En 2017, les patrons les mieux payés des grandes entreprises françaises étaient ceux de TechnipFMC, Sanofi, et L’Oréal avec un peu plus ou un peu moins de 10 millions d’euros de rémunération totale chacun. Ils sont suivis par un autre groupe formé par les dirigeants de LVMH, Renault et LafargeHolcim, avec des rémunérations situées entre 7 et 8 millions d’euros. En 2016, on retrouvait déjà à peu près les mêmes entreprises parmi les champions de la démesure salariale, avec en plus Carrefour et sans TechnipFMC, qui n’avait pas encore fusionné. À l’autre bout du classement, les patrons les moins bien rémunérés sont ceux qui président aux destinées d’entreprises publiques ou parapubliques où l’État actionnaire dispose d’une influence importante, comme EDF, La Poste ou Air France (toutes hors CAC40). Les pouvoirs publics ont en effet fixé des règles strictes de limitation des rémunérations annuelles à 450 000 euros.
Globalement, la rémunération des patrons du CAC40 représentait en 2017 la somme colossale de 187 millions d’euros, contre 163,7 millions (hors TechnipFMC) en 2016. À périmètre égal, c’est une augmentation de 7,8 % d’une année sur l’autre. Pour comparaison, les dépenses moyennes par salarié des mêmes entreprises n’a augmenté que de 1,8 % entre 2016 et 2017 – plus de quatre fois moins. La rémunération des dirigeants est en effet de plus en plus alignée sur les bénéfices réalisés par les actionnaires, ce qui explique qu’elle augmente au même rythme que les dividendes, plutôt qu’au rythme des salaires « normaux » (lire notre article sur les dividendes 2017). Le patron moyen d’un groupe du CAC40 a gagné 4,68 millions d’euros en 2017. C’est l’équivalent d’environ 263 SMIC.
Les dirigeants de grandes entreprises françaises qui ont vu leur rémunération augmenter de la manière la plus spectaculaire entre 2016 et 2017 sont ceux d’Iliad (entreprise hors CAC40, multiplication par dix à travers la distribution d’actions), ArcelorMittal, Accor, ST et Kering. Dix patrons du CAC40 ont tout de même vu leur rémunération baisser d’une année sur l’autre, souvent dans des proportions négligeables, mais dans certains cas de manière significative (Publicis et Axa).
Depuis deux ans, suite notamment aux controverses autour du salaire de Carlos Ghosn, PDG de Renault, maintenu en 2016 malgré un vote défavorable en assemblée générale annuelle, les rémunérations des dirigeants du CAC40 sont sujettes à un vote contraignant des actionnaires, ce qu’on appelle communément le « say on pay ». Le taux moyen d’approbation des rémunérations se maintient à un niveau très élevé (85,7 % en moyenne en 2017), mais tend à décroître lentement au fil des années. En 2017, c’est la rémunération des dirigeants de Renault qui avait obtenu la plus faible approbation, avec 53 %. Cette année, les dirigeants de Vinci affichent également obtenu des taux d’approbation très modestes.
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Selon leurs chiffres officiels, en 2017, les grandes entreprises françaises les plus inégalitaires étaient, dans l’ordre, Carrefour, Sodexo et Renault, avec respectivement un rapport de 251, 225 et 206 entre la rémunération totale accordée à leur plus haut dirigeant et les dépenses moyennes par salarié. En d’autres termes, il faudrait 251 ans pour un salarié de Carrefour pour gagner autant que son PDG. Ceci dit, en 2016, il en aurait fallu 440.
Les trois mêmes entreprises occupaient également les premières marches du podium en 2016. Ces écarts de rémunération reflètent sans doute des réalités différentes. Chez Carrefour et Sodexo, ils peuvent être mis en rapport avec le niveau modeste des rémunérations au sein de ces entreprises. Chez Renault, ils tiennent en revanche à la rémunération particulièrement élevée du PDG Carlos Ghosn, objet de controverses répétées.
Les autres entreprises qui se retrouvent dans le « top 10 » de l’inégalité sont à peu près les mêmes d’une année sur l’autre : Valeo, L’Oréal, Schneider Electric, LafargeHolcim et Essilor. LVMH et Danone ne sont pas très loin. Selon les calculs d’Oxfam et du Basic dans un récent rapport, sur toute la période 2009-2016, les multinationales françaises les plus inégalitaires étaient Carrefour (ratio de 306), LVMH (270) et Danone (227).
À l’autre bout du classement, les grandes entreprises françaises les moins inégalitaires sont à nouveau, sans surprise, les entreprises publiques ou para-publiques, sujettes aux règles de rémunération fixées par l’État actionnaire. Également situées plutôt vers le bas du classement, des entreprises qui affichent des dépenses moyennes par salariés particulièrement élevées, comme Publicis, BPCE, Crédit agricole ou Dassault aviation.
En 2017, le ratio moyen entre rémunération du patron et dépenses moyennes par salariés dans les grandes entreprises françaises de notre échantillon était de 82. En 2016, il était de 73. Si l’on se restreint au seul CAC 40 (en excluant donc un grand nombre d’entreprises liées à l’État actionnaire comme EDF ou Air France), ces ratios sont respectivement de 95 et de 90. En clair, pour une entreprise typique du CAC40, un patron vaut presque 100 fois plus qu’un salarié.
Mais quel serait le niveau « raisonnable » d’inégalité au sein d’une même entreprise ? Au début du XXe siècle, Henry Ford lui-même avait fixé ce ratio à 40. En 2017, seulement six entreprises du CAC40 étaient en-dessous de ce niveau. Dans la foulée de la crise financière globale, Barack Obama avait évoqué un ratio de 25, qui correspond peu ou prou à celui mis en place dans les entreprises publiques françaises. Il y a quelques années, une initiative citoyenne en Suisse avait proposé de limiter cet écart à seulement 12. La proposition a été défaite lorsqu’elle a été soumise à référendum. Avec un tel critère, aucune entreprise du CAC40 ne serait dans les clous.
Olivier Petitjean
Sur notre projet de véritable bilan annuel des grandes entreprises françaises, à paraître dans quelques semaines, voir ici.
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Photo : Roberto Maldeno CC via flickr