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06.06.2016 • Souveraineté alimentaire

Des riverains de plantations d’huile de palme bloquent l’AG du groupe Bolloré

Le blocage est décidément à l’ordre du jour en France. C’est au tour du siège du groupe Bolloré, à Puteaux (Hauts-de-Seine), de subir cette méthode de protestation. Le 3 juin au matin, pendant près de trois heures, une centaine de manifestants sont venus pacifiquement bloquer différentes entrées du siège de l’un des plus puissants groupes français. Ces personnes ont tenté d’interpeller les actionnaires du groupe Bolloré qui se rendaient à leur assemblée générale.

Publié le 6 juin 2016 , par Eros Sana

Représentant des organisations de la société civile en France (Confédération paysanne, ReAct, Survie etc.), mais aussi au Cameroun, au Congo démocratique, en Sierra Léone, en Côte d’Ivoire et au Cambodge, ces hommes et ces femmes veulent attirer l’attention sur les conditions d’exploitations de milliers d’hectares de plantations par des filiales de sociétés dans lesquelles le groupe Bolloré détient une participation déterminante.

Particulièrement visée, la société luxembourgeoise Socfin, dont l’actionnaire principal est le groupe Bolloré, avec 39 % des parts. C’est cette holding, aux ramifications nombreuses, qui détient ou exploite des plantations industrielles de palmiers à huile et d’hévéas dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie. Depuis 2008, année après année, hectare après hectare, elle connaît une expansion continue. Avec des conséquences sur la vie des riverains des exploitations et, à la clef, de nombreux conflits sociaux.

« Les surfaces plantées des sociétés africaines de la Socfin sont passées de 129 658 à 185 324 hectares entre 2009 et 2015, soit une augmentation de plus de 40%. Ces expansions provoquent de graves conflits avec les populations riveraines qui sont privés de terres et voient leurs conditions de vie sans cesse se dégrader », estime l’association ReAct.

Regroupés depuis le 5 juin 2013 autour d’un collectif international, l’Alliance Internationale des Riverains des plantations Bolloré-Socfin, ils dénoncent, entre autres, « l’accaparement aveugle des terres ne laissant aux riverains aucun espace vital et mise en terre de cultures vivrières », ainsi que « la faiblesse des compensations accordées aux populations riveraines ».

Raphaël est cambodgien, le cou enserré d’un krama, le foulard traditionnel cambodgien. Il parle avec calme et détermination alors que la police et les vigiles tentent de le repousser : « Ce que nous voulons dire, c’est que Bolloré et ses filiales ne doivent pas faire la loi, ni au Cambodge, ni en Afrique ». Lucien vient du Congo et il est en colère : « Je ne comprends pas que le groupe Bolloré fasse des milliards de bénéfices en Afrique alors que la misère y est toujours si forte, que les gens n’arrivent pas à se nourrir ! ».

La souveraineté alimentaire des pays où la Socfin est présente constitue l’une des principales préoccupations des activistes français venus en soutien. Une discussion ubuesque s’engage entre un agriculteur français et un actionnaire du groupe Bolloré. Ce dernier évoque le « génie des ancêtres Bolloré à qui les chinois ont révélé les secrets du papier à rouler ». « Je suis paysan français, rétorque le militant de la Confédération paysanne, et je ne saurais accepter qu’on empêche d’autres paysans de vivre de leurs propres terres ».

Les organisations ont demandé à rencontrer la direction du groupe Bolloré, mais leur sollicitation n’a pas abouti. En fin de matinée, les forces de l’ordre sont intervenues, sans violence, pour faciliter l’accès des actionnaires à l’assemblée générale. Au moment où nous publions ces lignes, les représentants du groupe Bolloré n’ont pas répondu à nos demandes de réaction. Un porte-parole du groupe a cependant déclaré à l’AFP que « cette manifestation est une recherche de spectaculaire qui était inappropriée car le groupe Bolloré est un actionnaire minoritaire, non gestionnaire de la Socfin » (voir ici). Le groupe envisage de porter plainte contre les organisations qui ont manifesté pour « viol de propriété » et « destruction de matériel ».

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Texte : Eros Sana
Photos : © Eros Sana - Collectif OEIL

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