07.03.2019 • Publication

Multinationales et droits humains : l’hypocrisie européenne

Les abus des multinationales européennes démontrent le besoin d’un traité international contraignant. Nous publions aujourd’hui la version finale des 16 études de cas accompagnant notre rapport Impunité « made in Europe ».

Publié le 7 mars 2019

De la délocalisation de la production textile dans des usines meurtrières au Pakistan à la construction de grands barrages destructeurs en Éthiopie et au Brésil, de l’exportation de produits agrochimiques toxiques en Inde à la pollution, aux conflits sociaux età l’accaparement des terres engendrés par leurs projets miniers ou énergétiques, les multinationales européennes sont la cause de nombreuses violations des droits humains et de l’environnement à travers la planète.

Des organisations de la société civile et des médias d’Europe ont uni leur forces, dans le cadre du réseau ENCO, avec des alliés du Sud, pour documenter certains des abus les plus emblématiques de grandes entreprises européennes comme Shell, Syngenta, Engie, Salini, G4S ou Volkswagen, aussi bien chez elles qu’ailleurs dans le monde. Ces études de cas montrent à quel point ces violations sont souvent facilitées par les politiques publiques de l’Union européenne dans le domaine du commerce international, du climat ou de l’accès aux matières premières. Et comment les multinationales du vieux continent utilisent la RSE et autres mécanismes volontaires pour éviter d’avoir à rendre des comptes sur les impacts de leurs activités.

Les enseignements de ces études de cas sont cruciaux dans le contexte des négociations actuelles, au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, en vue d’un traité international sur les entreprises multinationales qui inclurait des dispositions véritablement contraignantes, par opposition aux mécanismes volontaires privilégiés par le secteur privé et la plupart des gouvernements occidentaux.

Comme le montre notre rapport Impunité « made in Europe », publié en octobre 2018 durant la session de négociations à Genève du groupe de travail intergouvernemental de l’ONU sur un traité contraignant pour les multinationales, l’Union européenne cherche à entraver tout progrès vers des normes juridiquement contraignantes nouvelles et ambitieuses. Elle promeut à la place un modèle basé sur des mécanismes non contraignants et sur une implication de plus en plus étroite du secteur privé dans l’élaboration des normes qui s’appliquent à lui.

Aujourd’hui, alors que la présidence de ce groupe de travail présente son rapport au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, nous publions la version finale des études de cas rédigées pour notre rapport d’octobre 2018 par une douzaine d’organisations européennes et deux organisations d’Argentine et de Zambie.

Les dirigeants politiques et économiques européens cultivent une image de respectabilité, qu’ils cherchent à opposer aux pratiques de leurs concurrents d’autres régions du monde. Ces études de cas dévoilent la réalité moins reluisante qui se cache derrière cette façade de responsabilité : une tendance inquiétante à « externaliser » les pires impacts environnementaux et sociaux des multinationales européennes et de la consommation des Européens dans les pays du Sud, à travers délocalisations, marchés carbone et dumping social et environnemental.

Seul un traité international ambitieux sur les multinationales et les droits humains peut les mettre face à leurs responsabilités et assurer l’accès à la justice des personnes et des communautés affectées – et du même coup permettre des avancées réelles en matière de promotion des droits humains et de lutte contre le changement climatique, au lieu de permettre aux entreprises de se défausser de leurs responsabilités et de se cacher derrière un masque de « responsabilité sociétale ».

En quelques semaines seulement, plus d’un demi-million de citoyens européens ont exprimé leur soutien à un traité international ambitieux pour les multinationales à travers l’initiative citoyenne européenne « Des droits pour les peuples, des règles pour les multinationales » (3). Il est temps que l’UE réponde à leur demande et cesse de bloquer le processus onusien.

Le rapport Impunité « made in Europe » est disponible en français, anglais et espagnol : https://multinationales.org/Impunite-made-in-Europe-pourquoi-l-UE-s-oppose-a-un-traite-sur-la

Les études de cas sont disponibles en anglais :
 KiK et l’incendie de Karachi : un test pour la responsabilité des donneurs d’ordre internationaux – par Goliathwatch (Allemagne)
 Syngenta : des produits agrochimiques toxiques en Inde – par MultiWatch (Suisse)
 Shell dans la Patagonie argentine – par Observatorio Petrolero Sur (Argentine)
 Salini et le complexe hydroélectrique Gibe en Éthiopie – par Re:Common (Italie)
 Le corridor éolien de l’isthme de Tehuantepec (Oaxaca, Mexique) – par Observatorio de Multinacionales en América Latina (Espagne)
 AATIF et Agrivision Africa : les lacunes du « développement » mené par le secteur privé – par ASTM (Luxembourg) & FIAN (Allemagne)
 La Société Générale et les exportations américaines de gaz – par Amis de la Terre France
 G4S dans les Territoires occupés palestiniens – par Novact (Espagne)
 BHP et l’effondrement du barrage minier de Samarco au Brésil – par War on Want & London Mining Network (Grande-Bretagne)
 Groupe Bruxelles Lambert : une responsabilité des actionnaires ? - par Observatoire des multinationales (France) & Gresea (Belgique) - à lire en français ici.
 Pollutions et violences autour d’une mine de Glencore au Pérou – par MultiWatch (Suisse)
 Indra Sistemas : des armes pour la guerre et pour militariser les frontières – par Centre Delàs (Espagne)
 Volkswagen et le scandale du Dieselgate – par Goliathwatch (Allemagne)
 ACS et le projet de stockage de gaz Castor – par ODG (Espagne)
 Engie et le barrage de Jirau – par Observatoire des multinationales (France)
 Crédit Suisse et le scandale des emprunts secrets du Mozambique – par MultiWatch (Suisse)

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