Telle qu’elle a été votée en première lecture par l’Assemblée, la loi Canfin affirme un certain nombre de principes sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la transparence et la nécessité pour l’Agence française de développement (AFD) de renforcer les règles qu’elle exige de la part des entreprises qu’elle finance. Des avancées d’autant plus positives que le budget de la coopération française a toujours été gérée de manière particulièrement opaque. Désormais, les députés fixeront les critères d’attribution de l’aide au développement et pourront éviter que celle-ci ne serve à des projets portant atteinte à l’environnement et aux droits humains.
Mais, souligne le CCFD Terre Solidaire dans un communiqué de presse, « les travaux ont déraillé au moment de la formulation de mesures concrètes et contraignantes. Le gouvernement s’est en effet opposé à la proposition d’introduire, au niveau du groupe AFD une obligation de reporting comptable pays par pays pour l’ensemble des entreprises qui bénéficient de son soutien financier. (…) Le même sort a été réservé au devoir de vigilance des sociétés mères à l’égard de leurs filiales et sous-traitants. Si le principe a été inscrit, ce qui constitue une avancée, il se limite à affirmer que les entreprises doivent identifier, prévenir et atténuer les atteintes aux droits de l’Homme dont elles sont responsables, sans l’assortir d’aucune contrainte. »
L’inclusion dans la loi Canfin d’amendements sur le devoir de vigilance des entreprises multinationales et sur le renforcement de la responsabilité juridique des sociétés mères avait été vu par certains comme un abandon du projet de loi spécifique sur ces enjeux qui a été élaboré par un groupe de députés socialistes et verts. Ce que démentent les initiateurs de cette proposition de loi. Le député PS Dominique Potier déclare ainsi à Novethic que « le gouvernement est convaincu sur les objectifs de cette loi », tout en admettant qu’il reste « prudent sur les moyens à mettre en œuvre ».
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Faites un donLes associations et ONG mobilisées sur la question, réunies au sein du Forum citoyen sur la RSE, paraissent moins convaincues. À travers un communiqué de presse publié juste avant l’examen de la loi, un groupe d’ONG [1] et la CGT dénonçaient « l’opposition farouche de Bercy » et exprimaient leurs craintes que le gouvernement ne s’oppose aux différents amendements introduits par les députés pour rendre le texte plus contraignant [2].
« Ce long combat pour la reconnaissance de la responsabilité juridique des maisons-mères vis- à-vis de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger devra continuer au-delà des débats sur cette loi. », concluaient les signataires. Dans un entretien avec Mediapart réalisé à l’issue du vote de la loi, le ministre Pascal Canfin voulait rester optimiste, tout en reconnaissant l’opposition du patronat et d’une bonne partie du gouvernement : « Il ne faut pas transformer en défaite ce qui est une victoire. La RSE est désormais à l’agenda du gouvernement. C’était simplement trop tôt pour conclure. Ce n’est pas un renoncement. » Le Figaro, lui, avait retenu une leçon différente : « Pas de RSE des entreprises à l’étranger », titrait le journal de Serge Dassault.
Olivier Petitjean