25.04.2023 • Mégafusion

Monopole contre service public. Retour sur la bataille Veolia-Suez

Gabegie financière, conflits d’intérêts au sommet de l’État, et extraction de « superprofits » sur la transition climatique et les services essentiels... L’Observatoire des multinationales a réalisé pour l’Internationale des services publics une analyse, un an après la conclusion de l’opération, du rachat controversé par Veolia de son principal concurrent Suez. Nous la publions à l’occasion de l’assemblée générale annuelle du groupe.

Publié le 25 avril 2023

Voici les principales conclusions de cette étude :

En plus du prix direct de l’acquisition, qui a ajouté 9 milliards d’euros à la dette de Veolia, la fusion/re-séparation entre Veolia et Suez a coûté des centaines de millions d’euros, voire plus d’un milliard d’euros, empochés par des banquiers, des avocats d’affaires, des consultants et des firmes des relations publiques.

L’acquisition par Veolia de Suez, qui fait suite à plusieurs mégafusions controversées du même type ces dernières années, est une nouvelle illustration des relations incestueuses entre les pouvoirs publics et les grandes entreprises en France, qui se traduisent par des conflits d’intérêts généralisés et une confusion permanente entre intérêts public et privés. Le président Macron et des personnalités clés du gouvernement ont poussé à la conclusion de l’accord, qui bénéficiait à certains de leurs alliés politiques. La Caisse des dépôts et consignations, institution financière publique française, est désormais un actionnaire majeur à la fois de Veolia et de Suez.

Le modèle économique fondamental de Veolia reste ce qu’il a toujours été historiquement : celui d’une entreprise rentière basée sur l’accaparement de fonds publics dédiés aux services essentiels. Il est en train de changer progressivement de priorité, la captation de la « rente de l’eau » cédant la place à la captation de la nouvelle « rente du climat ». En ligne de mire, les grands plans d’investissement annoncés ces dernières années visant à accélérer la transition climatique et l’adaptation au réchauffement.

L’une des raisons derrière le raid sur Suez était la volonté de Veolia d’imposer son récit sur l’avenir des services de l’eau et des déchets et sur la crise climatique, à savoir que les solutions technologiques (propriétaires et coûteuses) seraient le seul moyen de faire face aux crises écologiques et que le prix de l’eau, des déchets et d’autres services essentiels doit augmenter de manière drastique pour relever ces défis. Il s’agit d’une stratégie de « privatisation par la technologie ».

L’accord Veolia-Suez représente également une nouvelle étape dans la financiarisation des services de l’eau et des déchets, les fonds d’investissement et de « private equity » jouant un rôle toujours plus important dans le secteur en vue d’y extraire des profits.

En acquérant une grande partie de l’« ancien Suez », en particulier ses actifs aux États-Unis, Veolia est devenu un quasi-monopole avec un pouvoir de marché renforcé vis-à-vis des autorités locales et des clients industriels, qu’il ne manquera pas d’utiliser pour augmenter les prix. Les autorités de concurrence ont donné leur accord à l’opération sur la base d’une vision très étroite de ses conséquences.

Veolia a récemment annoncé des bénéfices records pour 2022, mais ils ne sont pas liés à l’opération avec Suez. La croissance de ses bénéfices et de ses revenus est due à l’augmentation des prix de l’eau, des déchets et de l’énergie, et une bonne partie provient des contrats de chauffage de Veolia dans les pays d’Europe centrale et orientale. En d’autres termes, il s’agit de « superprofits » conjoncturels liés à la guerre en Ukraine, similaires à ceux enregistrés par les géants du pétrole et de l’énergie, au détriment des populations qui doivent faire face à l’explosion de leurs factures pour des services essentiels.

Dans la continuité de ses pratiques dans ce domaine, Veolia a une nouvelle fois décidé de distribuer davantage de dividendes à ses actionnaires qu’elle n’a réalisé de profits en 2022. Bien qu’il y ait encore beaucoup d’incertitudes quant aux suppressions d’emplois potentielles à terme au sein des deux entreprises, malgré leur engagement à ne pas supprimer d’emplois pendant quelques années, une chose est sûre : les travailleurs continueront à faire les frais des « synergies » et d’autres mesures de réduction des coûts. En France, les salaires n’ont pas augmenté autant que l’inflation, au contraire des prix de l’eau et des dividendes versés par l’entreprise.

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Photo : Force ouvrière cc by-nc


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