07.11.2023 • Actus, revue de presse et liens

L’urgence climatique, une excuse commode pour les marchands d’armes et les compagnies minières ? - La lettre du 7 novembre 2023

Publié le 7 novembre 2023

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Bonne lecture

Des minerais « critiques » pour quoi et pour quoi ?

« Pas de batteries sans lithium, pas d’éoliennes sans terres rares, pas de munitions sans tungstène. » C’est une vraie citation, du commissaire européen (et ex ministre et ex PDG d’Atos et Orange) Thierry Breton, à l’occasion de la loi européenne sur les « matières premières critiques », sur le point d’être adoptée.

Si vous avez entendu parler de cette législation, c’est probablement en bien, comme une contribution nécessaire à l’action climatique, visant à sécuriser l’approvisionnement en minerais nécessaires à la transition.

Malheureusement, derrière les beaux discours, le « Critical Raw Materials Act » fait surtout la part belle aux intérêts des géants des mines, de l’aéronautique et de l’armement. L’enquête que nous publions aujourd’hui, « Du sang sur le Green Deal ? », met en lumière le lobbying agressif des industriels pour influencer le contenu de cette législation.

Prenant prétexte de l’urgence climatique, l’Union européenne s’apprête à donc signer un chèque en blanc aux compagnies minières et à des industries problématiques, sans se poser les questions nécessaires sur quels sont les minerais réellement critiques, pour quelles utilisations et quels objectifs, et sans hiérarchiser et discriminer entre les utilisations.

Cela ne peut que mettre en péril les objectifs climatiques de l’UE, en rendant le Green Deal à la fois plus coûteux, et moins populaire auprès des populations affectées par l’exploitation minière.

Et cela ne rendra probablement pas non plus l’Europe plus sûre, puisque les métaux seront utilisés pour fabriquer des armes qui seront ensuite exportées dans le monde entier.

Lire notre enquête dans sa version longue : Du sang sur le « Green Deal » ? Comment l’UE, sous prétexte d’action climatique, s’est mise au service des multinationales des mines et de l’armement. Version (très) courte ici.

Au Kazakhstan, la réalité de l’extractivisme

La parution de notre étude « Du sang sur le Green Deal ? » tombe quelques jours après une visite officielle d’Emmanuel Macron au Kazakhstan, dont l’objectif principal était … de sécuriser l’accès à des minerais critiques.

Le pays est déjà, entre autres, l’un des principaux fournisseurs d’uranium pour Orano (ex Areva). Il est aussi la source de plus d’un tiers du titane qui arrive en Europe – un métal crucial pour l’industrie de la défense comme nous l’expliquons abondamment dans notre enquête.

Le dirigeant du Kazakhstan Kassym-Jomart Tokaïev, ancien bras droit de son prédécesseur Noursoultan Nazarbaïev resté au pouvoir pendant trente ans, pratique une politique d’équilibrisme savant entre les influences russe, chinoise et occidentale.

Vis-à-vis de sa propre population, c’est plutôt une main de fer. Des manifestations contre la vie chère ont été réprimées en début d’années faisant plus de 200 morts. Le passage d’Emmanuel Macron dans le pays a d’ailleurs été l’occasion de signer quelques contrats d’armement avec des entreprises françaises.

Quelques jours auparavant, le pays faisait déjà la une des médias en raison de l’un des accidents miniers les plus meurtriers de son histoire, sur un site appartenant à un champion du CAC40, ArcelorMittal. Cette tragédie, qui a fait 46 victimes, s’inscrit dans une longue liste macabre depuis la chute de l’Union soviétique et l’arrivée du géant de la sidérurgie.

La sécurité des salariés est un problème récurrent dans l’ensemble du groupe ArcelorMittal, comme nous avons eu souvent l’occasion d’y revenir dans nos travaux, mais c’est certainement au Kazakhstan que la situation est la pire. Le gouvernement kazakh a décidé de nationaliser la filiale locale d’ArcelorMittal en guise de sanction contre les manquements de la multinationale.

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En bref

Révolte des ouvriers textiles au Bangladesh. Les travailleurs et travailleuses du secteur textile du Bangladesh ont multiplié les manifestations ces dernières semaines. Au cœur de leurs revendications, une augmentation du salaire minimum pour compenser l’inflation galopante. Celle-ci est refusée par les propriétaires des usines qui travaillent pour les grandes marques mondiales. Le bras de fer a pris un tour violent, avec la mort d’un manifestant par balle à Gazipur.

Fin de grève aux États-Unis. Nous vous parlions dans nos lettres précédentes de la grève des travailleurs de l’automobile aux États-Unis et de comment Stellantis (Fiat-Peugeot) était particulièrement ciblé en tant que propriétaire de Chrysler. Le groupe a fini par céder et signer avec Ford et General Motors l’accord validant une hausse de 25% du salaire des ouvriers sur quatre ans.

La responsabilité des multinationales est un sport de combat. Les milieux d’affaires et la société civile continuent d’avoir une conception très différente de la « responsabilité des entreprises » et de comment celle-ci doit être assurée – avec une ligne de fracture toujours aussi profonde entre les tenant d’une approche minimaliste basée sur les engagements volontaires et ceux d’une approche juridique et contraignante. La bataille se joue à la fois au niveau européen, avec le débat sur la directive devoir de vigilance (lire notre enquête), et au niveau international avec le projet de traité onusien sur la responsabilité des multinationales. Une neuvième session de négociations vient de se clore à Genève, toujours sans conclusion, mais sans que les grandes entreprises et leurs alliés n’aient réussi à imposer leur vision. En France même, les ONG et les syndicats – représentés par le Forum citoyen pour la RSE – ont décidé de quitter formellement la « plateforme RSE », instance de concertation multipartite qui avait été mise en place il y a presque dix ans par le gouvernement, et dont ils dénoncent l’immobilisme délibéré (lire leur communiqué de presse).

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