Les exportations de gaz de schiste depuis les États-Unis
Pour être économiquement viable, l’industrie du gaz de schiste américain devait s’ouvrir l’accès aux marchés internationaux, et notamment celui de l’Europe. C’est désormais chose faite. Dès 2015, aussi bien EDF qu’Engie avaient passé des accords pour importer du gaz de schiste nord-américain en France. Ces contrats avaient été alors sévèrement critiqués, parce que contradictoires avec les engagements en faveur du climat pris au même moment par les deux géants français, sur fond de COP21 à Paris. Parfois présenté par l’industrie comme une énergie fossile « plus propre », le gaz est en réalité une source importante non seulement de CO2, mais aussi de méthane, un gaz à effet de serre 100 fois plus puissant à court terme. Et ce notamment lorsqu’il est extrait – comme c’est le cas ici - par fracturation hydraulique. Les importations en France de gaz de schiste américain – rebaptisé « gaz de la liberté » par l’administration Trump – ont effectivement commencé fin 2018 et se poursuivent à un bon rythme.
En 2018-2019, Total a pris plusieurs décisions d’investissements importants, comme le rachat du terminal d’exportation Cameron LNG en Louisiane à Engie. Décisions qui ont confirmé son intérêt non seulement pour l’exploitation du gaz de schiste proprement dite (avec ses parts dans des gisements au Texas et dans l’Ohio), mais aussi et surtout pour son exportation vers les marchés internationaux. Les banques françaises, et notamment la Société générale, sont elles aussi activement impliquées dans le financement des projets de gazoducs et de terminaux d’exportation qui ont fleuri ces dernières années sur les côtes nord-américaines. Le développement des exportations vers l’Europe et l’Asie, favorise en retour l’intensification de l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, et attise les controverses sur son impact écologique et sanitaire qui accompagnent cette exploitation.
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L’Arctique russe
La fonte des glaces ne fait pas que des malheureux. Plusieurs pays, à commencer par la Russie et les États-Unis, y voient aussi une opportunité d’ouvrir de nouveaux gisements de pétrole et de gaz. Dans le Grand Nord russe, la péninsule de Yamal apparaît comme un nouvel eldorado gazier, exploité en particulier par Total en partenariat avec Novatek, une entreprise dont le groupe français détient 20 %, et une autre firme française, TechnipFMC.
Le projet Yamal LNG, inauguré fin 2017, a commencé à exporter massivement son gaz en Europe et en Asie, y compris dans les terminaux méthaniers d’Engie en France. Un second projet d’exploitation gazière dans la péninsule russe, Arctic LNG, a été officiellement lancé avec les mêmes partenaires en 2019.
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Mozambique, Ouganda... Les nouvelles frontières africaines de Total
Depuis toujours ancré en Afrique, le groupe pétrolier Total ne semble pas prêt d’aller voir ailleurs. Outre sa présence historique dans les pays de la « Françafrique » (Gabon, Congo...), la major tricolore est également présente depuis des décennies dans des pays comme l’Algérie, le Nigeria et l’Angola. Elle vient d’ailleurs d’y confirmer son ancrage en lançant des nouveaux projets, davantage tournés aujourd’hui vers l’exploitation du gaz naturel et son exportation sous forme liquéfiée.
Dans le même temps, Total tourne ses regards vers de nouveaux pays du continent, comme l’Afrique du Sud ou la région des Grands Lacs. En Ouganda et dans les pays alentour, le groupe français développe des projets pétroliers qui menacent la précieuse biodiversité de la région et sont accusés de porter atteinte aux droits des communautés.
Au printemps 2019, Total a acquis pour 8 milliards de dollars les actifs africains d’Anadarko, qui lui ont notamment ouvert la porte des gisements gaziers offshore du Mozambique. Parfois présenté comme un futur « Qatar africain », ce pays mise gros sur l’exploitation de ses réserves de gaz, alors même qu’il a été frappé début 2019 par deux cyclones historiques, qui ont fait des milliers de morts et des millions de déplacés, dans lesquels beaucoup ont vu la conséquence dramatique du réchauffement des températures.
Vinci et les banques françaises misent sur le gaz azéri
Décidément, tout le monde veut approvisionner l’Europe en gaz. Tandis que Russie et États-Unis s’affrontent pour le marché européen, une autre source se prépare à arriver par le Sud : le gaz en provenance d’Azerbaïdjan, à travers un gazoduc en cours de construction sur 3500 kilomètres, entre la mer Caspienne et le sud de l’Italie, le « Corridor gazier Sud ». La dernière section de ce gazoduc, le Trans Adriatic Pipeline, ou TAP, est l’objet de vives résistances notamment en Grèce et en Italie, où paysans et riverains dénoncent des expropriations sommaires et le déracinement massif d’oliviers centenaires.
Le groupe français de BTP Vinci, via sa filiale Entrepose, est l’une des principaux prestataires du chantier du TAP. Celui-ci bénéficie aussi d’un soutien appuyé de la finance publique et privée française : la Société générale est la banque conseil du consortium TAP, localisé dans le canton de Zug en Suisse, et l’un des principaux financeurs du projet.
Du Brésil à la Guyane
Une autre région qui attire aujourd’hui les convoitises de l’industrie pétrolière est la façade atlantique de l’Amérique du Sud. Total s’est intéressé à des gisements potentiels situés à proximité de l’embouchure de l’Amazone, au Brésil, mais ses projets ont été retoqués par le régulateur brésilien, pour cause de risques environnementaux. Un grand récif de corail abritant une riche biodiversité vient juste d’être découvert au même endroit. Au large de la Guyane française, Total a réussi à convaincre l’administration hexagonale de lancer des forages tests, malgré les critiques des écologistes. Ces forages n’ont pas été concluants.
Plus au sud, en revanche, Total semble rencontrer davantage de succès. À la faveur des scandales qui ont embourbé la compagnie pétrolière brésilienne Petrobras, le groupe français a renforcé ses intérêts dans les gisements pétroliers offshore du « pre sal », au large de Rio de Janeiro, situés à très grande profondeur sous une croûte de sel.
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Photo : Anthony Goto CC, via flickr
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