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22.10.2015 • Influence

Conférence climat : les dessous de l’appel au « mécenat » des grandes entreprises

Pour financer la Conférence internationale sur le climat qui doit se tenir au Bourget en décembre, le gouvernement français a décidé de faire appel au mécénat du secteur privé. L’annonce des premiers sponsors officiels de la COP21, en mai dernier, avait suscité un tollé, dans la mesure où ils incluaient des entreprises lourdement investies dans le secteur du charbon, comme EDF et Engie. Des notes internes du secrétariat en charge de l’organisation de la COP, dont nous avons pu prendre connaissance, livrent davantage de détails sur les contributions réelles des entreprises et sur les difficultés du gouvernement à convaincre les sponsors potentiels.

Publié le 22 octobre 2015 , par Olivier Petitjean

Le gouvernement français s’est fixé l’objectif de voir 20% du budget de la COP21 assuré par le secteur privé, et il a lancé à cette fin il y a un an une grande campagne de recherche de « sponsors » privés. Seul le gouvernement polonais, il y a deux ans à Varsovie, avait ainsi fait appel à des entreprises pour financer la COP19. Mais ces sponsors avaient été choisis dans les secteurs les plus polluants (lire notre enquête), ce qui avait poussé la société civile dans son ensemble, syndicats et ONG, à quitter l’enceinte de la Conférence en signe de protestation.

La France allait-elle faire mieux ? L’annonce des premiers sponsors, en mai de cette année, a été largement dénoncée comme un nouvelle compromission avec certains des acteurs les moins « climato-compatibles » de l’économie. Ces mécènes incluaient en effet des entreprises particulièrement investies dans le charbon, reconnu comme la source d’énergie la plus nocive pour le climat, comme les deux géants français de l’énergie EDF et Engie (ex GDF Suez) ou la banque BNP Paribas. On y trouvait aussi des firmes représentant des secteurs polluants et réputés pour leur lobbying agressif contre toute régulation de leur impact sur le climat, comme Renault-Nissan et Air France (lire notre article).

Depuis, plusieurs nouveaux sponsors ont été annoncés sur le site officiel de la COP21, parmi lesquels Orange, Google, Sanofi, Aéroports de Paris ou encore Bolloré (initialement cité comme tel sur le site officiel de la COP21, mais rapidement changé en BlueSolutions, la filiale du groupe spécialisée dans les batteries pour voitures électriques). Les notes internes dont nous avons pu prendre connaissance livrent le nom d’autres sponsors qui n’ont pas encore été officiellement annoncés, comme la firme néerlandaise Philips ou encore le groupe japonais Mitsubishi. Ce dernier est certes un conglomérat extrêmement diversifié, mais il n’en reste pas moins l’un des leaders mondiaux de l’industrie du charbon, avec des réserves estimés à 4,7 milliards de tonnes de carbone par les Fossil Free Indexes.

Des contributions modestes et peu transparentes

Globalement, on constate que ce sont principalement des entreprises publiques ou parapubliques qui ont mis la main à la poche pour la COP21 : La Poste arrive de loin en tête des sponsors avec une contribution de 3 millions d’euros, devant le STIF (transports franciliens), Renault, puis ERDF et sa maison mère EDF. En bas de classement, les contributions de Puma (85 000 euros), Axa ou de Google, Accor et L’Oréal paraissent modestes à l’égard de la publicité qui leur est offerte. Au 30 juin 2015, on en arrivait péniblement à la somme totale de 17 millions d’euros apportés par le secteur privé ou semi-public à la COP21, soit à peu près 10% du budget affiché de l’événement.

La grande majorité des contributions des sponsors de la COP étant en nature, et les conventions n’ayant pas été rendues publiques malgré nos demandes répétées, difficile de savoir à quoi correspondent exactement ces montants (défiscalisés à 60%). Le Sedif (Syndicat des eaux d’Île-de-France, bras armé de Veolia) affiche ainsi une contribution de 800 000 euros, qui correspond (selon son site web) à la fourniture de « fontaines à eau reliées à son réseau de distribution » et de « gourdes écoresponsables ». Sanofi prendra partiellement à sa charge le dispositif médical au sein de la COP, pour un montant estimé à 250 000 euros. Quant à la contribution de Publicis (un sponsor encore non annoncé officiellement), il semble qu’elle consiste surtout en un travail de veille sur les réseaux sociaux pour identifier les critiques de la COP21...

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Le secteur privé rechigne à sponsoriser la COP

À la lecture des notes, on en apprend aussi davantage sur les difficultés des organisateurs de la COP à trouver des sponsors, ainsi que sur les lignes rouges qu’ils se sont fixées. Les secteurs économiques qui n’ont pas été sollicités incluent les entreprises pétrolières et chimiques, jugées « peu climato-compatibles », ainsi que d’autres qui « s’inscrivent difficilement dans l’esprit de la Conférence », comme Pepsi ou McDonald’s. Mais le gouvernement n’a en revanche pas hésité à faire appel à des marchands d’armes (Airbus, Dassault, Lagardère ou Thales), qui ont décliné la proposition. Il a aussi apparemment démarché sans succès Alstom, malgré l’engagement de cette entreprise dans le secteur des centrales à charbon.

Parmi les nombreuses entreprises contactées par le gouvernement français et qui ont refusé de sponsoriser la COP21, se distinguent également les secteurs de la grande distribution (Auchan, Casino) ou du BTP (Bouygues, Eiffage, Vinci). Certaines, comme le groupe agroalimentaire Avril-Sofiprotéol présidé par le dirigeant de la FNSEA Xavier Beulin, ont refusé l’offre mais ont accepté en revanche de financer l’initative privée « Solutions COP21 »(lire notre enquête), dont une des notes dont nous avons pu prendre connaissance dénonce la « concurrence souvent déloyale » dans la course aux sponsors...

L’une des principales raisons des entreprises sollicitées pour refuser de contribuer à la COP21 semble être la peur de se trouver exposées aux critiques des ONG... C’est ainsi que le secteur bancaire, en dépit du « lobbying qu’exerce apparemment la BNP-Paribas auprès de ses pairs », a longtemps préféré se tenir à l’écart, en invoquant les campagnes menées par certaines ONG pour que les banques se désinvestissent du charbon... Crédit agricole, Crédit suisse, Deutsche Bank, Société générale, Rotschild, BPCE et HSBC ont toutes été sollicitées, sans résultat. La solution finalement retenue a été de passer par les deux principaux lobbies du secteur en France, l’Association française des banques et la Fédération bancaire française, qui sont les deux derniers sponsors officiellement annoncés de la COP21.

Au final, on ne peut manquer de se demander si l’effort en valait vraiment la peine pour le gouvernement français.

Olivier Petitjean

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Photo : Benjamin Géminel CC

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