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22.05.2015 • Lobbying

Les géants de l’énergie, plus influents et moins transparents que jamais à Bruxelles

Les géants européens de l’énergie sont moins transparents que jamais sur leur lobbying auprès de la Commission et des autres institutions de l’Union. La plupart ne fournissent toujours pas de données précises ou crédibles sur leurs activités dans la capitale européenne. Pour les ONG, une telle opacité est inquiétante à un moment où se prennent des décisions cruciales sur la politique européenne de l’énergie, qui pourraient compromettre ses engagements sur le climat.

Publié le 22 mai 2015 , par Olivier Petitjean

Depuis plusieurs mois, les institutions européennes sont le théâtre de grandes manœuvres autour de la politique énergétique de l’Union. Non pas, malheureusement, dans le but de renforcer les engagements climatiques de l’Europe et donner une impulsion décisive à la transition énergétique sur le continent, mais souvent au contraire pour renforcer le poids des industriels dans « l’Union de l’énergie » proposée par les dirigeants européens.

À la faveur de la crise ukrainienne et des tensions avec la Russie, principal fournisseur de gaz de l’Europe, les industriels ont notamment réussi à mettre au premier plan de l’agenda européen, au nom de la « sécurité énergétique », leur vision d’un renforcement du gaz et des infrastructures nécessaires à son transport (gazoducs géants, terminaux de liquéfaction). Au risque de faire passer au second plan ce qu’il reste des engagements européens en matière de lutte contre le changement climatique.
Car, parallèlement, les objectifs de l’Union en matière de transition, d’efficacité énergétique et de développement des renouvelables n’ont pas été à la hauteur des attentes.

Déclarations fantaisistes

Sentant que les industriels européens de l’énergie s’agitaient en coulisses pour peser sur les décisions de l’Union, les Amis de la terre Europe et le Corporate Europe Observatory - deux membres de la coalition ALTER-EU pour la transparence du lobbying - ont étudié les déclarations des grandes entreprises énergétiques du continent au registre (volontaire) du lobbying créé par la Commission, qui vient d’être mis à jour avec les données fournies pour 2014. Leurs conclusions (à lire dans le détail ici) sont plutôt troublantes.

Les enjeux climatiques et énergétiques ont clairement été au centre de l’agenda européen en 2014. On aurait donc pu s’attendre, logiquement, à une croissance des dépenses globales de lobbying des géants de l’énergie. En fait, on observe des mouvements dans tous les sens, sans aucune logique, de nature à mettre en doute l’ensemble des éléments fournis par ces entreprises et à semer la confusion quant à leurs activités réelles à Bruxelles.

Les dépenses de lobbying déclarées en 2014 par des entreprises comme BP et l’italienne Enel sont en augmentation considérable par rapport à 2013, sans réelle justification. D’autres ont apparemment enregistré une chute vertigineuse de leurs dépenses, comme le suédois Vattenfall, cinquième fournisseur d’électricité en Europe, Cuadrilla (qui s’est pourtant activée durant toute l’année pour défendre le gaz de schiste à Bruxelles) ou encore Engie (ex GDF Suez). Ces trois entreprises déclarent moins de 10 000 euros de dépenses de lobbying à Bruxelles en 2014 [1]. « Même si Engie a effectivement réduit son personnel engagé dans le lobbying au nombre de 4 [comme elle l’a déclaré au registre], il semble tout fait irréaliste qu’un budget de moins de 10 000€ puisse couvrir leurs salaires et leurs activités, sachant qu’Engie a tenu au moins 14 réunions officielles avec la Commission Européenne depuis le 1er décembre 2014 », notent les ONG.

D’autres entreprises directement concernées par les décisions de l’Union en matière énergétique, comme Alstom, Total ou Endesa, n’ont tout simplement pas fourni de données financières pour 2014 [2].

Le registre de transparence du lobbying mis en place par les institutions européennes st très imparfait. Les grandes entreprises européennes, visiblement, ne prennent pas l’exercice au sérieux. La coalition ALTER-EU réclame « un registre de transparence obligatoire avec des informations précises et exactes », afin de permettre enfin aux citoyens européens de savoir « qui sont ceux qui influent sur notre énergie de demain ».

Olivier Petitjean

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Photo : Rich CC

Boîte Noire

Mise à jour : Depuis la publication de cet article, certaines des entreprises concernées comme Total, Vattenfall et Statoil, ont mis à jour leurs déclarations au registre européen de transparence. Ces mises à jour sont indiquées en note.

Notes

[1Vattenfall a mis à jour sa déclaration depuis la publication de cet article, et déclare désormais près de dix fois plus, entre 800 000 et 899 999 euros dépensés en 2014.

[2Total a mis à jour sa déclaration après la publication de cet article et déclare entre 250 000 et 275 000 euros de dépenses de lobbying en 2014.

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