Depuis les débuts de la crise sanitaire, les dirigeants d’Air Liquide, à commencer par le PDG Benoît Potier, affirment avec insistance qu’ils n’ont eu recours à aucun dispositif de soutien public, qu’il s’agisse de prêt garanti par l’Etat, de reports de cotisations ou de chômage partiel. C’est ce qui leur a permis de justifier l’augmentation des dividendes en pleine première vague pandémique (1,46 milliard versé aux actionnaires, dont 1,31 de dividendes).
En réalité, Air Liquide est peut-être l’un des groupes du CAC40 qui a le plus profité du soutien public mobilisé à l’occasion de la crise sanitaire. Un paradoxe alors qu’il est aussi l’une des seules sociétés de l’indice parisien à afficher des bénéfices 2020 en hausse, à 2,4 milliards d’euros contre 2,2 l’année précédente. Cette performance s’explique en partie par la soudaine hausse de la demande pour l’un des produits phare commercialisés par le groupe français : l’oxygène utilisé dans les services hospitaliers de réanimation.
Air Liquide a surtout bénéficié d’aides indirectes, qui n’étaient pas particulièrement fléchées vers les entreprises en difficulté, comme la baisse des impôts de production incluse dans le plan de relance et le programme de rachats d’obligations de la Banque centrale européenne. Deux sources de cash qui lui ont permis de soigner sa trésorerie alors que le groupe n’en avait probablement pas vraiment besoin.
Air Liquide est aussi l’un des principaux bénéficiaires des plans de soutien à l’hydrogène mis en place en France et dans le reste de l’Europe à l’occasion de la pandémie, sous prétexte de « transition ». Et il n’a pas ménagé ses efforts pour obtenir ce résultat : selon les chiffres disponibles, il a dépensé plus d’un million d’euros en lobbying à Paris et presque autant à Bruxelles, essentiellement pour convaincre les décideurs d’investir massivement dans l’hydrogène.
Soutien public à l’hydrogène
L’hydrogène est typique de ces « solutions » technologiques poussées aujourd’hui par les industriels au nom de la lutte contre le changement climatique, dont le principal avantage pour eux est de changer le moins possible. Ce gaz est présenté comme « vert » au motif qu’il pourrait être majoritairement produit, dans quelques années ou quelques décennies, au moyen d’énergies renouvelables. En attendant, il reste très majoritairement produit au moyen de sources fossiles fortement émettrices de gaz à effet de serre. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’ONG Oxfam a récemment classé Air Liquide parmi les grands groupes français qui nous emmènent vers un monde où les températures se réchaufferaient de plus de 4°C, au même titre que la firme pétrolière comme Total.
Les salariés d’Air Liquide sont visiblement moins prioritaires pour la direction, puisque le groupe a réduit son effectif mondial de 4% en seulement un an. Quant au PDG Benoît Potier, il voit sa rémunération légèrement réduite en 2020, à 5,05 millions contre 5,65 en 2019. Non pas qu’il ait fait, comme d’autres patrons du CAC40, un geste symbolique de réduction de sa paie - simplement en raison du mode de calcul de sa part variable. Cette baisse modeste est largement compensée par les 1,46 million d’euros qu’il doit toucher à titre de dividendes grâce aux actions qu’il détient dans son propre groupe. Car - le lecteur l’aura deviné - le dividende proposé cette année par Air Liquide est à nouveau en hausse, à 1,39 milliard au total.
Olivier Petitjean
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