Dans les pays andins, des paysans et des indigènes se battent contre des projets miniers géants au sommet de leurs montagnes. En Australie, une alliance inhabituelle se noue entre agriculteurs et écologistes contre l’exploitation du « gaz de couche », qui nécessite de recourir à la fracturation hydraulique. Au Brésil et au Canada, riverains et autorités accusent l’incurie des entreprises minières après la rupture de barrages miniers retenant des eaux usées toxiques. En Algérie, la population du sud saharien se révolte contre l’arrivée du gaz de schiste. En France même, des collectifs citoyens dénoncent des projets d’ouvrir de nouvelles mines, alors que les anciens sites abandonnés continuent à ce jour à polluer leur environnement. Tous ces combats ont un point commun : l’eau.
Le rapport Eau et industries extractives : la responsabilité des multinationales, publié ce lundi 30 mai par l’Observatoire des multinationales avec le soutien de France Libertés, est issu d’un travail d’enquête de plusieurs mois. Il est basé notamment sur des reportages de terrain relatifs à des projets extractifs portés par des multinationales (parmi lesquelles de nombreuses firmes françaises) et aux conflits qu’ils suscitent.
Ce rapport met en lumière non seulement les multiples manières dont le secteur extractif affecte les ressources en eau (pollution, surexploitation, destruction de zones humides ou de glaciers), mais aussi l’insuffisance des réglementations en vigueur dans ce domaine et de leur application, le manque de connaissances scientifiques, et l’inadéquation des réponses caritatives ou technologiques apportées par les entreprises concernées.
Des menaces qui s’aggravent
Les développements miniers, pétroliers et gaziers ont connu une nette accélération dans le monde depuis le début des années 2000, sous l’effet de la croissance de la Chine et des pays émergents, mais aussi parce que les économies occidentales, prétendument de plus en plus « immatérielles », continuent en réalité à faire une utilisation massive de minerais et d’énergie. Derrière les beaux discours verts des entreprises, les mines et les forages pétroliers restent une source majeure de pollution et de dégradation environnementale contre lesquelles riverains et autorités publiques sont généralement démunis.
Les impacts sur l’eau des industries extractives ne tendent pas à s’atténuer grâce à une « modernisation » des techniques, bien au contraire. Les développements récents dans le secteur extractif, comme les hydrocarbures non conventionnels (gaz de schiste, sables bitumineux…), présentent des risques significativement accrus pour les ressources en eau. De même pour les nouveaux projets miniers dans des zones de plus en plus reculées, comme le sommet des montagnes andines, ou impliquant de broyer et traiter toujours plus de roche pour exploiter des filons de plus en plus modestes. Et il y a un risque que la crise que traverse actuellement tout le secteur extractif ne soit un prétexte pour rogner encore sur les régulations sociales et environnementales, déjà bien faibles, dans de nombreux pays.
À l’heure où le gouvernement français et les industriels envisagent l’ouverture de nouvelles mines en France métropolitaine et où certains défendent le développement du gaz de schiste en Europe, ce constat devrait constituer un avertissement, d’autant que les leçons du passé ne semblent pas avoir été tirées. Parmi des dizaines d’autres, l’exemple de Salsigne, dans l’Aude, montre que les anciens sites miniers français continuent aujourd’hui encore à contaminer l’eau et l’environnement. Or la réforme en cours du code minier, portée par le ministère de l’Économie et des Finances d’Emmanuel Macron, ignore superbement ces enjeux. Le débat, pourtant, doit impérativement être ouvert.
– Lire le rapport : Eau et industries extractives : la responsabilité des multinationales
– Lundi 30 mai à 19 heures aura lieu une conférence sur l’eau et l’extractivisme où nous présenterons ce rapport. Adresse : Maison des Associations du 10ème
206 Quai de Valmy, 75010 Paris. Renseignements et inscriptions ici.
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