l’un des seuls dirigeants du CAC40 à ne pas même faire de geste symbolique de réduction de sa paie en lien avec la situation épidémique. Il avait fait polémique au printemps 2020 en suggérant que les futurs vaccins de Sanofi seraient réservés prioritairement aux Etats-Unis, qui avaient mis davantage d’argent sur la table. Si le fameux vaccin ne s’est pas matérialisé, Paul Hudson a obtenu d’une certaine manière gain de cause, puisque le gouvernement français a annoncé en juin une aide de plusieurs centaines de millions d’euros à Sanofi pour « relocaliser » une partie de sa production. Quelques jours à peine après ces annonces (histoire de bien montrer que cette aide ne l’engageait à rien ?), Sanofi annonçait un plan de suppression de 1700 emplois, dont un millier en France. Le groupe a en outre bénéficié en 2020 du programme de rachats d’actions des banques centrales et de la baisse des impôts dits « de production » incluse dans le plan de relance.
Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Selon sa déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, Sanofi a dépensé en 2020 entre 1 et 1,25 millions d’euros pour son lobbying en France. Toutes les activités de lobbying déclarées par le groupe (sauf une) avaient pour objectif d’obtenir de nouveaux soutiens financiers ou politiques de la France et/ou de l’Europe. De quoi assurer la continuité de ses largesses aux actionnaires pour 2022 et au-delà.
Olivier Petitjean
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