La quasi faillite d’Areva n’a rien d’une surprise. Il est facile d’accuser les dérives de l’« affaire Uramin » ou des facteurs prétendument « conjoncturels » comme la catastrophe de Fukushima, l’explosion des coûts de l’EPR, ou la baisse du cours de l’uranium. La faillite d’Areva provient d’abord des décisions financières, politiques et industrielles prises par la direction de l’entreprise, dont, rappelons-le, l’État français et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), sont les principaux actionnaires. Et aussi d’un certain aveuglement sur la réalité du monde et sur la place que peut y occuper l’industrie nucléaire : son acceptabilité sociale problématique, les risques qu’elle fait peser sur son environnement et ses personnels, et ses coûts financiers extrêmement élevés.
Ceux qui feront les frais de cet aveuglement sont les employés directs et indirects du groupe, en France et ailleurs, comme au Niger, où les salariés et sous-traitants paient déjà le prix des contaminations radioactives. Ce seront les contribuables ou les usagers français, appelés à renflouer Areva et éventuellement EDF si celle-ci rachète sa branche réacteurs. Ce seront les riverains des mines et des installations nucléaires, si la crise que traverse l’entreprise amène à rogner sur les modestes exigences de sûreté qui s’étaient imposées au fil du temps.
Aujourd’hui, le risque est réel que la restructuration d’Areva, au nom de l’impératif et de l’urgence de sauver un « champion national », signifie aussi une régression sur le plan politique, social et environnemental. C’est pourquoi il est plus nécessaire que jamais de mettre en lumière l’ensemble du bilan d’Areva.
C’est précisément ce qu’a entrepris l’Observatoire des multinationales à travers son « véritable bilan annuel » d’Areva. C’est le quatrième « contre-rapport » de ce type publié par l’Observatoire, après celui sur Total paru fin mai et ceux sur Engie et EDF, parus ces dernières semaines.
Quelques éléments clés détaillés par le rapport :
– Les déboires du réacteur nucléaire EPR symbolisent aujourd’hui à eux seuls l’échec industriel d’Areva. Avant la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011 au Japon, Areva annonçait encore vouloir vendre 45 réacteurs EPR d’ici 2020. Sur les 4 réacteurs en construction actuellement dans le monde, deux chantiers – en France et en Finlande – sont marqués par des retards et des dépassements de budgets considérables.
– Au-delà de l’EPR, Areva est impliquée dans plusieurs autres grands projets rencontrant de sérieuses difficultés industrielles et financières, comme l’usine de Mox (combustible au plutonium) qu’elle construit aux États-Unis, le démantèlement du site de Sellafield en Grande-Bretagne, le réacteur de recherches RJH à Cadarache ou encore le projet Comurhex II dans la Drôme.
– Les salariés du groupe, en France mais aussi ailleurs dans le monde, seront les premières victimes de la crise que traverse Areva. Et ce alors qu’Areva se refuse déjà à reconnaître sérieusement les enjeux de santé au travail et de maladies professionnelles parmi ses salariés français et africains.
– L’impact sanitaire et environnemental des activités nucléaires se fait sentir non seulement dans les pays comme le Niger, où Areva extrait son uranium, mais également en France, à proximité des installations du groupes, dans les anciens sites miniers non réhabilités, et dans les centaines de trains transportant des matières nucléaires chaque année.
– En ce qui concerne les mines d’uranium, ce sont principalement les activités d’Areva au Niger qui ont fait l’actualité en 2014, en raison de la polémique sur le niveau de la contribution fiscale d’Areva dans ce pays, l’un des plus pauvres du monde. Malgré les annonces officielles, les nouveaux contrats censés avoir été signés entre Areva et le Niger en 2014 n’ont toujours pas été rendus publics.
Pour lire le véritable bilan annuel d’Areva, c’est ici.