Depuis le 31 décembre 2014, la ville d’In Salah, dans la région saharienne de l’Algérie, est le théâtre de manifestations pacifiques et de blocages de routes pour exiger l’arrêt des explorations de gaz de schiste dans le pays. Ce mouvement s’est étendu au reste de l’Algérie, avec notamment le 24 février une journée de mobilisation nationale, coïncidant avec le 44e anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures. Le 28 février, ce mouvement citoyen a connu ses premiers affrontements avec la police algérienne, et ses premières arrestations.
Dès le départ, les manifestants algériens ont dénoncé le rôle joué par des entreprises étrangères, au premier rang desquels Total. Malgré les dénégations officielles, ils en appellent aujourd’hui encore à un positionnement clair de la part de l’entreprise française. En France, l’organisation altermondialiste Attac a choisi d’interpeller Total, en partenariat avec les Amis de la terre, dans le cadre de sa campagne sur les multinationales, « les Requins ». Ils exigent que Total annonce clairement son retrait définitif tout projet de gaz de schiste en Algérie ou, au-delà, de tout projet impliquant l’utilisation de la fracturation hydraulique.
Dans leur rapport Total et le gaz de schiste algérien, publié ce vendredi 6 mars, Basta ! et l’Observatoire des multinationales reviennent sur le contexte et la signification du mouvement actuel, et se penchent sur le rôle exact de Total et des intérêts français dans cette crise. Si Total a démenti - tardivement - son implication dans des projets de gaz de schiste stricto sensu en Algérie, l’entreprise est bel et bien engagée dans des projets d’exploration et d’exploitation de « tight gas », une autre forme de gaz non conventionnel qui nécessite elle aussi l’usage de la fracturation hydraulique. Et ses cadres, comme les représentants officiels français, ont multiplié les signaux ambigus au sujet du développement des gaz de schiste algérien.
Le rapport revient aussi sur l’histoire lourde de la gestion des hydrocarbures en Algérie, sur le rôle des grandes firmes pétrolières et plus largement des intérêts occidentaux (notamment français) dans le pays.
L’engouement du gouvernement algérien pour les hydrocarbures non conventionnels intervient à un moment de reflux du gaz de schiste dans le monde, à la fois pour des raisons économiques et du fait de la résistance que cette activité rencontre partout où elle est envisagée. Quelle sera l’issue de ce mouvement citoyen dans le Sahara algérien, qui remet en cause un modèle de développement basé sur l’extraction des hydrocarbures ? Le régime algérien et le gouvernement d’Abdelaziz Bouteflika entendront-ils la voix de leurs concitoyens ? Ou choisiront-ils de persister dans leurs projets, en usant au besoin de la répression, comme les événements du 28 février dernier peuvent le laisser redouter ? Au vu de leur position en Algérie et de leurs déclarations publiques passées, Total et le gouvernement français semblent avoir leur part de responsabilité dans l’issue de ce conflit.
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