En 2011, la firme Cuadrilla [1] se trouvait contrainte d’interrompre ses opérations de prospection de gaz de schiste en Grande-Bretagne suite à une série de tremblements de terre provoqués par la fracturation hydraulique. Un événement qui allait bloquer pour longtemps les perspectives de recherche de gaz non conventionnels sur le territoire britannique.
Ce lundi 15 septembre 2018, plus de sept années plus tard, la même firme a pu procéder à de nouveaux forages de test par fracturation hydraulique, malgré l’opposition des élus locaux et des militants anti-gaz de schiste. Les premiers avaient refusé d’autoriser les opérations de Cuadrilla, par crainte des nuisances environnementales, mais leur décision a été cassée par le gouvernement britannique, qui s’est arrogé le pouvoir d’autoriser directement les opérations de prospection. Les seconds mènent depuis des mois des actions de blocage du site pour empêcher Cuadrilla de mener ses activités. Ils ont à nouveau tenté - en vain - d’empêcher le forage, bien que trois d’entre eux aient été condamnés il y a deux semaines à des peines de prison ferme.
Avec cette condamnation très controversée, prononcée fin septembre, c’était la première fois depuis les années 1930 que des militants écologistes étaient condamnés à des peines de prison ferme [2] : entre 15 et 16 mois, simplement pour avoir bloqué des camions de Cuadrilla transportant du matériel de forage. La sentence a suscité l’indignation dans le pays et au-delà, particulièrement après qu’il ait été révélé que le juge avait des liens familiaux avec l’industrie pétrolière. Une audience d’appel doit avoir lieu dans la semaine.
Ligne dure contre les opposants
Depuis 2011, les perspectives d’exploitation du gaz de schiste en Europe se sont éloignées, les entreprises pétrolières abandonnant successivement les pays concernés du fait de la résistance des populations et de tests décevants. Le Royaume-Uni fait désormais le seul pays où l’industrie ait encore ses chances. Bien que les ressources exploitables soient très incertaines et que l’opposition des écologistes et des habitants soit aussi résolue qu’ailleurs, le gouvernement conservateur pèse de tout son poids en faveur de l’exploitation du gaz de schiste. Non content de passer par-dessus les élus locaux, il a assoupli les régulations en place et envisage de les assouplir davantage... notamment en ce qui concerne les règles relatives aux séismes entraînés par la fracturation hydraulique, jugées trop précautionneuses. Les ministres concernés soutiennent eux aussi une ligne dure à l’encontre des militants anti-fracking, dans un contexte où les firmes recourent de plus en plus à des injonctions de justice pour les empêcher d’approcher de leurs sites.
Outre Cuadrilla, plusieurs autres entreprises détiennent des licences d’exploration dans différentes régions du pays, notamment l’entreprise chimique Ineos du milliardaire Jim Ratcliffe (lire notre article Les liens étroits et méconnus entre le gaz de schiste et l’explosion des déchets plastiques). Seule parmi les grandes majors, Total détient encore des parts dans des gisements britanniques.
Olivier Petitjean
Soutenez l’Observatoire
Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com’ du CAC 40.
Faites un don