En 2007, la multinationale de bananes Chiquita (l’ancienne United Fruit Company) signe un accord à l’amiable avec la justice états-unienne pour avoir financé entre 1997 et 2004 des groupes paramilitaires colombiens d’extrême-droite. Les Autodefensas Unidas de Colombia (AUC) ont, pendant des années, tué, violé, et fait disparaître des civils. L’entreprise avait plaidé coupable et accepté de payer une amende de 25 millions de dollars [1] pour avoir participé au financement de ce groupe considéré comme terroriste par les États-Unis. En échange, aucune poursuite criminelle n’est engagée contre les responsables de l’entreprise.
Le 18 mai dernier, un groupe d’organisations de défense des droits humains a demandé à la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) d’enquêter sur la complicité présumée des dirigeants de la compagnie Chiquita dans la perpétration de crimes contre l’humanité en Colombie. Dans un rapport de 2012 sur la situation Colombie, la CPI avait en effet constaté l’implication des groupes paramilitaires AUC dans de possibles crimes contre l’humanité.
Dans leur communication à la Cour, la coalition d’ONG locales et internationales, dont la Fédération internationale des droits humains (FIDH), utilise des documents internes de Chiquita récemment fuités pour mettre en lumière l’implication directe de certains des dirigeants de la multinationale dans le financement des paramilitaires. Ces documents comportent notamment des annexes confidentielles qui permettent d’identifier 14 dirigeants et membres du conseil d’administration de Chiquita.
Ces informations pousseront-elles la CPI à engager enfin des poursuites contre des responsables d’entreprises (les statuts de la Cour ne lui permettant pas de poursuivre les entreprises elles-mêmes) ? Les victimes équatoriennes de la pollution pétrolière de Chevron avaient déjà tenté, en vain, de saisir la Cour pénale internationale il y a quelques années (lire notre entretien réalisé à l’époque : « Ce qu’a fait Chevron en Équateur est un crime, et pour que justice soit faite, il faut que ce crime soit reconnu comme tel »).
Rachel Knaebel
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Photo : CC NIC- OLA