17.01.2024 • Inégalités

Derrière les grandes fortunes et les multinationales présentes à Davos, le poids croissant des monopoles

L’Observatoire des multinationales s’associe à la parution d’un rapport qui se penche sur l’origine de la richesse et de la fortune des milliardaires et multinationales présents à Davos, et argumente que la concentration croissante de l’économie et les positions de monopoles y sont pour beaucoup. Il montre notamment que les plus grosses multinationales, depuis les GAFAM jusqu’à LVMH, ont des taux de marges beaucoup plus élevés que les autres, et que ces marges ont augmenté ces trois dernières années.

Publié le 17 janvier 2024

Les plus grandes entreprises mondiales utilisent le pouvoir de monopole qu’elles ont sur leurs marchés respectifs pour augmenter les prix et les maintenir à un niveau élevé, aggravant l’inflation et la crise du coût de la vie. Entre 2018 et 2022, le taux de marge (markup) moyen des 20 plus grandes entreprises mondiales a augmenté pour atteindre environ 50 %. C’est le double de la marge moyenne qu’affichent les 50 % d’entreprises les moins grosses d’un échantillon de près de 34 000 entreprises cotées.

Sur ces 20 multinationales, 14 sont partenaires officiels du Forum économique mondial de Davos, qui se dit déterminé à améliorer l’état du monde.

Ces conclusions sont issues d’un nouveau rapport intitulé Taken, not earned : How monopolists drive the world’s power and wealth divide (« Pris, pas mérité. Comment les monopoles accroissent les inégalités de pouvoir et de richesse »), publié à l’occasion du Forum de Davos par quatre organisations non gouvernementales : Balanced Economy Project, SOMO, Global Justice Now et LobbyControl, avec le soutien de l’Observatoire des multinationales.

L’étude porte sur les 20 plus grandes entreprises du monde en termes de capitalisation boursière, dont beaucoup sont détenues ou contrôlées par les 20 premiers milliardaires de la liste Forbes. Que 14 d’entre elles soient partenaires officiels du Forum économique mondial signifie qu’elles sponsorisent l’événement et influencent le cadrage des débats lors de la réunion annuelle de Davos, qui ont à leur tour des ramifications plus larges dans le débat public international.

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Ces partenaires du Forum de Davos sont Apple, Microsoft, Alphabet/Google, Amazon, Meta/Facebook, Eli Lilly, Visa, Novo Nordisk, Walmart, ExxonMobil, JP Morgan Chase, Johnson and Johnson, LVMH et Saudi Basic Industries (SABIC). Derrière ces entreprises se trouvent de nombreux milliardaires monopolistes parmi les plus riches et les plus puissants du monde, dont Bernard Arnault, Elon Musk et Jeff Bezos.

Taux de marge, 1995-2022

Le rapport Taken, not earned montre que les plus grandes entreprises pratiquent des marges toujours plus élevées alors que de nombreuses petites entreprises peinent à dégager le moindre bénéfice. Depuis 1995, les marges bénéficiaires des 100 plus grandes entreprises étaient en moyenne de 43 %, contre 24 % pour les 50 % d’entreprises cotées les plus petites de l’échantillon. Au cours des trois dernières années, marquées par la pandémie, les marges ont atteint presque exactement 50 % pour les plus grandes entreprises, contre 25 % pour les plus petites.

Les auteurs du rapport ont constaté que les marges moyennes des plus grandes entreprises ont augmenté de manière continue entre 1995 et 2022, alors que les marges moyennes des plus petites entreprises n’ont pratiquement pas changé. Au-delà de l’augmentation des prix, le rapport montre aussi comment les monopoles nuisent aux petites entreprises, affectent les droits fondamentaux des citoyens et faussent les processus démocratiques.

Le rapport Taken, not earned montre également l’importance croissante du lobbying de ces entreprises, qui s’appuient sur un réseau de 236 organisations, fédérations, associations professionnelles et think tanks en Europe. Leurs dépenses annuelles de lobbying s’élèvent à 118,3 millions d’euros aux États-Unis et 36,9 millions d’euros dans l’Union européenne. Les géants du numérique sont de loin ceux qui dépensent le plus en lobbying parmi les 20 premières entreprises mondiales, représentant 82 % du total (30,3 millions d’euros) dans l’Union européenne et 58 % (61,1 millions d’euros) aux États-Unis. Le pouvoir structurel de ces monopoles renforce également leur influence politique, car ils peuvent exercer une forte pression sur les gouvernements en raison de leur position dans l’économie et la société, même sans mener d’actions de lobbying directes.

En dépit de la place toujours plus exorbitante des grands monopoles dans le monde, les autorités publiques se montrent peu enclines à s’attaquer à la racine du problème.

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Photo : David Haberthür CC by-nc

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