18.11.2022 • Coalition de l’inertie

Climat : les liens inextricables du CAC40 avec les énergies fossiles

En matière de climat, l’ennemi numéro un, ce sont les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) - c’est-à-dire, parmi les grandes entreprises françaises, TotalEnergies. Mais beaucoup d’autres groupes ont des liens étroits et des intérêts partagés avec le géant pétrolier et le secteur des énergies fossiles en général. Ce qui explique leur opposition à un action climatique décisive.

Publié le 18 novembre 2022

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, le secteur des énergie fossiles – charbon, pétrole et gaz – est de loin la première source d’émission de gaz à effet de serre au niveau global, et donc aussi la première cible des régulateurs que des activistes. En France, c’est principalement TotalEnergies, l’une des premières majors pétrolières et gazières au monde, qui se retrouve sous le feu des projecteurs et des critiques. Rien de plus normal, si l’on veut s’attaquer au problème à la racine. Mais ne faut pas oublier que les énergies fossiles sont profondément enracinées et intégrées dans tout le reste de l’économie, quel que soit le secteur d’activité.

Aujourd’hui, les défenseurs du climat s’efforcent de couper les flux de financement du secteur des énergies fossiles, de saper son crédit politique, et plus largement de le rendre « infréquentable ». En retour, les géants du charbon, du pétrole et du gaz (ayant renoncé au moins publiquement à la posture climato-sceptique qui a longtemps été la leur) s’efforcent de convaincre le public et leurs décideurs qu’ils sont engagés dans une transition vers des sources d’énergie moins polluantes et qu’ils « font partie de la solution ». Dans ce combat, les multinationales comme TotalEnergies peuvent compter sur les solides appuis dont il bénéfice parmi les entreprises des autres secteurs économiques, grâce aux liens commerciaux et personnels tissés avec elles, et plus largement dans la société à travers leur politique de financement et de mécénat.

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Le CAC40 compte deux groupes relevant directement du secteur des énergies fossiles, la major pétrolière TotalEnergies et le groupe gazier Engie. Tous deux ne communiquent aujourd’hui que sur leurs investissements dans les énergies vertes, mais leur activité reste très largement ancrée dans l’exploitation du pétrole et du gaz.

Par le jeu des liens croisés entre entreprises via les sièges aux conseils d’administration, les dirigeants de TotalEnergies sont également impliqués (ou l’ont été récemment) dans la gouvernance de 17 autres groupes, et ceux d’Engie dans 8 autres groupes du CAC. Quasiment toutes les sociétés de l’indice ont dans leurs instances de gouvernance une personne employée par le secteur des énergies fossiles.

Ces liens personnels au niveau des instances de gouvernance des entreprises reflètent des liens économiques plus profonds. Quasiment tous les autres groupes du CAC40 ont un modèle industriel et commercial reposant sur l’utilisation massive de charbon, de pétrole et de gaz, ou ont des intérêts partagés avec le secteur des énergies fossiles.

C’est le cas des groupes des secteurs automobile et aérien (Airbus, Renault, Safran, Stellantis, Thales) dont l’activité et la croissance, en dépit de leurs promesses vertes, continuent de reposer sur une consommation massive de carburants fossiles et qui génèrent également des émissions importantes via les pneumatiques ou les systèmes de freinage. C’est le cas des groupes financiers (BNP Paribas, Axa, Crédit agricole, Société générale) qui alimentent en fonds le secteur des fossiles et qui en tirent des revenus substantiels. De nombreux industriels utilisent le pétrole et le gaz comme matière première (chimie, engrais) ou bien ont des activités importantes de services au secteur des hydrocarbures. Même les groupes du CAC40 spécialisés dans la communication, la publicité et les relations publiques – Publicis et Vivendi (Havas) notamment – sont régulièrement pointés du doigt pour leurs missions au service du secteur des énergies fossiles ou de pays pétroliers comme l’Arabie saoudite.

Aucune de ces entreprises n’a un intérêt réel à une sortie des énergies fossiles – condition pourtant indispensable pour éviter une élévation catastrophique des températures globales. Elles tendent donc à s’aligner sur les positions et les discours des multinationales du pétrole et du gaz dans le cadre d’une « coalition de l’inertie climatique » : il ne faut pas aller trop vite, il ne faut surtout pas prendre de mesures ambitieuses pour réduire certains usages (comme l’a proposé la Convention citoyenne pour le climat, à laquelle le CAC40 s’est opposé en bloc), il faut miser sur le développement d’hypothétiques technologies « vertes » qui permettront de régler peut-être le problème un jour...

Il est légitime de cibler les énergies fossiles et les multinationales dont c’est le cœur d’activité. Mais il ne faut pas sous-estimer les soutiens sur lesquels ils peuvent compter dans l’ensemble du monde économique.

 
Photo : Shwan Cahill cc by-sa

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