Alerter. Informer. Rouvrir les possibles.
L’Observatoire a besoin du soutien de ses lecteurs !

0
2 889 €
30 000 €

Objectif 30000 € d’ici la fin de l’année.

Je fais un don !

07.05.2024 • Aides aux entreprises

Bilan du plan de relance : 100 milliards d’euros pour quoi faire ?

Comment les 100 milliards d’euros du plan de relance ont-ils - ou non - été dépensés ? Qui en en a profité ? Ses promesses écologiques ont-elles été tenues ? Quel est le lien avec le retour actuel de l’austérité budgétaire ? Tout ce que vous devez savoir sur le plan de relance et son bilan.

Publié le 7 mai 2024 , par Pauline Gensel

Il y a presque quatre ans, en pleine épidémie de Covid-19, Emmanuel Macron annonçait en fanfare un grand « plan de relance » à 100 milliards d’euros, abondé par des fonds européens.

À l’époque, l’Observatoire des multinationales alertait sur le risque que ces sommes apparemment conséquentes ne changent pas grand chose à nos enjeux sociaux, écologiques ou industriels, et finissent surtout dans les coffres des grandes entreprises - qui bénéficiaient déjà d’aides publiques massives encore augmentées sous prétexte de crise sanitaire (voir notre initiative Allô Bercy).

Alors que le président de la République vient, sur fond de campagne pour les élections européennes, d’en appeler à un nouveau « choc d’investissement public » pour restaurer la compétitivité européenne, c’est le moment de faire le bilan.

Les 100 milliards annoncés en 2020 ont-ils effectivement été dépensés ?

Fin novembre 2023, 72,8 milliards d’euros ont été décaissés par l’État, d’après les données de la direction du Budget transmises au comité d’évaluation du plan de relance. Ce montant correspond aux crédits de paiement effectivement versés à différents acteurs (agences de l’État, organismes de sécurité sociale, collectivités, entreprises, etc.). Il est possible que certaines entités n’aient pas encore reversé tout ou partie de ces fonds.

Les crédits de paiement sont à distinguer des autorisations d’engagement, l’enveloppe que l’État s’est juridiquement engagé à débourser sur plusieurs années. Fin 2022, 89 milliards étaient ainsi engagés, contre les 100 initialement prévus. En novembre 2023, 7 des 100 milliards du plan de relance n’avaient toujours pas fait l’objet d’engagements.

La distribution des fonds a-t-elle été transparente ? En connaît-on les bénéficiaires finaux ?

Transparency International France s’est penchée sur la transparence du plan de relance et a pu constater, tout comme nous l’avons fait (lire France relance : un plan opaque, un bilan impossible), qu’elle était lacunaire. L’ONG a obtenu un rendez-vous en juin 2022 avec le Secrétaire général au plan de relance de l’époque, Vincent Menuet – aujourd’hui lobbyiste pour Suez. « Il nous a fait comprendre que son objectif, c’était que les entreprises qui aient droit à de l’argent public le touchent et qu’elles évitent la faillite, raconte Kevin Gernier, chargé de plaidoyer pour Transparency International sur les questions de lobbying et de transparence de l’action publique. Mais il ne savait pas quelles entreprises avaient touché quoi. En 2021-2022, il y avait urgence et Bercy cherchait à tout prix à écouler ces énormes enveloppes. Forcément, quand on va aussi vite, cela se fait au détriment de la transparence. »

En 2021-2022, il y avait urgence et Bercy cherchait à tout prix à écouler ces énormes enveloppes.

Le 27 février 2023, le Parlement européen a voté un amendement censé apporter plus de transparence aux différents plans de relance nationaux. Les États membres doivent désormais publier la liste des « cent bénéficiaires finaux qui reçoivent le montant de financement le plus élevé » dans le cadre de crédits européens. Cette liste doit être facilement accessible, en open data, et actualisée deux fois par an. La France s’est en partie conformée à cette obligation en décembre 2023. En partie, parce qu’elle ne donne pas les bénéficiaires finaux de son plan de relance, mais liste essentiellement des opérateurs de l’État, soit différentes instances intermédiaires qui redistribuent les financements par la suite. On trouve ainsi, comme premiers bénéficiaires dans la liste française, l’Agence de services et de paiement, organisme qui centralise des versements pour la mise en place de politiques publiques, suivie de Bpifrance et de l’Agence nationale de l’habitat. Impossible pour l’heure d’obtenir des données sur les bénéficiaires finaux du plan, qui restent entre les mains de Bercy.

Lire aussi France relance : un plan opaque, un bilan impossible

Quelles sont les plus grosses lignes de dépense incluses dans le plan ?

Les dépenses dans le cadre du Ségur de la santé et celles dédiées à la rénovation énergétique sont bien en deçà de ce qui avait été annoncé.

À son lancement, ce sont les 20 milliards d’euros de baisse d’impôts de production qui devaient constituer la ligne de dépense la plus importante du plan de relance – et la promesse a été tenue. Ils étaient suivi des mesures en faveur de la sauvegarde de l’emploi (7,6 milliards d’euros), des investissements en santé dans le cadre du Ségur de la santé (6 milliards), des crédits versés en soutien aux collectivités territoriales (5,2 milliards) et au secteur ferroviaire (4,7 milliards), et des dépenses pour la rénovation énergétique des bâtiments publics (4 milliards). Fin novembre 2023, les dépenses dans le cadre du Ségur de la santé et celles dédiées à la rénovation énergétique sont bien en deçà de ce qui avait été annoncé.

Y a-t-il des programmes où les dépenses ont été supérieures à ce qui était prévu ?

Au fur et à mesure du temps, le plan a été recalibré, certaines mesures n’obtenant pas le succès escompté et d’autres nécessitant au contraire des investissements supplémentaires. L’augmentation la plus spectaculaire est celle du fonds dédié à l’aide à l’apprentissage et aux contrats de professionnalisation pour les jeunes, qui a nécessité 5,54 milliards d’euros en plus des 2,7 milliards initialement prévus - principalement parce que le dispositif, qui devait être financé en partie par le budget général, a été basculé entièrement sur le plan de relance.

Soutenez l’Observatoire

Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com’ du CAC 40.

Faites un don

Quelles sont, à l’inverse, les programmes où les dépenses annoncées ne se sont pas matérialisées ?

Plusieurs dispositifs présentent des niveaux de sous-dépense très importants. Le 4e Programme d’investissement d’avenir (PIA4), doté de 11 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance, n’a donné lieu qu’à 2,8 milliards de dépenses.

Pour le volet relance du Ségur de la santé, qui prévoyait 6 milliards d’euros d’investissements, les données ne sont aujourd’hui pas accessibles et le comité d’évaluation n’y a d’ailleurs pas eu accès. On sait seulement que 1,9 milliards d’euros sont venus abonder le budget des organismes de sécurité sociale, sans précision sur la nature des dépenses. Mais d’après une source au sein du comité d’évaluation, le ministère de l’Economie et des Finances n’aurait dépensé qu’une infime partie des financements.

D’après une source au sein du comité d’évaluation, le ministère de l’Economie et des Finances n’aurait dépensé qu’une infime partie des financements dédiés au Ségur de la Santé.

La rénovation énergétique des bâtiments publics (administrations, collectivités locales, lycées, infrastructures sportives) a donné lieu à 1,7 milliard d’euros de dépenses entre 2021 et 2022, contre 4 milliards initialement prévus, du fait de difficultés dans l’approvisionnement et la livraison de matières premières, de l’inflation et d’« une tendance structurelle à la sous-consommation observée sur l’ensemble des dotations de soutien à l’investissement », d’après les rapports budgétaires « plan de relance » pour ces deux années. Le comité d’évaluation du plan note que la baisse moyenne de la consommation énergétique des bâtiments rénovés serait de 42 % pour les projets des collectivités locales, 37 % pour ceux de l’État. Mais étant donné que ces rénovations ne concernent qu’une part très faible de l’immobilier public, elles sont « insuffisantes pour atteindre les objectifs fixés par la loi Elan de -40 % à l’horizon 2030 sur l’ensemble du parc tertiaire ». Le projet de loi de finances 2024 prévoit d’investir encore 374 millions d’euros dans la rénovation énergétique des bâtiments de l’État, 296 millions dans celle des collectivités territoriales.

D’autres dispositifs ont également été revus à la baisse. Celui dédié à l’activité partielle a par exemple été réduit de 2 milliards, la reprise de l’activité économique post-Covid rendant ce dispositif caduc.

Sait-on quelle proportion du plan de relance a bénéficié directement aux entreprises ?

Au moins 29,5 milliards d’euros ont bénéficié directement aux entreprises, soit un peu plus de 40 % des 72,8 milliards dépensés dans le plan de relance. Seuls 525,9 millions d’euros sont directement fléchés vers les TPE, PME et ETI, principalement pour leur rénovation énergétique et leur numérisation. Pour le reste, il n’est pas possible de déterminer si les financements ont bénéficié aux petites, moyennes ou grandes entreprises. Des données concernant la répartition du nombre de projets industriels et des aides de l’État pour chaque type d’entreprise devaient être disponibles via une plate-forme créée par la direction générale des entreprises. Ces données ne sont plus actualisées depuis avril 2022 et donnent uniquement une répartition en fonction du nombre de projets soutenus, et pas en fonction du montant des aides versées par l’État.

La proportion des dépenses de relance qui ont bénéficié exclusivement ou en grande partie aux entreprises dépasse les deux tiers des sommes décaissées.

À ces mesures de soutien direct au secteur privé, il faut ajouter 17,7 milliards d’aides à l’emploi, comme les subventions pour l’embauche de jeunes et d’apprentis, largement critiquées pour avoir créé un effet d’aubaine pour les entreprises. Et sans doute aussi les aides à l’achat (voitures électriques, rénovations), qui ont profité à la fois aux fournisseurs des produits et services concernés et aux ménages les plus aisés. À ce compte, la proportion des dépenses de relance qui ont bénéficié exclusivement ou en grande partie aux entreprises dépasse dès lors les deux tiers des sommes décaissées.

Le plan de relance a-t-il permis de renforcer les services publics ?

Ce plan de relance s’inscrit dans le schéma classique de transformation de la société via le tissu productif et les aides individuelles aux entreprises. Il n’y a rien sur les services publics en général.

Un peu plus de 5 milliards d’euros ont été dépensés dans le cadre du plan de relance en faveur des services publics, soit environ 7 % du total décaissé fin novembre 2023. Les 4,1 milliards versés pour la recapitalisation de la SNCF forment la plus grosse partie de cette enveloppe, qui inclut aussi des mesures en faveur de la formation des jeunes, de la mise à niveau numérique de l’État, du développement de « mobilités douces » ou encore de la rénovation de réseaux d’eau et de stations d’assainissement. « C’est là que le bât blesse dans ce plan de relance, regrette Nadine Levratto, économiste et directrice de recherche au CNRS à l’unité de sciences économiques « EconomiX ». Il s’inscrit dans le schéma classique de transformation de la société via le tissu productif et les aides individuelles aux entreprises. Il n’y a rien sur les services publics en général, hormis les mesures en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui sont appréhendées à travers les relations avec les entreprises. Or, quand on regarde les déterminants de la croissance et de la localisation des entreprises, la qualité des services publics joue beaucoup. »

A-t-il au moins permis de renforcer notre système de santé ?

Avec un peu plus de 6 milliards d’euros prévus pour la santé, le plan de relance est sous-calibré pour répondre à la crise structurelle de notre système de santé. Alors que les dépenses d’investissement des hôpitaux ont été réduites de 20 milliards d’euros entre 2009 et 2019, le plan de relance prévoyait une enveloppe de 2,5 milliards d’euros pour investir dans ces établissements. Pour les Ehpad, qui nécessitent 15 milliards d’euros d’investissement sur dix ans, le plan de relance devait mettre 1,5 milliard d’euros sur la table. Trois ans plus tard, seuls 395 millions d’euros ont été investis pour les « investissements du quotidien ». Pour le reste, les données ne sont toujours pas communiquées. Aucune réponse n’est apportée au manque d’attractivité des professions sanitaires et sociales, ni à la dégradation des conditions de travail dans ces secteurs.

Lire aussi La santé, grande oubliée du plan de relance

Le plan de relance a-t-il bénéficié aux travailleurs et aux populations les plus vulnérables, notamment les « premières lignes » dont on a tant parlé durant la pandémie ?

Alors que la crise sanitaire a mis en lumière la dureté des conditions de travail des « premières lignes », le plan de relance ne contient aucune mesure spécifique sur ce sujet. Globalement, les aides aux ménages ne représentent qu’une portion marginale des dépenses. Tout juste peut-on espérer que certaines parties des sommes dédiées au secteur agricole ou à celui des transports, en plus des fonds pour la santé, bénéficieront aux travailleurs et travailleuses de ces secteurs.

Le plan de relance a-t-il été aussi vert que promis ? A-t-il contribué à une transformation écologique de l’économie française ?

D’après les données du comité d’évaluation, 21 milliards d’euros auraient été utilisés pour le volet Écologie à fin novembre 2023, soit 71 % de l’objectif annoncé (30 milliards). Mais en examinant les dépenses de chacune des mesures pour ce programme, listées dans le dossier de presse de septembre 2020, nous parvenons à un calcul différent : nous n’avons pu flécher [1] que 15,24 milliards d’euros dépensés dans le volet Écologie. Plus de 8,8 milliards ont été payés dans la mission budgétaire « plan de relance », auxquels on peut ajouter les 2,3 milliards de Bpifrance pour ses prêts garantis « verts » et 4,1 milliards pour la recapitalisation de la SNCF.

Le plan de relance a été conçu dans l’urgence, pour des entreprises qui avaient des projets à court terme de croissance ou de maintien d’activité, alors que les questions de transition écologique demandent des stratégies à moyen terme, des réflexions complexes et une étroite interconnexion entre de multiples secteurs économiques.

Il convient de noter que le volet Écologie tel que défini lors du lancement du plan comporte des investissements pour développer l’hydrogène vert (2 milliards prévus, 284 millions dépensés hors PIA4) et des mesures de soutien aux filières nucléaire, aéronautique et automobile (2,8 milliards prévus, 387 millions dépensés hors PIA4), dont la contribution effective à la transition écologique est sujette à caution.

Pour le député socialiste de Meurthe-et-Moselle Dominique Potier, qui a notamment participé à la conférence « Climat : où en est le plan de relance ? » organisée en mai 2021 à l’Assemblée nationale, la sous-consommation du volet Écologie résulte de l’inadaptation du plan de relance aux enjeux environnementaux : « Il a été conçu dans l’urgence, pour des entreprises qui avaient des projets à court terme de croissance ou de maintien d’activité, alors que les questions de transition écologique demandent des stratégies à moyen terme, des réflexions complexes et une étroite interconnexion entre de multiples secteurs économiques. Bien sûr, il y a des mesures intéressantes dans le plan de relance. Il a été un booster, mais il n’est pas à la hauteur pour répondre aux attentes de la transition écologique. »

D’un point de vue strictement économique au moins, le plan de relance a-t-il été efficace ?

Le rebond était celui auquel on pouvait s’attendre, le plan de relance a pu y contribuer mais sans lui, cela n’aurait pas été radicalement différent en terme quantitatif.

Le plan de relance avait deux objectifs de court terme : retrouver avant l’été 2022 le niveau de PIB d’avant-crise et faire baisser le chômage dès 2021 par rapport à l’été 2020. Ces deux cibles ont été atteintes plus vite que prévu d’après l’Insee. À la fin du 3e trimestre 2021, la France avait déjà retrouvé son niveau d’activité d’avant-crise, avec une croissance de +0,2 % par rapport au 4e trimestre 2019. Fin 2021, le taux de chômage s’élevait à 7,4 % de la population active, soit 0,8 points de moins que deux ans plus tôt. Mais dans son rapport final, le comité d’évaluation précise que la contribution du plan de relance à la reprise de l’activité est « très minoritaire par rapport à l’effet rebond notamment généré par la levée des restrictions sanitaires ». Une analyse partagée par Nadine Levratto : « Le rebond était celui auquel on pouvait s’attendre, le plan de relance a pu y contribuer mais sans lui, cela n’aurait pas été radicalement différent en terme quantitatif. La différence peut se poser en terme qualitatif, par rapport à la nature et au contenu des projets portés. Mais évaluer ces effets-là prendra plus de temps. » Difficile aussi de retrancher d’éventuels effets d’aubaine, avec des dépenses qui auraient été effectuées dans tous les cas, avec ou sans plan de relance.

L’argent du plan de relance venait-il de l’Union européenne ? Y avait-il des conditions ?

Le plan de relance français présenté à la Commission européenne incluait, comme « jalon », la réforme de l’assurance-chômage de 2021.

Une partie du plan de relance français est financée sur fonds européens. Pour soutenir les États membres face à la crise sanitaire, l’Union européenne a en effet lancé en juillet 2020 un plan de relance européen nommé « Next Generation EU » (NGEU). Les 27 pays de l’UE ont ainsi pu bénéficier de subventions ou de prêts, après avoir présenté à la Commission européenne un plan national de relance et de résilience (PNRR) dans lequel ils détaillaient les mesures qu’ils souhaitaient voir financer et qu’ils s’engageaient à mettre en œuvre d’ici fin 2026. Les PNRR devaient inclure au moins 37 % d’investissements en faveur de la transition climatique et 20 % en faveur de la transition numérique. Ils contiennent des cibles - des objectifs quantitatifs, par exemple pour la France 700 000 dossiers Ma Prime Rénov qui devaient être validés d’ici 2022 - et des jalons – des objectifs qualitatifs tels que l’entrée en vigueur de différentes mesures de la réforme de l’assurance-chômage de 2021- à atteindre chaque année et qui conditionnent les versements des crédits européens. La réforme des retraites votée en début d’année est mentionnée dans le plan de relance français, mais n’était pas un jalon formel comme celle de l’assurance-chômage.

Au final, sur les 100 milliards du plan France Relance, 40,3 doivent être financés par des subventions européennes. À l’heure actuelle, la France a reçu deux paiements de l’UE, pour un total de 23,4 milliards d’euros. Elle a déposé sa troisième demande de versement le 16 janvier 2024, pour 7,5 milliards d’euros, mais la Commission européenne et les États membres ne l’ont pas encore évaluée.

Y a-t-il un lien entre le plan de relance et le retour actuel à l’austérité budgétaire ?

Entre 2021 et 2023, le déficit public est passé de 6,6 % à 5,5 % du PIB. La dette publique a quant à elle franchi le seuil des 3000 milliards d’euros en valeur absolue, soit 111,7 % du PIB. Elle était de 2671,6 milliards d’euros - 114,8 % du PIB - au 3e trimestre 2020, lors de la présentation de France relance. Les 73 milliards de dépenses dans le cadre de France Relance n’ont que très peu contribué à cette augmentation en valeur absolue.

Le 2 septembre 2020, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire déclarait que « le rétablissement des finances publiques passe après la relance économique ». Il fixait alors 2025 comme ligne de mire : « Je souhaite que la dette publique française baisse à partir de 2025, mais jusque-là, nous aurons 120 % de dette publique. » L’Union européenne s’était placée à peu près dans la même optique en suspendant le pacte de stabilité européen, qui contraint les États membres à adopter des restrictions budgétaires ou des réformes pour que leur déficit ne dépasse pas 3 % du PIB et que leur dette soit inférieure à 60 % du PIB. C’est surtout le rétablissement de ce pacte, le 20 décembre 2023, qui a signé la fin d’une parenthèse… et le début de l’austérité.

Le plan de relance illustre la pratique typique du néolibéralisme en crise, avec les finances publiques qui viennent à la rescousse des acteurs privés, sans aucune contrepartie. Mais derrière, il faut rembourser tout cet argent, donc on serre la vis.

Le 19 février dernier, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics, ont donc annoncé un plan d’austérité de 10 milliards d’euros. Secteur le plus touché : l’écologie, avec 2,13 milliards d’euros de crédits annulés, dont des financements pour MaPrimeRénov’, pour le chèque énergie et pour les aides à l’achat de véhicules propres. Le budget de l’Éducation nationale perd 691 millions d’euros, celui de la recherche et de l’enseignement supérieur 904 millions. L’enveloppe de l’aide à l’accès au logement se voit amputée de de 300 millions d’euros, celle pour des mesures en faveur de l’urbanisme, des territoires et de l’amélioration de l’habitat de 358 millions d’euros. Pour la santé, c’est 70 millions en moins.

Difficile de ne pas mettre en parallèle les milliards d’euros versés pour la relance et l’austérité budgétaire qui s’annonce. Pour le député (LFI) du Val-d’Oise Arnaud Le Gall, qui faisait partie du comité d’évaluation mais qui s’est désolidarisé des conclusions apportées dans le rapport final de janvier 2024, le lien entre les deux ne fait aucun doute : « Le plan de relance illustre la pratique typique du néolibéralisme en crise, avec les finances publiques qui viennent à la rescousse des acteurs privés, sans aucune contrepartie. Mais derrière, il faut rembourser tout cet argent, donc on resserre la vis au moment où au contraire il faudrait continuer à soutenir, ce qui risque d’annuler les quelques effets bénéfiques de France Relance. »

Les grands perdants de l’austérité risquent bien d’être les services publics et l’écologie : ce sont les domaines qui ont le moins bénéficié du plan de relance dont les budgets sont les plus diminués dans le plan d’austérité.

Pauline Gensel

Boîte Noire

Infographies : Christophe Andrieu
Photo de une : ActuaLitté cc by-sa
Cette enquête a été réalisée dans le cadre d’un projet commun avec des partenaires belges et espagnols du réseau ENCO, qui donnera lieu à une publication spécifique dans quelques semaines.

Notes

[1Nous avons écarté les 2,8 milliards du PIA, qui contient à la fois des dépenses pour le volet « Cohésion » et pour le volet « Ecologie », sans que l’on sache dans quelle proportion. Nous avons également mis de côté une partie de l’axe « Autres vecteurs budgétaires » du plan de relance, pour laquelle le détail n’est là encore pas disponible. En tout, ce sont donc 12,1 milliards d’euros de dépenses que nous ne pouvons pas flécher vers l’un des trois volets du plan. Et même si l’ensemble de ces 12,1 milliards d’euros correspondaient en réalité au volet Écologie – ce qui est peu probable – nous obtiendrions 27,34 milliards d’euros pour cet axe, et non les 30 donnés par la direction du budget au comité d’évaluation. Les services de Bercy n’ont pas répondu à nos demandes d’éclaircissements sur ce point.


Articles liés à cette publication


Alerter. Informer. Rouvrir les possibles.
L’Observatoire a besoin du soutien de ses lecteurs !

0
2 889 €
30 000 €

Objectif 30000 € d’ici la fin de l’année.

Je fais un don !

Les publications de l’Observatoire

L’Observatoire est à votre écoute

  • Besoin d’éclaircissements ?
  • Une question ?
  • Une information à partager ?
Contactez-nous