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07.12.2015 • COP21

Ces firmes spécialisées dans le lobbying et les relations publiques qui aident les gros pollueurs à verdir leur image

Défendre l’huile de palme, promouvoir le nucléaire, vanter les OGM ou le gaz de schiste... Aucune tâche ne semble rebuter le petit monde des cabinets de conseil en lobbying et en relations publiques. Ces firmes souvent peu connues jouent un rôle clé pour asseoir l’influence des grandes entreprises et des milieux d’affaires, à l’abri des regards et des mécanismes démocratiques. Un nouveau rapport du Corporate Europe Observatory lève le voile sur ces mercenaires de la communication et de l’influence, qui sont partout dans la COP21.

Publié le 7 décembre 2015 , par Olivier Petitjean

La Conférence climat bat son plein à Paris, avec, au-delà des négociations intergouvernementales proprement dites, son lot d’événements parallèles, de campagnes publicitaires, de salons commerciaux, de réceptions, de cocktails et de beaux discours. C’est dire combien l’événement constitue une fantastique manne financière pour le petit monde des cabinets de conseil en communication, en « événementiel » ou en lobbying (ou souvent les trois à la fois). Leur rôle croissant dans les COP illustre à sa manière le poids acquis par les milieux d’affaires sur les politiques climatiques internationales.

Edelman, Fleishman Hillard, gplus, Weber Shandwick, ESL & Network… Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui (disponible seulement en anglais), le Corporate Europe Observatory (CEO) lève le voile sur ces « mercenaires » de la communication, prêts à servir toutes les causes, ou presque [1]. Relativement peu connus du grand public, ils constituent des rouages essentiels de l’influence et du lobbying des entreprises : « Ils arrangent des cocktails avec des hommes politiques. Ils organisent des conférences publiques où ceux qui sont responsables de la crise climatique peuvent socialiser avec qui sont en charge de la résoudre. Ils forment les cadres dirigeants des entreprises sur les meilleurs moyens d’influencer les politiques européennes. Ils redorent l’image de produits environnementalement destructeurs avec des publicités sur papier glacé, bien éloignées de la réalité des glaciers qui fondent et des forêts vierges qui brûlent. »

C’est vers eux que se tournent les milieux d’affaires pour promouvoir la cause du gaz de schiste, défendre un produit ou un projet controversé, ou bien gérer un scandale, comme l’a fait Volkswagen après la révélation de ses tricheries massives sur la performance environnementale de ses voitures. Dans le cadre de la COP21, elles sont mises à contribution par les gros pollueurs pour élever un « écran de fumée » sur leur responsabilité véritable dans la crise climatique, reverdir leur image, et promouvoir les « fausses solutions » qui leur permettront de continuer à engranger des profits sans remettre véritablement en cause leurs pratiques.

Quand Havas fait la comm’ du nucléaire et de l’huile de palme

Certains de ces champions du lobbying et des relations publiques sont des français, comme Publicis ou Havas. Cette dernière est contrôlée par le groupe Bolloré, et son PDG est Yannick Bolloré, fils de Vincent. Havas conseille notamment Veolia ou EDF – mais aussi la Fondation Nicolas Hulot - sur leur communication dans le cadre de la COP21. L’agence est derrière les publicités controversées d’EDF sur son électricité « sans CO2 » car d’origine nucléaire, qui ont valu à l’entreprise un « prix Pinocchio du climat », trois plaintes devant le Jury de déontologie publicitaires et une autre devant le Tribunal de grande instance pour pratique commerciale trompeuse (lire notre article).

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Havas a aussi été récemment missionnée par le Conseil malaisien de l’huile de palme pour mener une offensive de charme en France et en Belgique, avec pour slogan « On dit tout et n’importe quoi sur l’huile de palme de Malaisie ». Site internet « éducatif », profils sur les réseaux sociaux, grand concours pour gagner un voyage en Malaisie : les gros moyens sont de sortie pour redorer le blason d’une industrie responsable d’une déforestation massive en Asie du Sud-est. La campagne conçue par Havas suit trois étudiants fictifs qui se rendent en Malaisie pour se rendre compte sur place du véritable impact de l’huile de palme, et qui découvrent des orangs-outans jouant en liberté dans une forêt vierge intacte... Au même moment, des feux de forêts gigantesques, dont l’industrie de l’huile de palme semble en partie responsable, ravageaient des milliers d’hectares de forêts en Indonésie – provoquant des émissions de gaz à effet de serre quotidiennes supérieures à celle des États-Unis ! - et détruisaient un tiers des habitats encore préservés des orangs-outans.

Autre exemple mis en avant par le Corporate Europe Observatory : Fleishman Hillard, l’une des principales firmes globales de relations publiques, avec un réseau de 111 bureaux dans le monde entier. Ses discrets locaux parisiens (photographiés ci-dessous à l’occasion d’un « lobby tour » organisé par l’Observatoire des multinationales avec Corporate Europe Observatory [2]) sont situés rue de la Bienfaisance, dans le VIIIe arrondissement. La firme compte parmi ses clients, entre autres, plusieurs géants du secteur bancaire et pétrolier (dont BNP Paribas et Total), ainsi que Monsanto, qui lui a donné pour mission de redorer l’image des OGM en Europe. Fleishman Hillard est notamment derrière la création de GasNaturally, le méga-lobby européen de l’industrie gazière, présidé par un dirigeant de Total (mais qui est en fait une coquille vide, puisque son adresse bruxelloise est la même que celle de Fleishman Hillard), grande promotrice du gaz de schiste et des subventions publiques au gazoducs et aux terminaux méthaniers.

La COP22 est mal partie

La prochaine conférence climat, la COP22, doit se tenir dans un an à Marrakech. On peut s’attendre à ce que les firmes françaises y soient à nouveau très présentes, en raison de leur poids économique au Maroc. La Conférence elle-même sera organisée par Agence Publics, une « une agence conseil en communication d’influence, communication globale et événementielle ». Agence Publics était notamment impliquée dans la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012 [3], la visite officielle de François Hollande au Qatar en 2013, ou encore le Business and Climate Summit de mai 2015 à Paris (aux côtés d’Havas), un grand événement de lobbying et de communication des multinationales en prélude à la COP21.

Agence Publics a aussi été récemment rachetée par ESL & Network, un autre cabinet français de consulting extrêmement influent, présent aussi bien à Paris qu’à Bruxelles. Le conseil stratégique d’ESL & Network est présidé par Michel Pébereau, ancien PDG et Président d’honneur de BNP Paribas, et inclut les présidents de Michelin et Sanofi, les PDG de Vinci, Orange et Casino, le directeur général de l’entreprise chimique Solvay et président du lobby européen de la chimie Cefic Jean-Pierre Clamadieu - promoteur infatigable du gaz de schiste -, ainsi qu’un dirigeant de Total, Philippe Boisseau. À son directoire siège Jean-David Levitte, ancien ambassadeur aux États-Unis et proche conseiller diplomatique de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. ESL & Network reste extrêmement discrète sur ses activités de lobbying, mais on sait, grâce aux maigres informations disponibles dans le registre de transparence du Parlement européen, que son principal client à Bruxelles n’est autre que… Total.

Si vous pensiez que la COP21 de Paris marque l’apogée du lobbying et du greenwashing des grandes entreprises polluantes, attendez donc Marrakech.

Olivier Petitjean
(Photo : Sophie Chapelle)

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Une : kr428 CC

Notes

[1Un certain nombre de grandes firmes de relations publiques se sont engagées, sous pression de la société civile, à ne plus travailler pour des climato-sceptiques notoires ou pour empêcher l’adoption de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais la mise en œuvre effective de ces promesses reste sujette à caution, la conception de ce qui relève du « climato-scepticisme » ou de l’obstruction à l’adoption de politiques climatiques ambitieuses pouvant être plus ou moins restrictive.

[2Le guide était David Lundy, de Corporate Europe Observatory.

[3Y compris dans ses problèmes de factures disparues : voir ici et .

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