À en croire leurs discours publics, toutes les grandes multinationales ou presque sont converties à la lutte contre le changement climatique. Cela vaut aussi bien pour des géants de l’énergie comme EDF, Engie ou Total que pour les Google, Facebook, Amazon et autres, dont les opérations « virtuelles » requièrent des quantités phénoménales d’électricité. L’époque où les intérêts industriels s’opposaient à toute action climatique ambitieuse pourrait donc sembler révolue.
Et pourtant. Derrière le vernis vert de la communication d’entreprise, les grandes firmes continuent à refuser, via les lobbys patronaux et les associations professionnelles, toute forme de régulation contraignante, dans le domaine climatique comme dans bien d’autres. D’un côté, quand c’est de leur propre réputation qu’il s’agit, elles font parade de leur vertu climatique et de leurs engagements ; de l’autre, à travers des lobbys impersonnels, moins compromettants, elles tiennent un discours parfois à l’exact opposé (voir notre article).
Nouvelle illustration avec un document interne de BusinessEurope, le plus important lobby patronal européen regroupant tout le gratin des multinationales du vieux continent, mais aussi des États-Unis. Un document interne révélé par Greenpeace montre comme BusinessEurope entend faire capoter le projet d’introduire des objectifs climatiques plus ambitieux au niveau de l’Union européenne à l’horizon 2030.
Le lobby y explique notamment - en des termes candides - comment il va « rester plutôt positif tant qu’on en reste au niveau des déclarations politiques, sans implications législatives » et « s’opposer à toute ambition accrue, en utilisant l’argument habituel de la distorsion de compétitivité face à nos concurrents ». Autres tactiques prévues : entraver le processus par des arguments procéduraux et suggérer que mettre en place des objectifs supplémentaires « n’est pas le principal problème », et qu’il vaut mieux encourager la Chine et les autres à réduire leurs propres émissions.
Le quoditien britannique The Guardian a contacté plusieurs multinationales membres de BusinessEurope, y compris les françaises EDF et Engie, ou encore Google, Facebook et Microsoft pour solliciter leur réaction sur une proposition si éloignée de leurs discours publics. Aucune de ces entreprises n’a souhaité prendre ses distances avec BusinessEurope.
Ces révélations interviennent au moment où l’ONG InfluenceMap publie une nouvelle étude sur le positionnement des grandes multinationales sur les questions de climat, en tenant compte de leur lobbying indirect : à lire ici (lire notre article sur une version plus ancienne de ce classement)
Olivier Petitjean
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Photo : Andrew CC @flickr