18.11.2022 • COP27

Climat et émissions de CO2 : où en est vraiment le CAC40 ?

La pandémie de Covid-19 a fortement affecté l’évolution des émissions de gaz à effet de serre du CAC40. Mais la baisse constatée dans certains groupes ne cache pas l’ampleur des changements nécessaires. Extrait de CAC40 : le véritable bilan annuel, édition 2022.

Publié le 18 novembre 2022

Dans le cadre d’une précédente édition de ce « véritable bilan annuel », nous avions examiné l’évolution des émissions de gaz à effet de serre du CAC40 depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat en décembre 2015. Nous avions alors montré que beaucoup de grandes entreprises françaises, faute de remettre véritablement en cause leur modèle économique et industriel, continuaient d’augmenter leurs émissions d’année en année, ou dans certains cas se contentaient d’externaliser une partie de leurs émissions.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Si l’on additionne les émissions de gaz à effet de serre totales déclarées par les groupes du CAC40 en 2021 (moins Stellantis, pour les raisons détaillées ci-dessous), on observe une légère augmentation de 0,5 % par rapport à 2020. Mais cette hausse fait suite à une chute très nette de 17 % entre 2019 et 2020. C’est que la pandémie de Covid-19 est passée par là, provoquant une baisse générale de l’activité, notamment dans des secteurs très émetteurs comme le transport aérien. Airbus (-36 % entre 2019 et 2021) et Safran (-51 %) affichent certaines des baisses d’émissions les plus spectaculaires du CAC40 depuis 2019.

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Une quinzaine de groupes du CAC40 n’en ont pas moins augmenté leurs émissions déclarées entre 2019 et 2021 malgré la pandémie de Covid-19. Certaines de ces hausses s’expliquent par des effets de périmètre (comme pour Alstom, qui a entre-temps absorbé Bombardier et dont les émissions augmentent de 28 % sur la période) et/ou par des déclarations plus complètes que précédemment des émissions indirectes.

Parmi les autres groupes qui affichent une augmentation de leurs émissions entre 2019 et 2021, on peut aussi citer Legrand (+50 %), Worldine (+36 %), Kering (+30 %) ou L’Oréal (+6,5 %). Le cas de ces deux derniers groupes est significatif : tous deux voient certains postes d’émissions directes baisser, notamment grâce au passage aux renouvelables pour leurs consommations d’énergie, mais cela ne suffit pas à atténuer la dynamique générale d’augmentation importante de leurs émissions indirectes, liées à leur chaîne d’approvisionnement ou à l’usage de leurs produits. En un mot : le fait d’utiliser davantage d’électricité considérée comme renouvelable pèse peu dès lors que leur activité en expansion repose sur une forte consommation de ressources.

Les plus gros pollueurs du CAC

L’empreinte carbone des groupes français est très variable selon le secteur considéré. Certains groupes qui voient leurs émissions augmenter ont des émissions très modestes par comparaison avec les gros pollueurs du CAC40 dans les secteurs de l’énergie ou de la sidérurgie. En valeur absolue, les plus importants émetteurs du CAC40 restent sans surprise Airbus, TotalEnergies, Engie, Michelin et ArcelorMittal – auxquels s’ajoute le Crédit agricole, seul établissement financier à déclarer les émissions indirectes de gaz à effet de serre issues de ces financements. Si Axa, BNP Paribas et la Société générale étaient aussi transparentes que le Crédit agricole sur ce point, ces groupes figureraient certainement eux aussi en haut du classement. Parmi ces plus gros pollueurs de l’indice boursier parisien, certains ont encore augmenté leurs émissions entre 2019 et 2021, comme Michelin (+2,7 %) et le Crédit agricole (+5,7 %).

Pour mettre ces chiffres en perspectives, les émissions globales d’Airbus et TotalEnergies sont comparables à celles de pays comme la Turquie, le Vietnam ou le Royaume-Uni, et celles d’Engie et Michelin se situent au niveau de celles des Pays-Bas et de l’Éthiopie.

Ces chiffres sont les déclarations « officielles » des groupes, peut-être sujettes à caution. L’association écologiste Greenpeace s’est récemment par exemple penchée sur les émissions de CO2 de TotalEnergies

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Des baisses à relativiser

On peut tirer quelques leçons intéressantes des baisses d’émissions constatées en 2020 et pour partie en 2021. Avant tout, elles confirment l’importance critique des émissions de gaz à effet de serre du secteur aérien. La réduction de trafic a fait chuter les émissions d’Airbus, Safran et Thales de dizaines, voire de centaines de millions de tonnes de CO2, qui ne sont pas venues s’accumuler dans l’atmosphère. Cette importance s’observe aussi à plus petite échelle : certains groupes du CAC40 ont vu leurs émissions chuter de manière spectaculaire en 2020 pour une seule et simple raison : la réduction drastique du nombre des voyages d’affaires. C’est le cas de groupes de services comme Capgemini (-70 % d’émissions entre 2019 et 2021) ou encore Publicis (-47 %), dont l’empreinte carbone est relativement modeste par comparaison avec d’autres groupes du CAC40. C’est aussi le cas dans le secteur financier. Cette réduction drastique des voyages d’affaires pourrait s’avérer durable.

Un autre poste d’émissions indirectes en chute spectaculaire dans la plupart des groupes de services est constitué par les déplacements domicile/travail. Cette baisse s’explique largement par l’impact des confinements et du télétravail : les employés se rendaient tout simplement moins au bureau. On observe similairement dans ces groupes une baisse des consommations d’électricité dans les bureaux, de chauffage, d’eau, de déchets. Mais il est difficile de lire dans cette baisse autre chose qu’une forme d’externalisation d’une partie des émissions des groupes concernés : au lieu d’être comptabilisées au niveau de l’entreprise, elles l’ont été au niveau individuel de chaque employé travaillant chez lui.

Une grande partie du CAC40 reste très peu transparent sur son véritable impact climatique

Les chiffres que nous détaillons ici sont tirés des déclarations des groupes du CAC40 eux-mêmes. Ils sont en partie biaisés pour une simple raison : certaines entreprises font des déclarations plus complètes et plus sincères que d’autres, au risque d’apparaître pires que leurs homologues moins transparents. En 2022, plus de six ans après la signature de l’Accord de Paris, certaines des plus importantes entreprises françaises refusent toujours de faire toute la lumière sur leurs véritables émissions de gaz à effet de serre.

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C’est donc le cas notamment pour les banques. Seul le Crédit agricole publie une évaluation des émissions occasionnées par ses financements d’entreprises et de projets, qui le fait figurer parmi les principaux pollueurs du CAC40 avec environ 147 millions de tonnes émises. Par comparaison, BNP Paribas déclare 284 000 tonnes, la Société générale 191 000 tonnes et Axa 163 000 tonnes.

Il en va de même pour d’autres groupes qui, eux, refusent de publier des chiffres complets sur les émissions qu’ils occasionnent en amont, au niveau de leur chaîne d’approvisionnement, dont on peut penser qu’elles représentent pourtant au moins les neuf dixièmes de leurs émissions totales. C’est le cas notamment pour Carrefour.

Le groupe Stellantis, issu de la fusion entre PSA et FiatChrysler, mérite une mention spéciale. Nous avons dû l’exclure de nos analyses faute de données suffisantes. Ses dirigeants semblent avoir profité de la fusion et du déménagement du siège social aux Pays-Bas pour se défausser de leur devoir de transparence, dans le domaine des émissions de gaz à effet de serre comme dans d’autres. Le groupe n’a pas publié de données complètes en valeur absolue sur ses émissions en 2021, se contentant de mentionner une évaluation en cours selon laquelle le bilan carbone des seules voitures vendues en Europe serait de 136 millions de tonnes de carbone.

 
Photo : carrotmadman6 cc

Boîte Noire

Extrait de CAC40 : le véritable bilan annuel, édition 2022. Ces chiffres sont tirés des déclarations d’émissions de CO2 des entreprises elles-mêmes dans leurs Documents universels d’enregistrement 2021.

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