Ni le déménagement de son siège social en Suisse, ni le scandale qui entoure ses activités en Syrie durant la guerre civile n’empêchent LafargeHolcim de continuer à empocher des marchés publics très lucratifs en France.
Le géant des matériaux de construction a annoncé avoir obtenu des contrats de fourniture de granulats et de ciment en vue de produire 650 000 tonnes de béton prêt à l’emploi pour les tunnels et les gares du Grand Paris Express. Ces lignes de métro à très grande profondeur, qui relieront les points névralgiques de l’agglomération, est l’une des réalisations les plus emblématiques du « Grand Paris ». Montant du contrat ? 110 millions d’euros.
En l’absence d’une véritable réorganisation territoriale, le « Grand Paris » apparaît de plus en plus comme une simple collection de grands projets urbains de prestige, plus ou moins utiles, et dont les principaux bénéficiaires seront les entreprises chargées de les construire ... ou celles qui pourront capitaliser sur la hausse du prix des logements qui en résultera. La Société du Grand Paris (SGP), structure bureaucratique chargée du Grand Paris Express, est d’ores et déjà dans la tourmente en raison de la hausse vertigineuse de ses coûts et de soupçons de favoritisme.
Les fournisseurs de matériaux de construction comme Lafarge (ou son concurrent Italcimenti, qui veut agrandir une carrière dans le parc naturel du Vexin) sont eux aussi bien placés pour profiter de la manne. Leurs salariés, par contre, risquent de n’en récolter que des miettes. Les trois sites de Lafarge dans la vallée de la Seine ont fait grève pendant deux semaines durant ce mois de février 2019 pour obtenir une prime exceptionnelle en raison du surcroît d’activité lié au Grand Paris. Leurs revendications ont été partiellement satisfaites.
Le ciment, « matériau le plus destructeur du monde »
Les chantiers du « Grand Paris » ne pourront qu’avoir des conséquences environnementales problématiques aussi bien au moment de la construction, en termes de pollutions et d’émissions de gaz à effet de serre, qu’à plus long terme. Les millions de tonnes déversées sur le territoire francilien le rendront plus vulnérable face aux impacts du réchauffement climatique (lire notre enquête : Avec le « Grand Paris » et les JO, une vague de béton s’apprête à submerger l’Île-de-France). Ponctuellement, certains projets urbains du « Grand Paris » cherchent certes à utiliser des variétés de béton ou de ciment plus « vertes ». Mais cela ne changera sans doute pas grand chose au tableau général.
Le ciment (principal composant du béton) est pourtant de plus en plus décrié. Selon des chiffres publiés par The Guardian (qui lui consacre une semaine spéciale sous le titre de « matériau le plus destructeur du monde »), le ciment représente entre 4 et 8% des émissions globales de gaz à effet de serre, 10% des ressources en eau exploitées par l’industrie, est responsable de 10% de la pollution atmosphérique qui étouffe des métropoles comme Delhi, et est associé à la destruction d’écosystèmes riches en biodiversité et de rivères pour en extraire du calcaire ou du sable.
Le béton est aussi, poursuit le quotidien britannique, au coeur d’une certaine conception de l’aménagement du territoire et du « développement », poussée par une alliance intéressée entre dirigeants politiques et entreprises privées, qui privilégient les grands projets d’infrastructure lucratifs sans trop se soucier de leur utilité sociale ni de leur impact environnemental. Une myopie que l’on voit aujourd’hui encore à l’oeuvre avec le Grand Paris.
Olivier Petitjean
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Photo : Jeanne Menjoulet CC via Wikimedia Commons