Avec plus de 518 millions d’euros de travaux [1], Vinci Concessions compte rentabiliser sa future autoroute avec des péages. Le tarif payé par les automobilistes serait « au niveau de ceux de l’autoroute la plus chère de France », selon le site d’informations locales Rue89 Strasbourg [2]. « Quel conducteur privilégiera une autoroute payante à une gratuite ? », interrogent dans une vidéo les opposants. Ceux-ci rappellent que « le GCO va couper en deux le poumon vert à l’ouest de Strasbourg, et augmentera la pollution et le bruit dans les zones péri-urbaines qu’il va traverser ».
Le projet GCO, une autoroute vraiment... par nonaugco
Doutes des autorités sur la « pertinence » du projet
Une fois le projet déclaré d’utilité publique en janvier 2008, la région Alsace et le Conseil général du Bas-Rhin votent 30 millions d’euros de financement public pour le GCO en février 2012. Mais quinze mois plus tard, en juin 2013, le rapport de la commission mobilités 21 considère qu’ « il n’est pas possible de retenir le projet [GCO] dans la catégorie des premières priorités », pointant son caractère « controversé » et les nombreuses questions soulevées sur sa « pertinence comme réponse aux problèmes que rencontre l’agglomération de Strasbourg » [3].
En cause, la faible capacité de la nouvelle autoroute à absorber la circulation journalière de l’actuelle A35 [4]. Celle-ci est très prisée par le transport routier européen car elle permet d’éviter les autoroutes allemandes et leur éco-taxe. Sur les 170 000 véhicules empruntant l’A35 chaque jour, 35 000 se détourneraient vers le contournement selon la Chambre de commerce et d’Industrie du Bas-Rhin [5]... Sans que cette nouvelle autoroute ne règle le problème d’accessibilité de Strasbourg aux heures de pointes. « Gaspillage de 300 hectares de terres agricoles », « atteinte à 50 hectares de forêts », « massacre de paysages exceptionnels », « destruction d’espèces remarquables »... Pour les opposants, les conséquences négatives seront bien plus nombreuses.
Blocages de travaux illégaux
Les procédures juridiques et les réunions publiques se sont multipliées [6]. Alors que plusieurs recours n’ont pas encore été jugés et que l’enquête publique relative aux impacts liés à la loi sur l’eau n’a pas eu lieu, les actions de désobéissance civile essaiment. Ces derniers mois, des panneaux des villes ou villages concernés par le tracé du contournement ont été maquillés avec des stickers « Vinci Geh Heim » (Vinci rentre chez toi). Plusieurs cabanes ont également été construites le long du tracé où des militants campent régulièrement [7]. Depuis avril, un nouveau collectif de riverains s’est monté, Les Bishnoïs [8], à l’initiative de concerts, d’animations nature, de forums ou de « zone camping ».
Fin septembre, Vinci et ses filiales ont voulu effectuer des travaux de forages géotechniques pour faire des analyses du sol sur le tracé prévu, mais ils se sont heurtés à plusieurs actions de blocage [9]. Depuis, une enquête est en cours « pour défaut d’autorisation », selon le journal des DNA. De son côté, le groupe Vinci avance « une erreur de transmission de consignes » pour expliquer ce lancement précipité de travaux. Reste que si les travaux ne commencent pas le 1er janvier 2018, la déclaration d’utilité publique de 2008 devient caduque. Il faudrait alors recommencer toute la procédure d’enquête publique.
Le collectif « GCO non merci » appelle à l’abandon de ce projet et à la mise en place de mesures alternatives durables pour rendre les transports collectifs plus attractifs. Un nouveau rapport confirme le manque d’investissement, à l’échelle mondiale, dans les transports en commun et la dégradation de leur accessibilité, à mesure que l’on s’éloigne des centre-villes. « Les transports de masse devraient croître avec les villes, et pourtant dans la plupart des territoires, les pouvoirs publics comptent encore sur le trafic automobile comme premier mode de transport », déplore l’ONG à l’origine de cette étude [10]. « Les impacts du réchauffement peuvent encore être atténués s’il y a assez de volonté politique. La poursuite d’un développement basé sur la voiture, partout dans le monde, est un exemple parfait de cette tragédie. »
Sophie Chapelle