Des consommateurs qui bavardent en souriant avec le boucher de leur hypermarché. Un paysage urbain plein de verdure qui se détache sur fond de ciel bleu. Une réunion de travail détendue avec des employés au visage serein, assis sur des canapés. Une femme qui se réconforte en serrant une tasse de thé ou de café. Des enfants qui jouent. Beaucoup d’herbe, beaucoup de jeunes femmes souriantes portant des casques de chantier, beaucoup de tablettes et de smartphones. Et parfois, plus audacieusement, au détour du rapport annuel d’un géant bien connu du BTP [1], une chèvre sur une colline qui contemple une rangée d’éoliennes.
Bienvenue dans le monde étrange et merveilleux de la comm’ des grandes entreprises françaises. Chaque année, à l’occasion de leur Assemblée générale d’actionnaires, les multinationales tricolores publient en fanfare leur rapport annuel, plein de photos édifiantes sur papier glacé. Ces publications visent avant tout à légitimer la stratégie poursuivie par les directions auprès des investisseurs - mais aussi des employés, des pouvoirs publics et des consommateurs.
Les questions financières (qu’il s’agisse de dividendes versés aux actionnaires ou de rémunération des dirigeants) y occupent un place importante. Les conséquences pour les travailleurs et le reste de la société y sont présentées à travers des lunettes roses (ou vertes). Les sujets qui fâchent y sont passés sous silence, minimisés ou relégués au statut de note de bas de page.
Des questions aussi importantes que les inégalités entre hommes et femmes, la préservation du climat, le partage des richesses, les droits de l’homme, la lutte contre la pollution ou l’avenir de notre alimentation ne méritent-elles pas un peu plus de sérieux ?
C’est pourquoi, en juin prochain, l’Observatoire des multinationales publiera son propre « bilan annuel » des grandes entreprises françaises.
Qu’allons-nous faire ?
Du partage des richesses à la protection du climat, de la fiscalité aux affaires de corruption, du lobbying aux atteintes aux droits des travailleurs chez les fournisseurs et sous-traitants à l’autre bout de la planète, il y sera question de tout ce que les grandes entreprises font et ne disent pas.
Ce « contre-rapport » veut donner un tableau plus complet de la réalité des grandes entreprises françaises, du point de vue de la société dans son ensemble, et non pas des seuls dirigeants et actionnaires. Il proposera un aperçu de l’ensemble des impacts sociaux, environnementaux, sociétaux, économiques et in fine démocratiques des stratégies poursuivies et des choix effectués par les directions et les conseils d’administration de « nos » multinationales [2].
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Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com’ du CAC 40.
Faites un donNotre objectif avec cette publication de susciter et alimenter un débat sur ces stratégies et sur ces choix, qui nous concernent tous, mais aussi sur les politiques publiques qui les soutiennent de manière directe et indirecte. Débat qui fait cruellement défaut aujourd’hui, à la fois dans les entreprises et au sein de la sphère publique
En guise d’avant-goût, nous publierons régulièrement d’ici le mois de juin des enquêtes mettant en lumière certains des principaux enseignements de ce « bilan ».
Nous commençons avec la publication, ce jour, d’un premier tableau d’ensemble sur le phénomène de la concentration et des oligopoles : comment une poignée de grands groupes en est venue à dominer la plupart des secteurs d’activités, et les conséquences qui en découlent pour les autres acteurs économiques, les consommateurs et les citoyens.
Comment allons-nous faire ?
Pour réaliser notre contre-rapport, nous nous baserons surtout sur le travail de veille et d’investigation que notre équipe de journalistes réalise tout au long de l’année, avec l’aide de dizaines de collaborateurs et de partenaires, en France et ailleurs.
Nous nous baserons aussi sur les chiffres que les groupes du CAC40 sont tenus de publier du fait de la législation, mais qu’ils cachent souvent au milieu de documents de plusieurs centaines de pages. Par exemple le nombre de leurs filiales dans les paradis fiscaux, le montant des dividendes qu’ils reversent, les inégalités entre hommes et femmes, le taux effectif de leurs impôts, leurs dépenses de lobbying, le montant du salaire versé aux plus hauts dirigeants, ou leur impact sur le climat.
Nous montrerons la réalité qui se cache derrière ces chiffres, au-delà des présentations biaisées qu’en donnent les directions des entreprises, en proposant nos propres indicateurs.
David contre Goliath ?
Pour réaliser leurs rapports annuels, les groupes du CAC40 font appel à des agences de communication ou des groupes publicitaires comme Havas, par le biais de contrats se chiffrant en dizaines, voire en centaines de milliers d’euros.
Si l’on tient compte de toutes leurs dépenses de communication et de publicité, on en arrive rapidement à des centaines de millions d’euros, voire à plusieurs milliards pour des groupes comme Danone ou LVMH.
Par comparaison, le budget annuel de l’association Alter-médias, qui publie l’Observatoire des multinationales et Basta !, est presque insignifiant.
C’est donc un projet ambitieux, mais ô combien nécessaire. Si nous pouvons le mener à bien, ainsi que le travail d’enquête et de veille indépendantes qui est le nôtre tout au long de l’année, c’est grâce au soutien financier de nos lecteurs.
C’est pourquoi, si vous pensez vous aussi que le débat démocratique mérite mieux que la comm’ du CAC40, nous vous invitons à soutenir l’Observatoire des multinationales. Et de nous permettre ainsi de faire encore plus et encore mieux.
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Photo : Eric Montfort CC via flickr