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28.06.2013 • Institutions européennes

Lobbying à Bruxelles : une transparence encore très limitée

Le registre européen des lobbies mis en place depuis quelques années était censé assurer une transparence minimale dans ce domaine, à l’image de ce qui se pratique dans d’autres pays. Mais selon la coalition ALTER-EU, le registre tel qu’il existe aujourd’hui reste insuffisant du fait de son caractère volontaire et de l’absence de règles strictes pour s’assurer de la crédibilité des données.

Publié le 28 juin 2013 , par Olivier Petitjean

La réputation des institutions européennes comme paradis des lobbyistes n’est plus à faire. L’accès privilégié des groupes d’intérêts - notamment économiques - aux mécanismes décisionnels est au coeur du déficit de légitimité démocratique dont souffrent les politiques communautaires. La Commission et le Parlement sont aujourd’hui censés faire le bilan des initiatives mises en place pour introduire un peu de transparence dans ce domaine, et réfléchir à la possible évolution du système.

La coalition ALTER-EU (Alliance for Lobbying Transparency and Ethics Regulation, Alliance pour la transparence du lobbying et pour des règles d’éthique) publie à cette occasion un rapport de bilan sur le registre européen des lobbies, pièce maîtresse du dispositif actuel.

Le rapport d’ALTER-EU - disponible ici (en anglais) - illustre toutes les limites du registre des lobbies tel qu’il fonctionne depuis sa mise en place en 2011, c’est-à-dire sur la base du volontariat et sans véritable mécanisme de contrôle et de sanction.

Les firmes françaises, championnes du lobbying à Bruxelles

Le site néerlandais d’information Sargasso avait publié en mai un premier état des lieux des dépenses de lobbying dans les institutions européennes en se basant sur les chiffres publiés actuellement dans le registre. On y apprend notamment que la France est le premier pays d’origine des dépenses de lobbying (en excluant la Belgique), légèrement devant l’Allemagne. D’après les données du registre, EADS, GDF-Suez, Total, EDF figurent parmi les principaux contributeurs, aux côtés de nombreuses associations et groupements professionnels (semenciers, agroalimentaires, finance, etc.) où les Français sont aux premières loges.

Des chiffres qui sont toutefois à prendre avec prudence, au vu des nombreuses insuffisances pointées par l’enquête d’ALTER-EU.

Des entreprises aux abonnés absents

Celle-ci montre notamment que plusieurs dizaines de grandes entreprises européennes et étrangères se dispensent de déclarer leurs activités et dépenses de lobbying à Bruxelles, Luxembourg ou Strasbourg - alors même que celles-ci sont de notoriété publique. C’est le cas de grands noms comme Rio Tinto, Disney, Amazon ou Apple. Monsanto - pourtant très occupée à promouvoir les OGM à Bruxelles - n’a rien déclaré pendant toute une année entre le printemps 2012 et le printemps 2013. Alors que les débats sur la régulation financière battaient leur plein dans les institutions européennes, certaines des plus grandes banques du monde - parmi lesquelles Goldman Sachs, Belfius (ex-Dexia), HSBC, RBS, Banca Santander ou UBS - y brillent par leur absence.

Du côté des entreprises françaises, le rapport pointe notamment du doigt Atos (la société de services informatiques dirigée par Thierry Breton), Bull, le groupe Lagardère, Rhodia (aujourd’hui partie du groupe Solvay) ou encore Schlumberger.

Le même constat vaut pour d’autres acteurs tout aussi importants du lobbying à Bruxelles - une myriade d’associations professionnelles, cabinets d’avocats ou de consultants, de forums et de think-tanks liés à l’industrie. En l’absence de toute obligation réelle de transparence, des acteurs importants du lobbying bruxellois peuvent se permettre de s’abstenir - ou bien de quitter le système dès qu’il leur impose des règles trop strictes.

Un registre qui ne donne pas une image exacte de la réalité

Les enquêteurs d’ALTER-EU révèlent également que de nombreuses informations financières portées au registre sont partielles, contradictoires ou inexactes, de sorte qu’il ne permet pas d’identifier les grands acteurs et les véritables rapports de force à Bruxelles. Les sous-déclarations de budget ou d’effectif - mais aussi dans certains cas des surdéclarations flagrantes - seraient monnaie courante, en l’absence de tout mécanisme de vérification. Des entreprises, par exemple, peuvent déclarer des dépenses totales de lobbying inférieures à ce qu’un cabinet de consultants déclare par ailleurs avoir reçu de cette même firme. D’autres firmes déclarent employer moins de lobbyistes qu’elles n’ont demandé d’accréditations pour accéder au Parlement européen...

Selon ALTER-EU, les informations déclarées sont en outre souvent obsolètes ou incomplètes, du fait notamment de l’absence de règles précises de mise à jour et d’établissement des données. Des informations importantes pour comprendre les activités de lobbying d’une entreprise - qui sont les lobbyistes employés, sur quels sujets ils travaillent, quelle sont les sources de financement d’un think tank... - ne sont tout simplement pas demandées.

L’administration européenne satisfaite du système actuel

Malgré ces défauts, malgré la volonté du Parlement, malgré la multiplication des scandales, malgré les critiques qui fusent de toutes parts, la Commission européenne semble bien aujourd’hui privilégier la poursuite du système actuel.

Le cas d’Olli Rehn, vice-président de la Commission européenne responsable des affaires économiques, illustre de manière éclatante la complaisance des dirigeants européens. Le rapport d’ALTER-EU rappelle en effet que de toutes les firmes et organisations qu’il a rencontrées entre janvier 2011 et février 2012, pas moins de 62% étaient absentes du registre.

Les organisations rassemblées au sein d’ALTER-EU revendiquent pour leur part un renforcement drastique du dispositif de transparence du lobbying, afin de le rendre plus crédible et plus fiable.

Quelques jours auparavant, la coalition a publié un étude juridique complémentaire (en anglais) démontrant que les bases légales existent bel et bien dans les traités pour mettre en place un véritable registre obligatoire, avec les pouvoirs de sanction correspondants.

Olivier Petitjean

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