17.02.2016 • Télécommunications

Orange accusée de léser le fisc sénégalais

La presse sénégalaise accuse le groupe français Orange d’avoir délibérément sous-déclaré, de plusieurs centaines de millions d’euros chaque année, les profits qu’il réalise dans le pays. Un manque-à-gagner important pour le fisc sénégalais, révélé au moment où Orange cherche à obtenir une réduction du prix des futures licences 4G au Sénégal.

Publié le 17 février 2016 , par Olivier Petitjean

L’ex France Télécom détient 42,33% des parts et assure le contrôle opérationnel de la Sonatel, l’opérateur historique des télécommunications du Sénégal, dont l’État ne possède plus que 27%. Le Quotidien fait état, dans son édition du 1er février dernier, des résultats d’un rapport d’audit commandé par le gouvernement sénégalais, et qui conclue que les recettes annuelles déclarées par Orange au Sénégal entre 2011 à 2013 seraient inférieures de 400 milliards de francs CFA (610 millions d’euros) à la réalité.

Les documents que les journalistes sénégalais déclarent avoir consulté indiquent des profits annuels de 365 milliards de francs CFA pour le prépayé et de 370-380 milliards pour la téléphonie mobile sur abonnement - alors qu’Orange ne déclarerait des recettes annuelles pour le mobile que de l’ordre de 270 milliards. Un manque-à-gagner potentiellement important pour le fisc sénégalais, qui pourrait s’expliquer en partie par la convention fiscale entre la France et la Sénégal, laquelle vise à prévenir les doubles impositions, mais dans des conditions défavorables pour l’État africain.

La Sonatel, qui devrait annoncer dans quelques jours des bénéfices record de l’ordre de 900 milliards de francs CFA, a promis d’apporter une réponse détaillée à l’État sénégalais sur les disparités constatées par les experts. Dans un communiqué, elle dénonce des « accusations dénuées de tout fondement » et indique « se réserve[r] le droit de porter l’affaire devant la justice ». Quant à la maison mère Orange, elle déclare en réponse à nos sollicitations « soutenir totalement Sonatel dans sa démarche contre les allégations mensongères parues dans la presse sénégalaise à propos de ses revenus ».

Relations compliquées entre Orange et le Sénégal

À l’arrière-plan de ce litige, il y a aussi un bras de fer autour de l’attribution des licences 4G au Sénégal. Le gouvernement souhaite en obtenir 30 milliards de francs CFA, un tarif jugé excessif par Orange-Sonatel, qui a rallié à sa cause les deux autres opérateurs téléphoniques du pays, Tigo et Expresso. Ce qui a provoqué l’ire des dirigeants sénégalais, qui dénoncent une « entente illicite ». Orange doit également renégocier sa concession pour les 42,33% de la Sonatel que le groupe français détient, qui arrive à expiration en 2017.

Commentaires d’Orange : « La 4G est une technologie importante qui permettra au Sénégal de bénéficier d’une nouvelle accélération de son développement numérique ; Orange souhaite qu’une solution équilibrée soit trouvée pour l’acquisition de licences pour Sonatel à un prix qui garantisse par la suite une bonne dynamique des investissements et des prix accessibles pour les sénégalais. »

Le groupe français s’est attiré les foudres de ses employés sénégalais en annonçant un projet d’externalisation de certaines activités de la Sonatel dans d’autres pays africains, avec à la clé des suppressions d’emplois. De nombreuses voix se sont élevées au Sénégal pour que l’État reprenne totalement le contrôle de la Sonatel.

Outre le Sénégal, celle-ci a développé sous la houlette de France Télécom/Orange des activités de téléphonie en Guinée et au Mali. Elle est régulièrement présentée par les dirigeants du groupe français comme une filiale stratégique, lui donnant accès à des marchés « dynamiques » en Afrique de l’Ouest.

Olivier Petitjean

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Photo : jbdodane @ flickr CC

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