08.12.2023 • Climat

TotalEnergies : comment mettre une major pétrogazière hors d’état de nuire

350.org et l’Observatoire des multinationales publient à l’occasion de la COP28 un rapport qui démontre pourquoi il est nécessaire de reprendre le contrôle de l’industrie des énergies fossiles pour accomplir une véritable transition vers des énergies propres et renouvelables, et comment cette prise de contrôle peut se faire.

Publié le 8 décembre 2023

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Le rapport « TotalEnergies : comment mettre une major pétrogazière hors d’état de nuire » propose des pistes concrètes pour reprendre le contrôle des majors pétrogazières comme le géant français.

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La crise climatique s’accélère sous nos yeux. Cependant, si personne ne conteste que les énergies fossiles sont la cause première de la crise climatique, et si l’impératif de les « laisser dans le sol » est à l’ordre du jour international depuis longtemps, force est de constater que l’extraction massive du charbon, du pétrole et du gaz et l’ouverture de nouveaux gisements se poursuivent. Si l’on constate quelques progrès en matières d’énergies renouvelables, la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles menace de le priver de son sens et des ressources nécessaires.

Après des décennies d’obstruction plus ou moins ouverte, TotalEnergies et les grandes multinationales pétrogazières ont choisi d’adopter un discours plus subtil et en apparence plus constructif sur la question climatique. Elles ont clamé à qui voulait les entendre (et largement réussi à persuader les leaders politiques) que si elles étaient certes une partie du problème, elles étaient aussi une partie de la solution, voire la solution. Mais cet engagement apparent des majors pétrogazières dans la transition masque un jeu de dupes. TotalEnergies et ses pairs ne se sont appropriés – littéralement – la transition climatique que pour continuer dans le même temps à exploiter les énergies fossiles le plus longtemps possible.

Ce rapport explique, dans un premier temps, comment TotalEnergies masque sa stratégie de poursuite des énergies fossiles derrière un mince vernis vert et pourquoi il est vain d’espérer de cette major pétrogazière comme de ses pairs une véritable sortie des énergies fossiles dans les conditions actuelles, quelles que soient la bonne ou la mauvaise volonté de ses dirigeants ou leur opinion personnelle sur la crise climatique. Tous les signaux économiques, politiques et juridiques les incitent à maintenir le statu quo.

Le choix de maintenir tel quel le pouvoir économique et politique des grandes majors pétrogazières, qui leur permettent de bloquer toute action climatique ambitieuse et d’en répercuter les coûts sur les autres, nous a mené à une impasse. Il est donc plus que temps de passer à autre chose. TotalEnergies et ses pairs sont à la fois « Too big to fail » et « Too big not to fail ». nous mène au chaos d’une manière ou d’une autre, pas d’autre choix que de reprendre le contrôle. Nous ne progresserons pas sur l’enjeu climatique sans nous attaquer directement d’une manière ou d’une autre à ce pouvoir et à ses sources.

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Dans un second temps, ce rapport propose, toujours à partir de l’exemple de TotalEnergies, différents moyens de reprendre le contrôle et de lui imposer une sortie rapide des énergies fossiles, dans le cadre d’un processus de transition juste piloté de manière démocratique, transparente et inclusive :

  • Un cadre complet de régulation, en matière climatique et environnementale, mais aussi financière, fiscale ou encore d’encadrement du lobbying et de l’influence, à la mesure du pouvoir de nuisance d’une major pétrogazière comme TotalEnergies et qui la remette dans les rails de l’intérêt général.
  • Différentes manières de démocratiser, de l’intérieur, la gestion du groupe et d’y faire prévaloir d’autres intérêts que les exigences de profits des actionnaires.
  • Une prise de contrôle par la puissance publique via un processus de nationalisation, qui libère le groupe de la soumission aux marchés financiers, le transforme en établissement public et l’engage, dans le cadre d’une gouvernance élargie et démocratique dans un processus de sortie des énergies fossiles et de mise de ses ressources au service de la société et de ses besoins.

Il est clair cependant que le contrôle par l’État de l’actionnariat d’une société ne garantit pas à lui seul une supervision démocratique et la « bonne direction » des décisions de l’entreprise, et soulève des questions de justice économique et historique s’il implique une généreuse compensation des actionnaires actuels du groupe. Nous proposons donc des solutions alternatives, comme la réquisition ou la mise en œuvre d’une procédure de sauvegarde climatique, qui pourraient être approfondies pour éviter ces problèmes.

Une fois cette étape franchie, un autre avenir devient possible pour le groupe. Dans un troisième temps, nous abordons les modalités concrètes de la transformation de TotalEnergies tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Cette transformation passe :

  • Avant tout, par une sortie organisée des énergies fossiles, en concertation avec les gouvernements et les autres partenaires actuels du groupe.
  • Un processus de réparations des impacts spécifiques causés par TotalEnergies au cours de son histoire et une contribution à la réparation des impacts globaux des majors pétrogazières.
  • La consolidation des activités restantes de TotalEnergies soit dans le giron public, dans le cadre d’une Agence de la transition juste chargée de planifier et accompagner la sortie des énergies fossiles dans le cadre d’une approche de filière, et de rendre disponible à tous ceux qui en ont besoin les expertises et les technologies nécessaires, soit sous la forme d’une nouvelle entreprise qui serait la propriété de ses travailleurs et des citoyens, soit une combinaison des deux.

Cette étude cible spécifiquement TotalEnergies, mais son objet est évidemment beaucoup plus vaste. Des réflexions similaires ont été engagées dans d’autres pays à propos de l’avenir d’autres multinationales des énergies fossiles comme Shell, Eni ou RWE, et sur les moyens de construire des systèmes énergétiques à la fois décarbonés et démocratiques, au service des populations plutôt que des grandes entreprises. Les propositions que nous mettons sur la table à propos de TotalEnergies pourraient très bien s’inscrire dans une démarche internationale coordonnée et mutualisée ciblant le secteur des énergies fossiles dans son entier, ce qui ne peut que les rendre plus plausibles et plus facilement réalisables.

Nos propositions pourraient être taxées de « politique fiction » ou d’utopie. Pourtant, face à la crise climatique, il n’est plus d’autre action que « radicale », au sens étymologique d’agir à la racine. Le temps des changements progressifs qui ne se matérialisent pas est révolu. L’accélération du réchauffement et de ses impacts, à l’image des situations de guerre ou de pandémie, peut précipiter le changement ; des scénarios jusqu’alors inimaginables peuvent rapidement devenir crédibles, voire incontournables.


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