Pourquoi l’UE continue-t-elle à construire de nouveaux gazoducs et des terminaux GNL inutiles ? Qui les encourage et qui en profite ?
Les entreprises à l’origine du réseau européen de transport de gaz sont rarement connues du grand public, mais leurs lobbyistes sont pourtant au cœur de notre système politique. Ils réalisent des profits en construisant et en exploitant des gazoducs et d’autres projets d’infrastructures gazières, et ils veulent désespérément nous garder accros au gaz fossile, malgré la science climatique et une opposition locale généralisée.
Nous nous intéressons à quatre des plus grands gestionnaires de réseaux de gaz d’Europe : Enagás (Espagne), Fluxys (Belgique), GRTgaz (France) et Snam (Italie), et tentons de répondre à quelques questions clés : Quelles infrastructures détiennent-ils et quelles sont leurs filiales ? Qui sont leurs PDG et qui siège à leur conseil d’administration ? Combien de bénéfices réalisent-ils et qui sont les actionnaires qui les empochent ? Quel est leur pouvoir de lobbying et qui paient-ils pour influencer les décisions ?
Notre carte permet non seulement de visualiser leurs gazoducs et terminaux, mais répond aussi graphiquement à plusieurs de ces questions. Les quatre profils d’entreprises, ainsi que des études de cas sur certains de leurs projets controversés, se trouvent en fin d’article.
Il s’agit de questions cruciales car, ensemble, ces « gestionnaires de réseau de transport » (GRT) de gaz mal connus possèdent suffisamment de kilomètres de gazoducs pour faire le tour du monde deux fois et demie, et veulent en construire encore davantage, y compris des projets controversés comme le Trans Adriatic Pipeline (TAP). Ils auront une influence clé sur la manière dont l’Europe choisira de répondre, ou non, à l’urgence climatique, mais aussi sur comment, et par qui, ces réponses seront financées. Il ne faut pas les ignorer.
Télécharger le document « Qui contrôle tous les gazoducs ? » en français, anglais, espagnol, italien ou flamand. Cet article, ainsi que la carte, sont issus d’un projet de recherche international du Réseau européen des observatoires d’entreprises (ENCO) mis en oeuvre par Corporate Europe Observatory (CEO), Re:Common, Observatori del deute en la globalització (ODG), l’Observatoire des multinationales et le Gresea. |
Les plus grandes entreprises de gaz dont vous n’avez jamais entendu parler
Enagás (Espagne), Fluxys (Belgique), GRTgaz (France) et Snam (Italie) sont les quatre plus grands transporteurs de gaz (GRT) d’Europe, possédant des infrastructures sur le continent et au-delà. Ensemble, ils détiennent plus de la moitié des terminaux GNL de l’UE et plus de 100 000 km de gazoducs, et ce n’est pas fini : 6200 km de gazoducs et au moins un autre terminal méthanier sont en construction.
Tous les quatre sont gérés comme des sociétés privées, bien qu’ils soient partiellement contrôlés par des États (voir plus loin). Ensemble, ils ont réalisé un bénéfice de plus de 2 milliards d’euros en 2018, dont près des trois quarts ont été versés en dividendes à des actionnaires tels que les fonds d’investissement BlackRock (GRTgaz et Snam) et Lazard (Enagás et Snam).
Ces entreprises peu connues n’ont pas le profil public de Shell, Total ou BP, mais sont tout aussi influentes pour maintenir l’Europe dans sa dépendance au gaz. L’année dernière, ces quatre firmes ont dépensé jusqu’à 900 000 euros en lobbying auprès des instances européennes, employant un total de 14 lobbyistes. Selon le registre de transparence de l’UE, ils ont réussi à obtenir près de 50 réunions avec des hauts responsables de la Commission européenne pour discuter de leurs derniers projets de gazoducs ou de rachats.
En plus de leurs propres activités de lobbying, les quatre entreprises ont investi dans un vaste réseau de groupes de pression rémunérés pour faire avancer leurs objectifs. Il s’agit notamment de l’association professionnelle Gas Infrastructure Europe (GIE), qui fait partie d’un certain nombre de groupes consultatifs influents de la Commission. Marco Alverà, PDG de Snam, est bien placé pour s’assurer que tous les groupes suivent la ligne de conduite fixée. Il est actuellement président de l’association bruxelloise GasNaturally, qui compte le GIE parmi ses membres, et était auparavant vice-président d’Eurogas, un autre membre de GasNaturally.
Additionnez les dépenses d’Enagás, Fluxys, GRTgaz et Snam avec celles de leurs huit principaux groupes de pression, et vous atteignez plus de 3 millions d’euros en 2018, avec 50 lobbyistes à leur disposition. Une influence à ne pas sous-estimer sur la définition de la politique gazière européenne. Cependant, leur canal de lobbying le plus important a été créé par l’UE elle-même.
L’industrie prend les devants sur les plans de l’UE en matière de gaz
L’UE a créé son propre groupe de pression interne composé de gestionnaires de réseaux de transport de gaz, appelé « Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport de gaz », REGRT-G (ou ENTSO-G en anglais). Il compte Enagás, Fluxys, GRTgaz et Snam parmi ses membres. Bien que composé exclusivement d’entreprises gazières, l’UE a chargé le groupe de fournir des projections de la demande future de gaz en Europe, qu’elle surestime constamment. L’UE demande ensuite au REGRT-G de lui fournir une liste de projets d’infrastructure pour répondre à la demande prévue. Après avoir été approuvée par les gouvernements, cette liste devient la liste officielle des « projets d’intérêt commun » (PCI), que les membres du REGRT-G établissent ensuite avec le soutien financier et politique de l’UE. 1,3 milliard d’euros de fonds publics ont déjà été consacrés à des projets tels que MidCat, le Trans Adriatic Pipeline (TAP) et les terminaux GNL de Fluxys. La quatrième liste des PCI sera finalisée d’ici fin 2019, avec plus d’une centaine de nouveaux projets gaziers actuellement inclus, malgré la nécessité d’éliminer complètement le gaz fossile.
Le gaz - une fausse solution Le gaz fossile est un désastre pour les communautés et leur environnement, qui sont affectés partout où il est foré ou transporté. C’est aussi un désastre pour le climat. Le gaz dit "naturel" est composé de méthane, qui est plus de 100 fois plus puissant que le CO2 sur une période de dix ans. De grandes quantités de gaz s’échappent dans l’atmosphère pendant le forage et le transport (en particulier en cas de recours à la fracturation hydraulique), rendant le gaz aussi mauvais pour le climat que le charbon, voire pire. |
Des entreprises à capitaux publics capturées par les intérêts privés
Toutes ces entreprises sont issues d’anciens monopoles nationaux détenus par l’État et conservent un certain niveau de propriété publique. Enagás n’appartient qu’à 5 % à l’État espagnol, mais avec un droit de veto. L’actionnaire majoritaire de Snam est CDP Reti, qui est contrôlée par une institution financière publique italienne (avec la filiale d’une société publique chinoise). Fluxys est détenue à 75% par Publigaz, une holding intercommunale. GRTgaz est détenu à 75 % par le géant de l’énergie Engie (lui-même toujours détenu à 24 % par l’Etat français) et à 25 % par un établissement financier public.
La proximité de ces entreprises avec les dirigeants politiques et les hauts fonctionnaires de leur pays est évidente lorsqu’on regarde leurs conseils d’administration et leur direction. Enagás, qui a longtemps été un refuge pour les politiciens de tous bords, a maintenant un ancien député européen conservateur comme patron, qui est aussi le fils d’un ancien ministre. Le président de son conseil d’administration est un ancien ministre socialiste. Le président de Fluxys a été maire de Gand jusqu’en 2019. Le patron de GRTgaz est un ancien haut fonctionnaire chargé de la régulation du secteur gazier. Les « portes tournantes » entre public et privé fonctionnent à plein régime.
Malheureusement, cette forte présence publique ne signifie pas que les entreprises désormais largement privées sont gérées dans un souci d’intérêt général ; au contraire, cela signifie que les organismes publics actionnaires ont été capturés par des intérêts privés, qui sont d’autant plus influents en raison de leurs connivences politiques. Lorsqu’ils ont besoin d’autorisations spéciales et d’un soutien de l’État pour réprimer la résistance à leurs projets controversés, comme le TAP en Italie du Sud, le gouvernement est là pour les aider. Tout comme il est prêt à les renflouer aux dépens du public lorsqu’un de leurs projets favoris échoue de manière spectaculaire, comme ce fut le cas avec le projet Castor en Espagne pour Enagás (voir encadrés sur TAP et Castor).
Partager le gâteau et l’agrandir
GRTgaz est probablement celui des quatre qui est encore le plus proche de son ancien statut de service public, mais cela est sur le point de changer. Le gouvernement français a adopté en 2019 une loi qui autorise de nombreuses privatisations, dont 49,9 % de GRTgaz. Ceci est justifié comme un moyen de l’aider à se développer au-delà de ses frontières et à devenir un « champion européen ». GRTgaz, déjà propriétaire de gazoducs en Allemagne, a tenté en 2017 de racheter sans succès DEFSA, le gestionnaire du réseau de transport de gaz grec, qui a finalement été racheté par un consortium composé d’Enagás, Snam et Fluxys. Il serait en pourparlers avec Open Grid Europe, un GRT détenu par le fonds d’investissement australien Macquarie, qui possède également des infrastructures gazières en Allemagne.
C’est un processus que nous avons déjà vu dans de nombreux secteurs, des télécommunications aux services postaux et aux trains. Les entreprises publiques nationales ont été privatisées, parfois démantelées, fusionnées avec leurs homologues étrangers, pour devenir progressivement une poignée d’entreprises géantes qui dominent le marché communautaire et exercent une influence considérable sur le processus décisionnel européen. Il ne s’agit pas ici de « saine » concurrence, mais bien pour les firmes gérant les réseaux de se partager le gâteau, en coordonnant leurs efforts à Bruxelles pour le faire grandir encore, avec un soutien toujours plus important aux nouvelles infrastructures gazières sur tout le continent.
Il n’est donc pas surprenant de voir ces nouveaux géants gaziers s’associer à des projets controversés tels que le Trans Adriatic Pipeline (TAP) ou MidCat (voir encadrés), ou racheter les entreprises nationales restantes telles que DEFSA. Nos quatre géants européens des gazoducs possèdent désormais des actifs non seulement en Italie, en Espagne, en France et en Belgique, leurs pays d’origine, mais aussi au Royaume-Uni, en Allemagne, en Grèce, en Autriche, aux Pays-Bas, en Albanie et en Suisse. Ensuite, ils se tournent vers les marchés hors d’Europe. Enagás, en particulier, est déjà présent au Pérou et au Mexique.
La frénésie d’infrastructures gazières qui apporte des millions aux marchés financiers
Alors que ces « 4 grands » du transport de gaz naturel plaident pour plus de gazoducs et de terminaux GNL au détriment du climat et des communautés, les ex-hommes politiques et dirigeants d’entreprises ne sont pas les seuls à en tirer profit. Leurs autres actionnaires, en dehors des gouvernements, sont de grands investisseurs institutionnels, toujours friands de ce type d’actif peu risqué et dont les revenus sont garantis. Il peut s’agir de fonds de Wall Street tels que BlackRock (qui détient une participation significative dans la société mère de GRTgaz, Engie, et dans Snam), Lazard (Snam et Enagás) ou Goldman Sachs (Enagás). Il peut s’agir de caisses de retraite comme la Caisse de dépôt et placement du Québec (Fluxys). Parfois, on retrouve des fonds souverains, comme le GIC de Singapour, qui détient plus de 30 % de Terega, une filiale française de Snam.
Ils ont tous un point commun : ils aiment que les entreprises réalisent des dividendes. En 2018, GRTgaz, Enagás, Snam et Fluxys ont transféré collectivement les trois quarts de leurs 2 milliards d’euros de bénéfices directement dans les poches des actionnaires. Fluxys a donné encore plus qu’elle n’avait réalisé de bénéfices, distribuant des liquidités supplémentaires provenant des réserves libérées, de sorte que les dividendes s’élevaient à 160 % des bénéfices.
Retarder la transition énergétique
La pression exercée sur les plus grands GRT européens pour maximiser les dividendes peut également poser des problèmes lorsqu’ils tentent de transformer notre système énergétique en réponse à l’urgence climatique. Laisser les combustibles fossiles comme le gaz dans le sol réduirait sérieusement les profits des entreprises et, par conséquent, les dividendes des actionnaires. Ainsi, au lieu de discuter de la façon de gérer le déclin nécessaire de la production de combustibles fossiles, de démanteler les infrastructures et d’assurer une transition juste pour les travailleurs, les quatre grands GRT cherchent de nouvelles excuses pour continuer à utiliser leurs infrastructures. Ils proposent des solutions technologiques embryonnaires comme le prétendu « gaz renouvelable » ou parient sur une technologie coûteuse et expérimentale de captage et stockage du carbone (CCS).
Tous les quatre exercent un lobbying agressif pour nous faire croire que ces fausses solutions « décarboneront » le gaz d’ici 2050. À long terme, ils affirment que cela permettrait à l’industrie d’atteindre les objectifs climatiques de l’UE, mais plus important encore, à court et moyen terme, cela leur permettrait de maintenir leurs activités tandis que nous continuerons à utiliser le gaz fossile dans l’attente d’une technologie salvatrice. Ces distractions dangereuses sont même utilisées pour justifier la construction de davantage d’infrastructures de combustibles fossiles financées par l’État. Cependant, sans gaz « décarboné » en vue, la pression des actionnaires implique que toute nouvelle infrastructure gazière construite aujourd’hui sera encore en service d’ici 2050, et basée sur le bon vieux gaz fossile. Dans le cas contraire, les actionnaires obtiendront-ils une compensation financière des pouvoirs publics ?
Imaginez que nous décidions de nous éloigner du gaz, qui va payer pour cela ? La pression des actionnaires signifie qu’il est peu probable que les entreprises en supportent les coûts elles-mêmes. En Espagne, Enagás a déjà répercuté sur les usagers le coût de plusieurs milliards d’euros de la fermeture prématurée d’une installation de stockage de gaz offshore (voir l’étude de cas Castor). Ailleurs, le gouvernement néerlandais est poursuivi par Uniper (anciennement E.ON) pour avoir tenté d’éliminer progressivement le charbon. L’entreprise énergétique allemande et ses investisseurs réclament des compensations au titre du dangereux "Traité sur la charte de l’énergie" pour la perte de bénéfices potentiels. Malheureusement, ce n’est pas le seul cas. Le rôle croissant des fonds d’investissement dans les entreprises européennes de transport de gaz et leur aptitude à protéger leurs investissements constituent un obstacle sur la voie d’une transition équitable au-delà des combustibles fossiles. Elle prive les travailleurs, les collectivités et les décideurs du contrôle démocratique au moment où ils en ont le plus besoin. Si nous voulons que ces entreprises n’aient pas de « public » que le nom, nous devons inverser la tendance à la privatisation et démocratiser les entreprises de transport de gaz afin qu’elles soient également « publiques » dans leur comportement et vis-à-vis des populations.
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Le projet Castor Le projet Castor est la plus grande usine de stockage de gaz d’Espagne, construite dans un ancien champ pétrolier à 22 km de la côte de Castellón, près de Valence. Il a été affirmé à l’époque que l’Espagne avait besoin de plus de stockage pour des raisons de sécurité énergétique (une allégation démentie par la suite), mais après le démarrage des activités de pré-exploitation en 2013, le projet de plusieurs milliards d’euros a été arrêté après avoir provoqué plus de 1000 tremblements de terre atteignant 4,2 sur l’échelle de Richter. Un an plus tard, l’entreprise de construction à l’origine du projet, ACS (propriété du président du Real Madrid, Florentino Pérez Rodríguez), a abandonné la concession. Cependant, les coûts ont été répercutés par Enagás sur les Espagnols par le biais de leurs factures de gaz. Cette situation s’explique par une clause controversée incluse dans la concession initiale, qui a permis à ACS d’obtenir une compensation de 1,35 milliard d’euros. Enagás, agissant au nom de l’État, a repris la concession qui avait échoué, ainsi que la dette pour la compensation et les frais d’entretien. En incluant les intérêts, le coût total s’élève à 3,3 milliards d’euros. Cette affaire d’entreprises à but lucratif subventionnées par l’État est contestée par des groupes sous la bannière "Caso Castor". Ils poursuivent les politiciens et les PDG concernés devant les tribunaux. |
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Zeebrugge et Dunkerque Fluxys exploite deux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), Dunkerque en France et Zeebrugge en Belgique. Tous deux sont des plaques tournantes importantes pour l’approvisionnement du Nord-Ouest de l’Europe et sont devenus, aux côtés des terminaux appartenant à GRTgaz, Enagás et à d’autres, des facilitateurs clés pour les nouveaux développements gaziers controversés aux États-Unis et en Russie. Zeebrugge et Dunkerque comptent parmi les principaux ports d’escale des méthaniers de la région arctique de Russie depuis la mise en service du projet gazier de Yamal fin 2017. Yamal LNG participe à l’ouverture d’une nouvelle « frontière gazière » dans l’Arctique russe, qui pourrait à la fois faire des ravages dans une région déjà fragilisée par le changement climatique et entraîner d’énormes émissions de gaz à effet de serre. Fluxys est tout aussi heureux de faire affaire avec le rival géopolitique de la Russie, les États-Unis. Pour rendre le gaz de schiste économiquement viable, l’industrie doit trouver des marchés d’exportation, et l’Europe est un objectif clé. Les importations de gaz de schiste en provenance des États-Unis ont commencé en 2016 au Portugal et ont augmenté en 2018, y compris à Dunkerque. Cela conduit à son tour à l’extension de la fracturation hydraulique aux États-Unis, avec ses effets dévastateurs sur l’environnement et la santé. |
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MidCat Le projet MidCat était à l’origine un gazoduc reliant la Catalogne, dans le nord de l’Espagne, au sud-est de la France. Lancé en 2011, son objectif était de doubler la capacité de transport de gaz de l’Espagne vers la France et d’accroître la "sécurité énergétique" de l’Union européenne. Avec le ferme soutien du Commissaire Miguel Arias Cañete, la Commission européenne l’a incluse dans sa liste de "projets d’intérêt commun" (PIC) en 2015 et 2017, ce qui lui a donné un statut prioritaire et un fort soutien financier et politique. Le projet MidCat s’est transformé en un vaste réseau de transport de gaz des deux côtés de la frontière, comprenant 1 250 km de nouveau gazoduc, dont le controversé projet Eridan en France. Soutenu par Enagás en Espagne, Terega (détenue à 40,5 % par Snam) et GRTgaz en France, ce projet de 3,1 milliards d’euros devrait entraîner des destructions sociales, environnementales et climatiques. La section d’origine a été rebaptisée STEP (South Transit East Pyrenees). Les travaux devaient reprendre en 2019, mais une analyse coûts-bénéfices commandée puis enterrée par l’UE a jeté le doute sur la viabilité et la nécessité financières de MidCat. L’opposition au projet ne cessant de croître, les régulateurs de l’énergie en France et en Espagne ont refusé, en janvier 2019, de donner leur accord et de le financer. Cependant, la commissaire européenne Cañete (qui est proche d’Enagás - voir le profil de l’entreprise), continue à promouvoir le projet et il pourrait encore être inclus dans la liste PCI 2019. |
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Trans Adriatic Pipeline (TAP) Le gazoduc transadriatique (Trans Adriatic Pipeline ou TAP) est la dernière section du corridor gazier sud (CGS), un gazoduc de 3500 km reliant la mer Caspienne en Azerbaïdjan au sud de l’Italie, d’un coût de 45 milliards de dollars. Le TAP est censé passer de la Grèce à l’Albanie, sous la mer Adriatique, et arriver dans les Pouilles. Ses actionnaires actuels sont BP, Socar (société d’État azerbaïdjanaise du gaz), Snam, Fluxys, Enagás et la société suisse Axpo. La société est enregistrée à Zoug, le canton suisse le plus secret. Le projet initial a été élaboré par une société contrôlée par Axpo dont le PDG aurait été lié à une affaire de blanchiment pour une organisation criminelle italienne. Le TAP et le CGS sont tous deux des "projets d’intérêt commun", jugés stratégiques par la Commission européenne. Le TAP a été choisi en juin 2013, dans un contexte de lobbying agressif et de corruption présumée de l’Azerbaïdjan au Conseil de l’Europe, où un rapport mettant en lumière les violations des droits de l’homme dans le pays a été rejeté sans vergogne. Au départ, le TAP était présenté comme un "projet du secteur privé". Toutefois, le financement public de l’UE pourrait couvrir jusqu’à un tiers des coûts totaux. En 2018, la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et un certain nombre de banques privées ont approuvé des prêts pour un montant de 2,7 milliards d’euros, malgré l’opposition en Italie, en Albanie et en Grèce. Des évaluations indépendantes ont également constaté que le projet n’était pas conforme aux normes internationales applicables aux institutions financières. En mars 2017, des milliers de policiers ont été envoyés en Italie pour assurer les travaux de construction, impliquant le déracinement de centaines d’oliviers, contre la résistance non-violente des habitants. Depuis lors, chaque nouvelle étape sur le chantier a fait l’objet d’une autorisation spéciale par décret gouvernemental et d’une présence policière importante. |
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