Environ 12 000 personnes venues de toute l’Allemagne ont manifesté samedi 10 mai à Berlin pour protester contre la réforme des règles de soutien aux énergies renouvelables. Le ministre social-démocrate de l’Économie, Sigmar Gabriel, veut baisser les tarifs bonifiés d’achat de l’électricité issue de l’éolien, du solaire et de la biomasse, et limiter les nouvelles installations. Ce qui risque fort de freiner le développement des énergies vertes dans un pays qui fait pourtant figure de pionnier en la matière, avec plus d’un quart de l’électricité du pays produite par les énergies renouvelables.
« Les plans du gouvernement vont ralentir la transition énergétique », a déclaré lors de la manifestation Hubert Weiger, président de l’association Bund, la branche allemande des Amis de la terre. « L’Allemagne se trouve devant un choix décisif : soit quelques grands groupes énergétiques s’emparent du développement des énergies renouvelables, soit la transition énergétique se fait en accord avec les consommateurs et entre les mains de centaines de milliers de citoyennes et de citoyens. »
Les grandes entreprises exemptées de contribution
En Allemagne, les particuliers paient un prélèvement de plus de 6 cents par kilowattheure sur leur facture d’électricité pour financer les énergies renouvelables. Une somme qui a été multipliée par 10 dans les dix dernières années et qui a fait augmenter les factures de courant. Le projet de réforme de Sigmar Gabriel vise à modérer cette hausse du prix de l’électricité pour les particuliers. Mais d’autres solutions seraient possible pour y parvenir. Car des centaines [1] de grandes entreprises grosses consommatrices d’électricité sont, elles, exemptées de ce prélèvement. La réforme en cours ne remet pas en cause ce privilège accordé à l’industrie. Pire, elle va pénaliser les particuliers qui auto-consomment l’électricité renouvelable qu’ils produisent.
Les associations environnementales qui ont manifesté le 10 mai demandent donc une réforme qui s’appuient sur les particuliers et les centaines de coopératives citoyennes qui se sont engagés dans la production d’électricité verte. Les manifestants demandent aussi une sortie du charbon. Une énergie particulièrement polluante, gérée par les grands groupes énergétiques comme le suédois Vattenfall. Et qui fournit toujours plus de 40 % de l’électricité consommée outre-Rhin. Le projet de loi de cette réforme est passé le 8 mai en premier examen devant les députés du Bundestag. Le gouvernement veut une entrée en vigueur dès le 1er août prochain.
En Allemagne, la distribution de l’énergie est assurée par des opérateurs locaux. Ces dernières années, un peu à la manière de ce qui s’est passé pour l’eau, on a assisté à une tendance à la « remunicipalisation » de ces services, naguère confiés aux grandes entreprises privées - soit sous la forme d’un retour sous le giron public, soit sous celle d’une transformation en coopérative de distribution [2].
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Faites un donPendant ce ce temps, en Espagne...
Mêmes problèmes en Espagne. Inter Press Service (IPS) faisait récemment le portrait (en anglais) d’une coopérative énergétique créée dans la province de Cuenca (Centre-Est) par les Amis de la terre Espagne et l’entreprise sociale Ecooo. Plusieurs coopératives de distribution ont été créées dans diverses régions du pays. Là aussi, le gouvernement conservateur espagnol mène une politique favorables aux intérêts des grandes firmes énergétiques, comme Iberdrola, Gas Natural Fenosa ou Endesa :
Les Amis de la terre Espagne se plaignent que le gouvernement fasse obstacle au développement des énergies renouvelables dans le pays, dont l’énorme potentiel dans ce domaine reste selon eux sous-utilisé (...).
« Notre gouvernement a un sacré toupet de mener la politique qu’il mène », déclare Marc Roselló de Som Energia [une autre coopérative énergétique], en référence à sa politique énergétique, qui privilégie les grandes entreprises qui utilisent des énergies fossiles.
En Espagne comme ailleurs, la libéralisation du secteur de l’électricité et du gaz a entraîné une hausse vertigineuse des prix, qui est venu s’ajouter aux effets de la crise économique :
Dans ce pays d’Europe du Sud, qui a un taux de chômage de 25% et ou le coût de l’électricité augmente continument, est apparu un nouveau phénomène : la précarité énergétique. Le nombre de personnes qui a des difficultés à payer sa facture d’électricité a augmenté de 2 millions entre 2010 et 2012, pour une population de 47 millions, selon une étude de l’Association pour les sciences environnementales (ACA).
José Luis López, qui a coordonné cette étude, estime que les initiatives de gestion collective de l’énergie peuvent avoir une certaine influence sur la réduction de la précarité énergétique dans la mesure où elles parviennent à limiter les coûts de la facture énergétique de leurs membres, même s’il n’y a pas d’« effet magique à court terme ». La promotion d’une production énergétique renouvelable et indépendante réduirait aussi la dépendance envers les combustibles fossiles, ce qui permettrait d’économiser des millions d’euros de coûts fixes pour les deniers publics, ajoute-t-il.
Rachel Knaebel (et Olivier Petitjean)
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Photo : CC : Andreas Conradt / PubliXviewinG