Notre rapport Think tanks : laboratoires d’influence montre que derrière l’apparence d’un « marché des idées » égalitaire et ouvert à tou·te·s, le monde des think tanks est profondément biaisé en faveur des acteurs disposant des moyens financiers les plus conséquents, à savoir les grandes entreprises. Cela vaut même pour des think tanks historiquement ancrés à gauche. Le rôle des thinks tanks s’est renforcé à mesure que les gouvernements réduisaient les crédits à la recherche publique et menaient des politiques de réduction du nombre des fonctionnaires, privant les administrations des compétences internes nécessaires pour mener leurs missions.
Les politiques de financement et de recrutement des think tanks et les liens privilégiés noués aussi bien avec les grands groupes qu’avec les responsables politiques en font des viviers de conflits d’intérêts. Les liens d’intérêts sont rarement explicités comme tels alors que les personnalités de think tanks sont cesse appelées à s’exprimer dans les médias ou dans des événements publics.
Pour les entreprises, les think tanks sont un outil de lobbying très spécifique qui permet d’influencer indirectement ou directement les décideurs principalement à travers le cadrage et le filtrage du débat public et médiatique : quels sujets seront débattus et feront la une des médias, sur quelles données on se basera, quelles questions seront posées, quelles options seront envisagées et lesquelles ne le seront pas... Cette influence est d’autant plus efficace qu’elle se cache derrière une apparence d’objectivité intellectuelle et de recherche de l’intérêt général.
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Faites un donLes think tanks, à travers les événements publics ou privés qu’ils organisent et directement à travers la composition de leurs organes de gouvernance, sont aussi des lieux d’entre-soi entre dirigeants publics et privés, ces derniers bénéficiant ainsi d’un accès privilégié aux décideurs·ses.
Pour toutes ces raisons, il semblerait normal que les think tanks soient soumis aux mêmes règles de transparence et de déontologie que la plupart des autres acteurs du lobbying et des structures d’expertise jouant un rôle dans les décisions publiques. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. La plupart des think tanks ne sont pas inscrits dans les registres de transparence du lobbying français et européens, et il n’y a pas d’obligations de transparence ni sur les liens financiers entre entreprises et think tanks, ni sur les liens d’intérêts des « expert·e·s » que ces derniers mobilisent.
La cerise sur le gâteau est qu’une grande partie du travail d’influence effectué par les think tanks est financé directement ou indirectement par le contribuable, à travers des subventions publiques ou à travers le crédit d’impôt mécénat qui permet aux entreprises de récupérer 60 % des dons qu’elles leur versent.