13.12.2018 • COP24

EDF fait pression pour mettre rapidement en service un grand barrage en Amazonie, malgré les conséquences pour le climat

La 24e Conférence sur le climat se tient actuellement en Pologne, et une fois de plus les multinationales comme EDF y déploient des efforts considérables pour vanter leurs mérites en matière d’écologie. Dans le même temps, EDF fait pression sur les autorités brésiliennes pour mettre en service son grand barrage amazonien de Sinop sans respecter ses obligations environnementales, malgré les émissions de gaz à effet de serre qui en découleraient.

Publié le 13 décembre 2018 , par Olivier Petitjean

C’est un aspect peu connu de l’activité d’EDF : en plus de vendre de l’électricité en France et dans quelques autres pays européens, et en plus de gérer le plus important parc de réacteurs nucléaires au monde, le groupe énergétique français est aussi un constructeur de grands barrages hydroélectriques, actif dans des pays aussi éloignés que le Laos (lire notre article), le Cameroun ou encore le Brésil (lire notre article). Les syndicats et salariés d’EDF se mobilisent depuis plusieurs années pour empêcher la privatisation programmée des barrages français, pour que ces infrastructures stratégiques restent au service de l’intérêt général plutôt que d’être gérées en fonction de considérations purement financières. Ce qui est exactement ce que la direction de leur groupe est en train de faire au Brésil : EDF fait pression sur les autorités brésiliennes pour qu’elles l’autorisent à mettre rapidement en service son barrage de Sinop (402 MW), dans le bassin du Tapajós en Amazonie, en passant par pertes et profits les conséquences pour l’environnement et le climat.

Le ministère public du Mato Grosso a recommandé que l’autorisation de mise en service ne soit pas accordée à EDF avant que quatre conditions soient remplies. Notamment l’obligation légale de déforester complètement la zone du future réservoir de retenue avant son remplissage, pour préserver la qualité de l’eau et éviter des émissions importantes de gaz à effet de serre.

L’empressement d’EDF à ouvrir les vannes de son nouveau barrage met en effet en lumière une faiblesse cruciale de l’hydroélectricité, au moment où se tient la 24e Conférence internationale sur le climat, à Katowice en Pologne. Un peu partout dans le monde, les grands barrages ont longtemps été vendus comme une source d’énergie « verte ». En réalité, en plus de leurs impacts souvent dévastateurs sur l’environnement et les ressources en eau, ainsi que sur les populations locales souvent déplacées de force, les grands barrages en milieu tropical peuvent entraîner des émissions considérables de gaz à effet de serre. Indirectement d’abord, au niveau du chantier de construction et de la déforestation qu’il implique. Mais aussi directement, à travers les émissions de méthane (un gaz à effet de serre 100 fois plus puissant à court terme que le dioxyde de carbone) qu’occasionne l’immersion et le pourrissement de la végétation dans les réservoirs de retenue des barrages.

Le pire barrage amazonien en termes d’émissions de gaz à effet de serre

Soit exactement ce pourquoi EDF cherche aujourd’hui aussi activement une autorisation. Le rapport produit par le ministère public estime même que « le barrage hydroélectrique de Sinop sera celui présentant les émissions les plus importantes de gaz à effet de serre par comparaison avec d’autres barrages ». Une étude scientifique de 2015 jugeait que ces émissions seraient même probablement supérieures à celles d’une centrale thermoélectrique. (EDF n’a pas répondu à nos sollicitations pour cet article.)

La construction de Sinop a également été marquée par d’autres problèmes d’atteintes aux droits des peuples indigènes (lire nos articles ici et ) et par des irrégularités dans la procédure. Les recours judiciaires lancés suite à ces irrégularités ont été cassés au nom de la « sécurité nationale » par le pouvoir exécutif, en utilisant un mécanisme juridique datant de la période de la dictature. C’est le premier grand barrage construit en Amazonie brésilienne par EDF, mais l’énergéticien est également derrière celui de Petit-Saut, en Guyane française, construit dans les années 1990, qui a lui aussi été très critiqué pour son impact environnemental et climatique (lire notre article).

À partir du début des années 2000, au nom de la croissance, le gouvernement brésilien avait relancé des projets datant de la dictature de construction de dizaines de mégabarrages hydroélectriques dans toute l’Amazonie. Ce qui avait donné des grands projets très contestés comme celui de Jirau (porté par le groupe français Engie) ou celui de Belo Monte. Confronté à la résistance des peuples indigènes, appuyés par un mouvement de solidarité internationale, mais aussi aux coûts énormes de ces ouvrages, le Brésil avait néanmoins fini il y a deux ans par décider d’un moratoire de fait sur les nouveaux projets hydroélectriques. Du moins jusqu’à l’entrée en office, en janvier prochain, du nouveau président d’extrême-droite Jair Bolsonaro, qui ne cache pas son attention d’ouvrir plus que jamais l’Amazonie au développement industriel. Un soutien plutôt douteux pour EDF.

Olivier Petitjean

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Photo : Greenpeace Brasil CC via flickr

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